Rose-Beasley-Mayo, le trio maudit de la Draft 2008

Il y a un peu moins de 10 ans, on leur prédisait une carrière brillante et un impact net sur leur génération. Derrick Rose, Michael Beasley et OJ Mayo, les trois premiers choix de la Draft 2008, ont connu des trajectoires différentes mais toutes décevantes à leur échelle.

Rose-Beasley-Mayo, le trio maudit de la Draft 2008
Derrick Rose. Michael Beasley. OJ Mayo. L'avenir semblait brillant pour les trois premiers draftés de la cuvée 2008. Tous les trois nommés dans la All-Rookie First Team (avec Rose et Mayo en 1 et 2 pour le titre de Rookie de l'année), tous les trois performants dans leur registre et leurs équipes respectives (Chicago, Miami et Milwaukee), on les imaginait faire partie du gratin de la NBA jusqu'à la fin de leur carrière. Huit ans plus tard, voilà où ils en sont. Derrick Rose vient d'accepter un contrat au minimum vétéran à Cleveland à seulement 28 ans. Michael Beasley est lui au chômage après un exil en Chine, deux piges mitigées à Houston et Milwaukee, et une pléiade de problèmes extra-sportifs depuis sa sortie de Kansas State. OJ Mayo, lui, est introuvable ou presque, alors qu'il ne sera autorisé à rejouer en NBA que dans un an, après sa suspension pour avoir enfreint le programme anti-drogue. Pendant ce temps-là, les deux joueurs sélectionnés juste après eux, en 4e et 5e position, se sont accaparés la réussite et la lumière pour l'ensemble de cette promo 2008. Russell Westbrook, choisi en #4 par Oklahoma City, n'a pas changé de franchise et vient d'être élu MVP de la saison régulière après une saison en triple-double de moyenne. Tout le monde s'accorde à dire que le Californien est l'un des plus féroces finisseurs de toute l'histoire de la NBA. Kevin Love, monté sur scène en 5e pour rejoindre les Minnesota Timberwolves, a remporté le titre avec Cleveland en 2016 en étant l'un des joueurs majeurs de l'équipe. Dans la plupart des autres équipes de la ligue, Love serait le n°1 ou 2 et un All-Star probablement indiscutable.

Derrick Rose

https://www.youtube.com/watch?v=Pva-MRSS9x0 Personne n'aurait parié sur une trajectoire aussi désolante pour le plus jeune MVP de l'histoire. Après la rupture des ligaments croisés qui a brisé son formidable élan en 2012 lors d'une fin de match contre Philadelphie en playoffs, Rose et les Bulls ont convenu que sa saison 2012-2013 serait blanche. De retour à la compétition en octobre 2013, le meneur n'a pas eu le temps de savourer l'enthousiasme populaire autour de son comeback et s'est blessé au ménisque en novembre. Fin de saison et nouvelle inactivité forcée pendant un an. La suite n'a été que limitation en termes de temps de jeu, inquiétudes autour d'une rechute et fulgurances pour aider les Bulls à rester compétitifs. Sont arrivés ensuite le départ de Tom Thibodeau et un trade vers New York. L'éloignement avec son fils resté à Chicago, le flou artistique au sein de la franchise et un manque de professionnalisme de sa part (son embarquement dans un avion pour Chicago sans prévenir personne à deux heures d'un match par exemple) ont terni son bref passage, sans parler de son procès pour viol qui, même s'il a débouché sur un acquittement, lui a fait une très mauvaise publicité. La responsabilité de Derrick Rose dans la chute de sa cote de popularité est limitée. Beaucoup de joueurs auraient abandonné l'espoir de rejouer en NBA après des blessures aussi graves que celles connues par le MVP 2011. C'est plutôt sa difficulté à faire évoluer son jeu par rapport à ses limites physiques et à l'évolution de la NBA qui est pénalisante aujourd'hui. Derrick Rose sort de 240 matches en 6 ans depuis son titre de MVP, soit 40 par an. Personne n'a souhaité lui offrir le contrat copieux auquel il pensait pouvoir prétendre et ce n'est plus uniquement à cause de son passif sur le plan physique. Rose n'a pas montré qu'il pouvait être un playmaker altruiste, fiable à 3 points et honnête en défense, des pré-requis pour la plupart des joueurs d'élite aujourd'hui. Avec 18 points par match à 47% dans un contexte aussi brumeux que celui de New York, on a toutefois vu de très beaux restes à la finition pure et dure. Mais les seules offres parvenues sur sa table tournaient autour d'un rôle de 6e homme ou de back up, ce à quoi il s'est finalement résolu en signant pour un an 2.1 millions de dollars avec Cleveland. Redevenir un contributeur solide en sortie de banc, est sans doute le maximum auquel peut aspirer Rose aujourd'hui.

Michael Beasley

https://www.youtube.com/watch?v=jkspfvz9xYc Michael Beasley vient de se voir proposer 15 millions de dollars sur 3 ans en Chine. Bien plus que ce que n'importe laquelle des 30 franchises NBA pourrait avoir envie de lui offrir. Le voir quitter à nouveau la NBA pour renflouer son compte en banque et avoir le statut qu'il pense mériter dans une équipe n'aurait rien de surprenant. Le parcours de Beasley et tortueux, insaisissable, parfois incompréhensible. Comme Rose et Mayo, il devrait être l'une des meilleures gâchettes de la ligue. Au lieu de ça, ses 9 années de carrière ont vu prédominer l'irrégularité, les défaillances et l'irresponsabilité. Lorsque Miami l'a drafté à sa sortie de Kansas State, les scouts avaient déjà exposé le côté double tranchant du garçon. Un phénomène offensif fait dans le même moule que Carmelo Anthony avec une aisance indécente pour scorer de près comme de loin sans s'appuyer sur des qualités athlétiques hors-norme, mais aussi un joueur à l'éthique de travail absente et à la psychologie fragile. C'est d'abord la première facette que l'on a vu en NBA. Au sortir d'une saison 2007-2008 clairement bazardée (15e à l'Est), le Heat se frotte les mains d'avoir pu drafter l'ailier aux yeux de biche pour aider Dwyane Wade à rendre à nouveau cette équipe compétitive. 13.9 points et 5.4 rebonds de moyenne à 47% en global et 40% à 3 points, il y a pire. Miami retrouve logiquement les playoffs et ne s'incline qu'en 7 matches au premier tour contre Atlanta. La deuxième facette a malheureusement surgi assez rapidement. On avait pu voir les prémices de l'indiscipline de Beasley lorsqu'il avait été exclu du camp de préparation pour rookies en 2008 avec Mario Chalmers, à la suite d'un "incident impliquant une alerte incendie et une forte odeur de marijuana dans la pièce", selon les rapports de police. Après son intéressante saison rookie, Michael Beasley coule vite sur le plan personnel. En août 2009, ses proches le poussent à intégrer un centre de désintoxication pour usagers abusifs de la marijuan et d'aide à la gestion du stress. Pas fan des problèmes extra-sportifs et contraint de faire de la place pour l'opération Tres Amigos imminente, Pat Riley n'hésite pas une seconde à trader le jeune ailier vers Minnesota contre deux seconds tours de Draft un an plus tard. Un prix incroyablement faible pour un n°2 deux saisons après son arrivée dans la ligue. Chez les Wolves, Beasley démarre là aussi en fanfare dans une équipe nettement moins compétitive. Ses 19 points de moyenne, avec un pic à 42 pts contre Sacramento laissent penser un temps qu'il formera peut-être une doublette létale avec Kevin Love pour les années à venir. Raté. Au terme de son contrat et après quelques incartades liées à la fumette à des épisodes de dépression, il rejoint Phoenix où les choses ne se passent pas mieux. Remplaçant et en difficulté pour se montrer utile dans la rotation, il est coupé par les Suns dès septembre 2013. On ne le reverra que l'année suivante pour un comeback anecdotique à Miami. La capacité à prendre feu périodiquement est toujours là, mais la NBA a évolué et peut malheureusement pour lui se passer de son profil un peu à l'ancienne de scoreur exclusif et pénalisant défensivement. La Chine lui sert bien d'exutoire avec des cartons hebdomadaires, un record de points lors du All-Star Game local, mais l'expérience ne dure pas plus d'un an avant qu'on ne le revoit plutôt en jambes à Houston et Milwaukee, mais à nouveau avec une expression limitée. Difficile de savoir s'il y a encore une vraie place pour Michael Beasley en NBA aujourd'hui. Beaucoup d'équipes ne peuvent et ne veulent plus se permettre de recruter des joueurs à risque, surtout s'ils n'ont pas les caractéristiques pour coller au jeu moderne. On peut toujours imaginer qu'un contender voudra profiter de ses qualités en attaque sur 10 ou 12 minutes. Ou qu'il se sentira suffisamment bien en Chine pour y épouser une carrière à la Stephon Marbury...

OJ Mayo

https://www.youtube.com/watch?v=gt-9TySgsLI On a beaucoup parlé d'OJ Mayo ces derniers jours. L'article de Bleacher Report sur sa disparition des radars a rappelé à tout le monde les espoirs déçus suscités à l'époque par le Californien. Avant qu'il ne se manifeste sur une photo en compagnie de son collègue de USC Taj Gibson, personne ne savait précisément où se trouvait le shooting guard le plus prometteur de la cuvée 2008. Celui-là même que SLAM avait surnommé le "Fresh Prince of Los Angeles" et comparé, par certains aspects, à LeBron James en termes d'impact sur le jeu. On est très loin, aujourd'hui, d'une carrière aussi brillante que celle du "King" de Cleveland. Ovinton J'Anthony Mayo avait tout pour réussir. Un nom cool, de l'or entre les mains et la confiance d'une équipe dirigeante en NBA à Memphis. Malheureusement, il avait aussi des démons difficiles à faire disparaître. Pas de socle familial stable (son père est en prison depuis des années), un entourage prompt à profiter de son début de fortune et à le tirer vers le bas, et une tendance à la dépression silencieuse l'ont conduit là où il se trouve aujourd'hui. Mayo n'a pas de club, est quasiment impossible à localiser et ne peut signer en NBA avant un an. Après une pige intéressante à Dallas, Mayo s'est retrouvé brocardé à Milwaukee entre prise de poids, individualisme et isolement. Pris par la patrouille anti-dopage et suspendu pour deux ans, l'arrière de 30 ans a commis une lourde infraction que la NBA n'a même pas osé dévoiler. On pense à des drogues dures ou à du multi-récidivisme sur des produits pour améliorer la performance. Chez les Grizzlies, pendant au moins deux saisons, on a pourtant cru voir un joueur capable de devenir l'un des meilleurs scoreurs de la ligue et de former un backcourt fiable sur le long terme avec Mike Conley. Sa saison rookie à 18 points de moyenne (et une deuxième place derrièr Rose pour le titre de RoY) au côté de Conley, Rudy Gay ou Marc Gasol a laissé penser aux fans de Memphis qu'ils tenaient leur star pour une décennie. Explosif, excitant, prolifique, clutch, Mayo s'est attiré tous les superlatifs. Au sein du groupe, c'est en revanche plus compliqué. Le papier de Bleacher Report n'évoque par exemple pas le jour où Tony Allen l'a sanctionné d'une dette de jeu non réglée en lui assénant un coup de poing dans un avion. Ni le peu d'atomes crochus développés avec un noyau de joueurs qui a très bien vécu par la suite. Transformé en 6e homme puis en indésirable par Lionel Hollins, le numéro 32 n'a plus jamais retrouvé le mordant et arrogance qui l'avaient notamment poussé à défier Michael Jordan lors d'un camp après la retraite du GOAT alors qu'il était le lycéen le plus coté du moment. Une boucherie de l'avis de tous ceux qui ont assisté à ce petit match et que l'on entrevoit dans le seul extrait vidéo diffusé à ce jour. https://www.youtube.com/watch?v=goInA2sgWNs OJ Mayo ne semble pas avoir la diplomatie et le côté corporate pour faire un retour rapide en NBA. Le fait que personne ou presque n'ait eu de ses nouvelles ou même envie de parler de son cas le montre bien. On aimerait pourtant le voir revenir à un niveau décent pour, pourquoi pas, contribuer à la progression d'une équipe ou apporter du scoring en sortie de banc au sein d'un groupe ambitieux.