LeBron James et les Spurs, une histoire de plan à trois

LeBron James a (re)fait le grand saut de Miami à Cleveland. Mais ses Cavaliers pourraient une nouvelle fois se heurter à un obstacle bien connu du "King" : le "Big Three" des Spurs.

« J’arrêtes les carrières, à mon actif j’ai deux trois cadavres, nombreux sur ma liste, rappeurs, producteurs et quelques journalistes. » Booba, Paname. Comme le rappeur de Boulogne-Billancourt exilé à Miami, Gregg Popovich et les San Antonio Spurs brisent des jeunes rêveurs impétueux. Combien de journalistes se sont cassés les dents en pensant poser LA bonne question à Pop, dont les punchlines pourraient terrasser n’importe quel rappeur français (et oui, même toi Fababy : « Plus rien n’Fleury quand l’état t’Fresnes à Nanterre »… sans commentaire). Combien de jeunes armadas ambitieuses et clinquantes se sont éteintes en affrontant les Texans présentés comme vieillissants ? LeBron James en sait quelque chose. Il y a encore six mois, il se pavanait avec ses deux complices Dwyane Wade et Chris Bosh dans les rues de Floride. Like a boss, like Rick Ross. Miami est devenu une destination prisée par les bandwagoners en tout genre le jour où le « King » d’Akron a décidé d’exporter ses talents à South Beach. Il a fait du Heat une équipe adulée et détestée, destinée à marquer l’histoire. Les tres amigos ont joué quatre finales de suite pour deux titres. Très solide. Mais la défaite lors de leurs retrouvailles avec les cowboys texans en juin dernier a laissé des traces. Elle a même provoqué la fin du trio pimpant de Miami.
[superquote pos="d"]"Si nous avions gagné le titre, je serai resté à Miami." LeBron James[/superquote]« Si nous avions remporté le titre l’an passé, je serais sans doute resté à Miami pour tenter de marquer l’histoire avec un ‘four peat’ », admettait LeBron James hier soir, avant de préciser : « Mon retour n’a rien à voir avec les Spurs. Il est lié à la communauté de Cleveland, aux gens qui m’ont vu grandir ici. »
Hormis les Boston Celtics versions 60’s, aucune franchise n’est parvenue à décrocher quatre titres NBA consécutifs. LeBron James aurait pu ajouter une ligne très prestigieuse à sa légende. Mieux, il aurait réussi là où Michael Jordan a échoué… (Enfin, échouer… il a à chaque fois annoncé sa retraite après trois titres consécutifs des Chicago Bulls). Mais les Spurs sont passés par-là. Et ils ont désossé une équipe montée de toute pièce en quatre ans. Allez, hop, retour à l’usine !
Un journaliste a osé demander à Gregg Popovich si son équipe était à l’origine du démantèlement du « Big Three » de Miami. Le maître parolier n’a pas flanché, il a dégainé une rime assassine : « Les médias ont un truc à dire là-dessus. Je ferai la même chose si j’étais à votre place. C’est cool. »

Nouveau trio, mêmes adversaires

[caption id="attachment_206077" align="alignleft" width="300"] Le toss est lui aussi de retour à Cleveland.[/caption] « I’m coming home ». En reprenant la route de Cleveland, LeBron James a réanimé toute une agglomération sous coma respiratoire depuis quatre ans. Les Cavaliers étaient pathétiques – encore plus en coulisses que sur le parquet, c’est dire – mais l’enfant du pays leur a offert la possibilité de rêver à nouveau. De rêver grand. Cleveland court après un titre dans une ligue majeure depuis un demi-siècle. LeBron, autrefois appelé « l’élu », est censé ramener l’équilibre dans la galaxie. Enfin, dans l’Ohio.
« La ville était vraiment touchée (par le départ de James). C’était mort », se remémore Danny Green, joueur des Spurs passé par les Cavaliers en 2010. « N’importe qui accueillerait à nouveau un joueur de sa trempe à bras ouverts. »
LeBron se cherchait en 2010. Il a oublié son Ohio natal, oublié sa « communauté » pour répondre à l’appel du succès. Il l’a lui-même reconnu dans son essai publié sur Sports Illustrated. Il a bien fait, d’une certaine manière, étant donné qu’il a décroché deux titres de champion NBA avec le Miami Heat. Ses anciens supporteurs lui ont tourné le dos. Ils ont brûlé son maillot. Ils l’ont insulté. Puis ils l’ont pardonné, comme lui a pardonné à Dan Gilbert sa lettre absurde promettant à la nation un sacre des Cavaliers avant celui de LeBron. Mais James est l’âme des Cavaliers. Il a joué sur le côté sentimental en narrant ses souvenirs d’enfance à Akron au moment d’expliquer son retour à Cleveland. Allez soit, on accepte d’y croire. Mais le quadruple MVP est un compétiteur dans la force de l’âge. Il n’est pas venu jouer les mentors de Kyrie Irving et Dion Waiters. Il est revenu pour gagner. Son « Big Three » à Miami prenait de l’âge, notamment en raison des genoux douloureux de Dwyane Wade. Il en a donc formé un flambant neuf à Cleveland. Kevin Love, Kyrie Irving, LeBron James. Même si les deux premières stars citées sont souvent exposées aux critiques, elles sont tout de même parmi les meilleurs joueurs de la ligue à leur poste respectif. En signant à Cleveland, James a formé un trio plus jeune capable d’aller chercher quelques bagues de plus.

Les Spurs, le trio original

Mais il n’y a qu’un vrai « Big Three » en NBA. Un trio légendaire qui écume les parquets depuis 2002. Un trio dont les statistiques et l’attitude défient les tendances actuelles : 685 matches disputés ensembles, 503 victoires en saison régulière, 117 succès en playoffs, cinq finales NBA et quatre titres pour Tony Parker, Manu Ginobili et Tim Duncan.
« Ces chiffres en disent longs sur leur caractère. Ils aiment jouer ensembles et ils essayent de former la meilleure équipe possible chaque année », estime Gregg Popovich.
[caption id="attachment_164189" align="alignright" width="300"] Les Spurs vous saluent bien.[/caption] A l’époque où les armadas se font et se défont, les Spurs ont conservé la même ossature depuis plus de dix ans. Mythique. Les Cavaliers ont la jeunesse de leur côté, les Spurs ont l’expérience, le vécu collectif. Et n’allez pas croire qu’ils sont lassés de gagner. Ne vous fiez pas à leurs performances du début de saison. Ils répondront présents en playoffs, c’est une certitude. Mais n’enterrez pas non plus Cleveland.
« C’est une nouvelle équipe et la plupart des franchises trouvent leur rythme pendant la deuxième moitié de la saison », prévient Kawhi Leonard.   « Rome ne s’est pas construire en un jour et on le sait. C’est un processus », ajoute LeBron James.
Les Cleveland Cavaliers ont encore quelques mois pour trouver leurs repères, intégrer les nouveaux arrivants et exploiter au mieux leur potentiel ahurissant. S’ils y parviennent, ils seront un candidat crédible aux finales NBA. Une occasion pour LeBron James de croiser à nouveau le fer avec trois amis de longue date…