Pourquoi Carmelo Anthony aurait dû signer aux Bulls

Carmelo Anthony a choisi New York, sa ville de coeur, les Knicks et 120 millions de dollars sur cinq ans. Quitte à ne jamais remporter le moindre titre NBA.

Pourquoi Carmelo Anthony aurait dû signer aux Bulls
Parmi les nombreux constats que l’on peut établir à l’issue de ce weekend qui a marqué un tournant dans la free agency NBA, on remarquera que la plupart des joueurs – stars ou joueurs de complément – optent pour l’organisation qui leur propose le contrat le plus onéreux. LeBron James a réclamé le montant maximum pour la première fois de sa carrière, Chris Bosh a tourné le dos aux Houston Rockets pour palper 118 millions de dollars sur les cinq prochaines années, Carmelo Anthony a scellé son avenir avec les Knicks pour 120 millions, Gordon Hayward a signé pour 63 millions, Jordan Hill touchera 9 millions par an lors des deux prochaines années, Chandler Parsons est désormais coté à 15 millions, etc, etc. Même Ben Gordon est parvenu à trouver un nouveau contrat qui lui garantit 4,5 millions de dollars chaque année pendant deux saisons. Hormis Dirk Nowitzki, qui a divisé son salaire par deux (il a prolongé pour 25 millions sur trois ans), tous les joueurs s’en mettent plein les poches. Ce choix est difficilement critiquable. D’une part parce que la très large majorité d’entre nous effectuerait exactement les mêmes décisions. Au moment de signer sa prolongation de contrat gargantuesque (48,5 millions sur deux ans), Kobe Bryant a expliqué qu’il n’avait pas l’intention de laisser un centime aux propriétaires qui ont provoqué le lockout et qui s’en mettent eux aussi plein les poches (la plupart des franchises génèrent des bénéfices, les Brooklyn Nets sont un cas à part avec 144 millions de pertes sur la saison écoulée). Le « Black Mamba » n’est pas le seul à tenir un même raisonnement. Comme nous l’avions écrit il y a quelques jours, il est difficilement justifiable de critiquer les stars qui favorisent l’argent et de se plaindre de celles qui acceptent de prendre une paycut pour s’associer au sein d’une même équipe. Ainsi nous avions défendu la décision de Carmelo Anthony de rester à New York. Il a choisi l’argent, et alors ?

Chicago, le meilleur choix « sportif » ?

[caption id="attachment_170015" align="alignleft" width="300"] Carmelo Anthony et Derrick Rose, un duo de choc que l'on ne verra sans doute jamais à l'oeuvre en NBA.[/caption] Et bien revenons tout de même sur le choix de « Melo ». Si les supporteurs des Chicago Bulls ont pu être déçus par sa décision – et encore, « Chi-town » est en passe de monter une équipe susceptible de jouer les finales NBA – les fans inconditionnels de la star ont eux aussi dû regretter que le natif de Brooklyn ne pose pas ses valises dans l’Illinois. En effet, c’était sans doute là sa meilleure occasion de batailler pour un titre NBA. L’occasion de prouver que, oui, Anthony peut mener une franchise au sacre suprême. Avec le départ de LeBron James à Cleveland et le démantèlement du « Big Three » du Heat, la Conférence Est est plus ouverte et plus compétitive (pas talentueuse, compétitive et ouverte) que jamais. Les Cavaliers ont été présentés un peu vite comme des favoris au titre – et ils seront effectivement performants – mais certains fans négligent la phase d’apprentissage et de rodage que s’apprêtent à traverser le coach David Blatt et ses jeunes troupes. Les Cavs ont l’opportunité de jouer les finales NBA si l’effectif trouve rapidement un équilibre et ils ne sont pas à écarter de la course au titre tant la hiérarchie au sein de la Conférence est floue. Il n’empêche que les groupes déjà en place et les franchises disposant d’un système solide partiront avec une longueur d’avance. En ce sens, les Indiana Pacers (avant le départ de Lance Stephenson…), les Washington Wizards et les Chicago Bulls peuvent nourrir des ambitions. [superquote pos="d"]Avec le départ de LeBron aux Cavs, la Conférence est plus ouverte que jamais[/superquote]Parmi ces trois équipes, une seule s’est lancée dans la course au « Melo ». Les Bulls. Et ils ont mis le paquet pour séduire la star : 9 heures d’entretiens, de visites, de discussions, de dîners tous frais payés, etc. Les présences de Scottie Pippen, Jerry Reinsdorf, Taj Gibson, Joakim Noah, Gar Forman, John Paxson et même Derrick Rose à la sortie de son workout. Le tout dirigé par Tom Thibodeau, un coach respecté par Anthony. La délégation chicagoane avait de l’allure, sans aucun doute. Mais a-t-elle vraiment eu ses chances ? La star n’était pas condamnée à prolonger aux New York Knicks et à empocher les 120 millions de dollars ? Même si Benoit Jamet a brillamment démontré qu’une arrivée du scoreur dans une autre franchise ne représentait pas un sacrifice financier si important, les Bulls n’ont jamais été en mesure de lui offrir le maximum (96 millions sur quatre ans, les Bird Rights du joueur étant la propriété des Knicks, seule équipe à pouvoir proposer un contrat sur cinq ans). Au mieux, la franchise proposait un montant annuel compris entre 15 et 17 ou 18 millions de dollars. Une paycut importante. Mais un geste qui aurait permis à Anthony de jouer le titre, comme nous l’avons évoqué plus haut. Expliquons-nous.

La pièce manquante des Bulls

Les forces de Carmelo Anthony sont les faiblesses des Chicago Bulls. A l’inverse, les faiblesses de la bande à Tom Thibodeau sont les forces de « Melo ». En février dernier, nous avions détaillé le jeu et la personnalité de la star new-yorkaise avec pour fil rouge la question suivante : Anthony est-il un « vrai » franchise player ? [superquote pos="d"]Les forces des Bulls sont les faiblesses de Melo et inversement[/superquote]Il est sans contestation possible l’un des dix meilleurs joueurs de la NBA et l’un des attaquants les plus fabuleux de l’histoire. C’est une machine à scorer fiable. L’assurance de 25 à 30 pts par match pour n’importe quelle équipe. C’est aussi un joueur efficace dans les fins de match serrées. Selon la base de données consultable sur NBA.COM, il était le cinquième joueur le plus prolifique de la ligue lors des cinq dernières minutes d’un match avec un écart égal ou inférieur à cinq points. Seuls Kyrie Irving, James Harden, Kevin Durant et LeBron James marquaient plus de points que lui dans une situation similaire. Anthony est le scoreur recherché par les Bulls depuis l’explosion de Derrick Rose. Les deux joueurs auraient pu cohabiter et se libérer mutuellement de la pression de leurs épaules. Il aurait pu profiter des systèmes ingénieux de Thibodeau pour marquer une quantité de points en sortie d’écran, en spot-up, suite à une pénétration de « D-Rose », au poste bas, etc. Marquer est ce qu’il fait de mieux. Et c’est exactement ce que lui auraient demandé les Bulls : scorer encore, encore et encore. Joakim Noah et ses coéquipiers formaient la plus mauvaise attaque de la ligue l’an passé (93,7 pts marqués par rencontre, même le Jazz faisait mieux). Les chicagoans manquent cruellement d’un joueur capable de faire la différence seul et Derrick Rose – en forme – est trop souvent esseulé lorsque les défenses adverses se resserrent sur lui. Malgré leur progression constante des deux côtés du parquet, ni Jimmy Butler, ni Taj Gibson et ni « Jooks » ne sont des menaces permanentes en attaque. Carmelo Anthony était lui aussi esseulé à New York. Et pourtant, il est nette progression depuis deux saisons. Malgré l’absence d’un meneur digne de ce nom, malgré le manque de créativité affligeant de Mike Woodson et malgré les cagades permanentes de ses coéquipiers, il est parvenu à hausser son niveau de jeu. Il est de plus en plus efficace (45,2% de réussite aux tirs et 40,2% à trois-points la saison dernière) alors que la plupart de ses tirs sont l’œuvre d’actions individuelles, sans mouvement, sans circulation du ballon ! Des tirs à priori extrêmement compliqués. Et pourtant, il parvient tout de même à planter ses 27 à 28 points par match. Certains spécialistes réfutent cette idée mais Anthony est un artiste. Un tueur balle en main. Mais pas un leader de vestiaire. C’est une première option offensive idéale qui est encore plus redoutable avec un casting de luxe à ses côtés. Tous les sceptiques peuvent se repasser en boucle les performances du joueur avec Team USA lors de chaque compétition internationale. Avec la sélection américaine, il est sans pression. Il se contente de scorer. Et il le fait à merveille. C’est peut-être même le joueur ultime au sein du système FIBA. C’est exactement ce qui l’attendait à Chicago.

Carmelo Anthony et la recherche du casting idéal

Dans un excellent article consacré à la resignature de « Melo » aux New York Knicks, l’éditorialiste de Grantland Bill Simmons établit un parallèle entre Anthony et Dirk Nowitzki. Même si l’Allemand est un immense champion, un futur Hall Of Famer et une icône, il a tout de même dû bénéficier du casting idéal à ses côtés pour décrocher un titre de champion. Simmons détaille ses arguments. Sans dévaluer Nowitzki, il souligne simplement le fait que le géant blond est avant tout un attaquant formidable, une machine à scorer qui a des lacunes en défense. Cela ne vous rappelle pas quelqu’un ? [superquote pos="d"]On rêve de voir le Melo de Team USA en NBA ! [/superquote]A Dallas, en 2001, Dirk pouvait compter sur un Tyson Chandler au sommet de sa carrière pour protéger la raquette. Shawn Marion gobait des rebonds, marquait au poste bas et surtout défendait comme un mort de faim sur le meilleur extérieur adverse. Jason Terry alignait les paniers en sortie de banc comme peu de sixième homme pouvait le faire à cette époque. Très bien. A Chicago, Carmelo Anthony – dont les errances ponctuelles en défense sont souvent soulignées – aurait pu profiter du système déjà en place pour masquer ses lacunes et peut-être même progresser. Joakim Noah se serait chargé de défense la raquette. Jimmy Butler aurait eu pour mission de ralentir le meilleur joueur adverse, laissant ainsi à « Melo » pour seule responsabilité de marquer des points. Les Bulls 2015 ne sont pas exactement similaires aux Mavericks 2011 mais on aurait pu trouver des points communs entre les deux équipes. Les New York Knicks ont désormais cinq saisons pour offrir une bague à la star. Mais rien n'indique que la franchise de la grosse pomme sera en mesure de se mêler à la course au titre. Les promesses de Phil Jackson sont encore floues et si l'on se penche sur la situation de l'équipe sans faire attention au détail, on se retrouve avec un groupe de joueurs de seconde zone (hormis quelques exceptions) sans assets, sans tours de draft et sans espace sous le Cap. On sait simplement que les Knicks disposeront d'une certaine somme pour attirer une autre superstar l'été prochain suite à l'expiration du contrat d'Amar'e Stoudemire. Encore faut-il qu'un joueur d'impact souhaite quitter sa franchise pour rejoindre une équipe en reconstruction qui ne présente aucune garantie. On aurait surtout pu savoir ce que Carmelo Anthony a vraiment dans le ventre. On aurait pu le voir à l'oeuvre avec les meilleurs coéquipiers de sa carrière. On aurait pu savoir s’il est capable d’être ce joueur fantastique qu’il est avec Team USA lors d’une saison entière. On aurait pu savoir s’il était capable de mener une franchise au titre NBA. But Cash rules everything around me. [youtube hd="0"]https://www.youtube.com/watch?v=PBwAxmrE194[/youtube]