John Wall, un destin de carrière à la Chris Paul ?

Comme Chris Paul, John Wall est l'une de ses superstars extrêmement brillantes mais peut-être jamais en mesure de mener une équipe au titre en tant que première option.

John Wall, un destin de carrière à la Chris Paul ?
John Wall a manqué le rendez-vous. Pas celui des playoffs. Celui des légendes. Celui des joueurs dont les carrières se dessinent lors des rencontres les plus importantes de la saison. Un Game 7, c’est toujours délicat à négocier et c’est souvent bien trop réducteur de juger le talent d’un homme sur sa simple copie lors des matches les plus scrutés de l’année. Mais c’est comme ça que ça marche. Les héros de ces ultimes batailles sont élevées au rang de grands joueurs tandis que les vaincus sont oubliés ou catalogués comme losers. Et ce parfois malgré leur talent ou leurs excellentes prestations précédentes. Le meneur des Washington Wizards a donc manqué son Game 7. 18 points à 8/23 aux tirs, 1/8 à trois-points, -11 de différentiel. Des statistiques peu flatteuses à peine compensées par ses 7 rebonds et 11 passes. Car pire encore, Wall s’est complètement planté dans le quatrième quart temps d’un Game 7. Pas un seul panier marqué malgré dix tentatives dans les douze dernières minutes. Le type de performances qui, répétées, peuvent définir un joueur et la perception du public à son égard.

John Wall, le meilleur meneur à l'Est cette saison

[caption id="attachment_268181" align="alignleft" width="318"] Il n'y avait pas beaucoup de joueurs plus forts que lui en NBA cette saison...[/caption] Il serait pourtant injuste de résumer son exercice personnel à sa maladresse dans les moments les plus chauds du match le plus important de toute la saison. En effet, il a encore passé un cap en 2017. Un de plus pour un joueur qui gravie peu à peu les échelons dans la hiérarchie NBA. John Wall s’est d’abord affirmé comme le leader indiscutable des Wizards. Il l’était déjà plus ou moins mais il n’y a plus aucune contestation possible, pas même de la part Bradley Beal. Son coéquipier donnait parfois l’impression de vouloir devenir calife à la place du calife. Il semble avoir accepté son rôle de lieutenant de luxe. Les tensions entre les deux hommes se sont donc apaisées et cette atmosphère plus saine a certainement eu un impact important sur les bons résultats de la franchise. [superquote pos="d"]27 pts et 10 pds de moyenne en playoffs ![/superquote]Voilà pour l’échelle locale. Au niveau national, il s’est tout bonnement imposé comme l’un des meilleurs joueurs de la ligue. Une référence à son poste. Un acteur majeur de sa Conférence. Sans doute l’un des cinq meilleurs joueurs des playoffs, même avec sa contre-performance dans le Game 7. Il a passé pour la première fois la barre des 20 points de moyenne sur une saison (explosant son record en passant de 19,9 à 23,1 pts). Il a aussi terminé avec plus de 10 passes (10,7, là aussi un nouveau record) au compteur pour la troisième année consécutive. Et il a fait encore mieux en playoffs en élevant un niveau de jeu déjà impressionnant. 27 pts et 10 pds sur l’ensemble de sa campagne. Quelques moments mythiques, comme ses 42 points dans le Game 6 contre Atlanta ou son panier pour la gagne mémorable dans le Game 6 face aux Celtics. Il a régalé. Ses fans, ses coéquipiers. Wall est beau à voir jouer. Tout est fluide, tout est vif, tout est spectaculaire. Tout ceci étant dit, il y a chez lui un côté Chris Paul. Première indication : ne pensez pas style de jeu mais destin de carrière. Deuxième indication : il n’y a rien de péjoratif à être comparé à l’un des meilleurs meneurs de l’histoire de la NBA.

Franchise Player, oui, mais pas pour le titre

[caption id="attachment_382599" align="alignleft" width="318"] Chris Paul a longtemps été l'un des meilleurs joueurs NBA sans jamais passer le second tour.[/caption] En réalité, comme pour CP3, il est difficile d’imaginer une équipe drivée par John Wall atteindre les finales NBA. Et par driver, on entend bien : Franchise Player, première option offensive. Aujourd’hui, comment articuler une formation autour du génial meneur tout en visant vraiment le titre si la star est aussi le meilleur scoreur ? Wall (ou Paul) avec Kevin Durant ou Kawhi Leonard, c’est quelque chose. Mais le penser en leader offensif susceptible de faire la différence dans les moments les plus importants matches après matches, séries après séries ? Bien plus difficile. Le garçon est trop fort comme Chris Paul semblait trop fort à une époque. Il fait tout bien. D’ailleurs, il n’a pas nécessairement fait des mauvais choix dans ce Game 7. Il a fait jouer ses coéquipiers. Comme un meneur est censé le faire. Il a distribué, il a mis sur orbite un Bradley Beal chaud patate (38 points). La superstar des Los Angeles Clippers a tendance à renvoyer la même impression : celle d’un joueur qui fait tout le temps les bons choix. Parce que c’est son rôle sur le terrain. Mais à l’arrivée, aucun des deux n’a jamais joué de finales NBA. Et c’est presque ingrat. D’un côté, il est demandé aux gestionnaires de diriger le jeu. De l’autre, les superstars ont cette pression autour des bagues. Elles sont censées mener leur équipe au titre. [superquote pos="d"]Comment être le général et à la fois l’assassin ?[/superquote]C’est presque contradictoire. Comment à la fois faire jouer ses ouailles tel un général exemplaire et à la fois jouer le rôle de l’assassin ? Cette double-casquette, très peu de joueurs l’ont assumé au cours de l’histoire. Les champions NBA drivés intégralement par un meneur de jeu scoreur comme première option offensive sont très peu nombreux (récemment : Isiah Thomas, Stephen Curry, Tony Parker peut éventuellement prétendre à ce statut sur la saison 2007… et c’est tout). Il y a tout un tas de paramètres – dont la malchance – qui peuvent justifier les mésaventures de Chris Paul en playoffs. Mais le résultat est le même : il n’a jamais passé le second tour des playoffs. Les difficultés sont peut-être mentales. Ou physique. Il est difficile pour un joueur de petite taille (1,83 m) de faire constamment la différence balle en main quand la défense se resserre sur lui. D’où une nouvelle fois l’injustice de cette double-mission : créer du jeu en tant que meneur et marquer les paniers importants en qualité de superstar. Ce n’est pas un hasard si aucun meneur de six pieds (1,83 m justement) ou moins n’a porté son équipe vers le titre.

Le shoot, sa seule limite

Pour John Wall, les limites ne sont pas physiologiques. Il est même l’un des joueurs les plus athlétiques du championnat. En revanche, son shoot pose problème. On l’a encore vu cette nuit. 8/23, 1/8 à trois-points et 0/10 dans le dernier quart temps. Pour le freiner, la tactique est simple : lui fermer l’accès au cercle en passant sous les écrans et le laisser shooter de loin. OK, ça n’a pas payé dans le Game 6 et le leader des Wizards a planté l’un des tirs les plus assassins des playoffs. A ce propos, Chris Paul a inscrit un paquet de shoots décisifs tout au long de sa carrière et ça ne l’empêche pas d’être perçu comme un « loser » par une partie des fans NBA. Bref. Après le Game 6, Isaiah Thomas a bien fait comprendre que les Boston Celtics ne se priveraient pas de continuer à offrir des tirs ouverts à huit mètres à John Wall. Et sur la durée, ça a évidemment tourné à leur avantage. [superquote pos="d"]Même après le Game 6, les Celtics ont fait comprendre qu'ils laisseraient Wall shooter à 8 mètres[/superquote]Wall ne va pas évoluer fondamentalement dans les années à venir. Il est le joueur qu’il est aujourd’hui. Il peut encore progresser, certes. Mais il y a peu de chances qu’il se métamorphose en Stephen Curry d’ici la fin de sa carrière. Et encore une fois, ce n’est pas une pique. Il n’y a qu’un seul Curry. Mais cette incapacité à mettre dedans – AVEC CONSTANCE – de loin risque de le pénaliser dans les rencontres les plus chaudes de playoffs. Le All-Star est encore jeune. Il a 26 ans. Il a encore de longues années de carrière devant lui. Mais il devrait avoir dépassé la trentaine quand LeBron James prendra sa retraite. Pour l’instant, le King verrouille tout accès aux finales NBA à l’Est. Il ne montre aucun signe de déclin. Le fait de jouer de cette moitié du pays peut sans doute permettre à John Wall de jouer une finale de Conférence ou deux dans un futur proche, stade de la compétition que Paul n’a jamais connu. Tant qu’il n’aura pas un joueur meilleur que lui à ses côtés (Kyrie Irving peut remercier LeBron d’avoir rejoint Cleveland), il est difficile de l’imaginer atteindre les finales NBA. Ce n’est pas une critique. Des joueurs meilleurs que lui, il n’y en a vraiment pas des masses. Très peu de superstars peuvent finalement mener une équipe au titre. Elles se comptent sur les doigts d’une main. Wall et Paul n’en font sans doute pas partie. L’idée n’est finalement pas tant de remettre en question leur talent mais plutôt de pointer du doigt cette tendance à juger uniquement les joueurs sur le nombre de bagues. Rien n'indique que John Wall n'en gagnera pas. Peut-être qu'il finira pas rejoindre une équipe avec une autre superstar capable de sublimer encore plus ses qualités de gestionnaire. Ou peut-être qu'il sera rejoint par un scoreur de ce calibre. Ou peut-être encore que notre raisonnement est faux et qu'il nous prouvera le contraire. Mais pour l'instant, dans le contexte actuel, difficile pour nous d'imaginer la star jouer les finales NBA en tant que première option dans un futur proche.