Kobe Bryant à Paris, on y était

Ce weekend, Kobe Bryant était à Paris, invité par son équipementier dans un gymnase entièrement transformé en espace dédié à la Hoop Culture. L'occasion de poser quelques questions au maître.

Kobe Bryant à Paris, on y était
9H50 ce matin à Paris. Ciel embouteillé de nuages, une pluie fine tombe sur la file, déjà longue, qui attend son sésame pour entrer dans le gymnase Jaurès, juste à la sortie de la station Laumière. Honnêtement, même le blizzard ne m’aurait pas arrêté ce samedi matin. Paris accueille Kobe Bryant pour le week-end… Nike a fait les choses bien : rénovation impressionnante du gymnase ; nouveau parquet, planches et paniers neufs, même les tribunes en cercle au 1er étage ont des faux airs de couloirs NBA avec des maillots signés et encadrés. La presse française a rendez-vous avec le Mamba, ambassadeur zélé de la marque au swoosh. Une fois assis, les deux présentateurs du jour, Rémi Reverchon et Marie Patrux, tentent tant bien que mal de contenir leur excitation. Ronny Turiaf, compagnon de longue date de Kobe, est lui aussi là, aux côtés des deux présentateurs, histoire de donner de la contenance à l’introduction. Soudain, il arrive. Entre les deux rangées de journalistes, la banane aux lèvres, il s’avance doucement et prend place, applaudi par l’ensemble des médias présents. D’ailleurs, on se croirait à un concours ce matin : de nombreux journalistes, de médias grand public, ont bien plus laissé parler la groupie, l’enfant fan de basket, que le journaliste qui sommeille en eux. Le résultat est assez improbable, comme sur ce reporter de BFM Paris en costard mais avec une paire de Kobe 9 rouge vif aux pieds. Cristina Cordula l’aurait sans doute éjecté sans sommation de son émission de relooking, mais passons. La présentation commence. Notre photographe, peut-être submergée par l’émotion d’être à quelques mètres de l’icône, laisse échapper son bracelet, qui roule, roule, et s’arrête à 3 mètres de la star. Silence. Il se lève, marche lentement, se baisse et rend le bijou à sa propriétaire, avec un grand sourire. Anecdotique ? Peut-être. Mais caractéristique. Je ne détaillerai pas l’interview en anglais qu’avaient préparée les deux animateurs, à l’icône des Lakers. Mais ça discute notamment de Ronny, de leur relation. « C’est un peu mon petit frère, Ronny », lâchera gentiment le futur Hall-of-Famer. Moment drôle à noter tout de même, lorsque Kobe Bryant déclare détester TP et Boris Diaw, parce qu’ils lui ont « volé quelques bagues et qu’en même temps ce sont des gars supers, même sur le terrain ». Compétiteur, Mamba. Toujours. La rencontre se termine sur la diffusion d’un film produit par Kobe. Les journalistes accrédités vont pouvoir ensuite le rencontrer, par petits groupes : la télé d’abord, puis la radio, la presse écrite et enfin la presse basket. J’ai donc quelques minutes avant de monter en salle d’interview, et tant mieux : j’aperçois Kevin Mayer, champion du monde en titre de décathlon. Il sort à peine de sa rencontre avec la star, et en est encore tout ému « Dès que je suis entré, il s’est levé, il savait qui j’étais j’en reviens pas ! », m’avoue-t-il, encore tremblant. Si les deux athlètes n’ont pas encore le même poids dans l’histoire, ils ont ce point commun : une mécanique de travail huilée pour réussir. « Ce n’est même pas du travail, c’est un style de vie, et c’est incroyable de voir quelqu’un d’aussi méticuleux », ajoute le décathlonien. L’excellent épisode d’Intérieur Sport nous l’avait révélé : Kevin Mayer ne se permet jamais un écart, il prévoit chaque détail de sa journée, mais là il est tombé sur plus fort que lui, et ça l’inspire. En phase de reprise, le champion du monde joue énormément au basket en ce moment : « On fait du 3X3 tout terrain, c’est génial pour gagner en caisse et en cardio. » En Kobe bien sûr... Nous laissons Kevin Mayer à ses émotions. Quelques minutes plus tard, l’attachée de presse nous fait monter dans une salle très lumineuse. Au mur, des paires de Kobe de toutes les générations. Une artiste est là pour personnaliser sa paire de Air Force One, pratique. J’ai de la chance : je fais partie du dernier pool, nous ne sommes que 3, la conversation avec Kobe devrait être plus intelligibles que pour les journalistes télé. L’attachée de presse est claire : « Ça durera 5 minutes », annonce-t-elle, en éphémère gardienne de l’horloge. Au final, j’ai eu la chance d’avoir précisément 7 minutes 38 en face-à-face avec lui, accompagné de mes confrères de 5 Majeur et de Mondial basket.

Interview Kobe Bryant

BasketSession/Reverse : Kobe, pourquoi avoir écrit une lettre à Gordon Hayward ? Vous vous êtes sentis obligés de le soutenir dans cette épreuve ? Kobe Bryant : Gordon, c’est comme mon petit frère. Je vais vous raconter pourquoi ça m’a touché : cet été, j’étais en famille, et il a débarqué à côté de chez moi, à Newport Beach, en Californie. Il me texte et me dit : « Je ne pars pas d’ici tant que je ne me suis pas entraîné avec toi ! » Donc, pendant une semaine, on s’est entraînés au gymnase tous les jours. A 5 heures du matin, chaque jour. Il a vraiment bossé dur. BasketSession/Reverse : Il vous a demandé votre avis sur son transfert ? Kobe Bryant : Oui, il m’a appelé. Je lui ai dit que c’était un saut énorme, tu vas avoir énormément de pression maintenant que tu as fait ce choix. Tu dois élever ton jeu. Il s’est ensuite entraîné tellement dur ! Donc quand il se blesse, et j’en ai encore des frissons, j’ai revu tous ces moments où il était concentré sur son objectif. Je sais ce que ça fait. Je lui ai bien sûr parlé, mais je voulais vraiment lui écrire une lettre. BasketSession/Reverse : Que pensez-vous de Lonzo Ball ? C’est un atout pour les Lakers pour les années à venir ? Kobe Bryant : Je l’espère en tout cas ! Vous savez, Rob (Pelinka, le GM de L.A. - ndlr) et Magic savent ce qu’ils font. Ils sont très intelligents. Ils ont étudié Lonzo. Et même si je ne l’ai pas vu jouer en college, je connais Rob. Je sais qu’il bosse énormément sur les profils qu’il recrute. BasketSession/Reverse : Pour vous, quel joueur en NBA a aujourd’hui cet instinct de tueur, de go-to guy ? Kobe Bryant : Kyrie. Il ne ressent pas la pression. Regardez le shoot qu’il prend dans le game 7 de la finale, il y a deux ans ! C’est un shoot incroyable. Il ne tremble pas, ne se dérobe jamais. C’est dans le money time qu’il est le meilleur… BasketSession/Reverse : Pour parler un peu de basket international, pensez-vous que Team USA va être battue bientôt ? Kobe Bryant : Bien sûr ! Le problème qu’on a, ce qu’on se croit imbattables, et on s’est déjà fait battre. Ça peut se passer - il claque des doigts - comme ça ! N’importe quelle équipe peut le faire. Pendant les Jeux Olympiques, ce sont les meilleurs joueurs de la planète qui sont sur le parquet. Les fondamentaux sont enseignés ici, en Europe. C’est comme si la France, l’Espagne et l’Allemagne arrêtaient de travailler la tactique au football. Et qu’ils n’enseignaient que les frappes. Et qu’aux Etats-Unis, les coaches se concentraient sur la stratégie du football. Dans 10 ans, vous auriez des problèmes. C’est exactement ce qu’il s’est passé pour nous, mais au basket ! Donc Team USA sera battue, c’est une certitude. BasketSession/Reverse : C’est une bonne chose ? Kobe Bryant : C’est une bonne chose pour l’évolution du jeu, il s’enrichit. J’aime le challenge que ça représente de résister à cette évolution. Enfant, j’étais quand même à moitié européen (il sourit). A l’époque déjà je savais que le basket pouvait être joué à très haut niveau en dehors des Etats-Unis. BasketSession/Reverse : Aujourd’hui, est-ce que vous accepteriez une invitation de la Maison Blanche ? Kobe Bryant : (il me coupe, non pas qu’il soit dérangé par la question, mais dès le début il sait où je veux aller et m’anticipe): Non, non. Ça ne devrait même pas être sujet à controverse. C’est un sujet très important, plus important qu’il en a l’air. Je n’irais pas. C’est une certitude.