NBA et lutte anti-dopage : une vaste blague

Le directeur général de l'Agence Mondiale Anti-dopage stigmatise la politique de la NBA.

NBA et lutte anti-dopage : une vaste blague
Si elle est un drame pour le cyclisme, l’affaire Lance Armstrong est aussi une aubaine pour le sport en général. Un électrochoc bien plus fort que l’affaire Festina ou que le scandale BALCO. La personnalité et le palmarès d’Armstrong, son histoire singulière qui en faisait un véritable héros américain, mais aussi l’ampleur du système mis en place, sont l’occasion pour tous les naïfs ou pour tous ceux qui préféraient ne rien voir une véritable prise de conscience de l’emprise du dopage dans le sport. Comme lors de toute crise, deux voies s’ouvrent avec ce scandale : soit on continue de se voiler la face en réaffirmant que « Bouh, le dopage c’est mal » et en prenant des mesures qui n’en sont pas (stratégie qui fait depuis des décennies la preuve de son inefficacité en politique et en économie), soit tout le monde s’attaque au problème et on part sur un nouveau schéma. Traditionnellement, c’est la première voie qui est choisie. Pour ménager le business et se donner bonne conscience, on brasse un peu de vent on trouve un coupable pour prouver qu’on agit, on le punit, mais on ne change rien pour ne pas tuer la poule aux œufs d’or. Pour sortir des exemples classiques du cyclisme, on peut citer la suspension du modeste marathonien Cosmas Mutuku Kyeva, victime désignée de la fédé kenyanne d’athlétisme. Cette dernière voulait vite redorer son image après l’excellent reportage pour ARD de Hans Joachim Seppelt, qui portait un sacré coup au mythe des coureurs des hauts plateaux. Une véritable mascarade puisque le pauvre Kyeva a été suspendu pour prise d’un… anti-inflammatoire ne figurant pas sur la liste des produits interdits… En ce moment, une partie du monde cycliste et les acteurs de la lutte anti-dopage semblent décidés à profiter de la situation pour faire bouger radicalement les lignes. Mais ce n’est malheureusement pas le cas de tous les pays (on attend avec impatience de voir si l’Espagne est décidée à se montrer toujours aussi laxiste et de voir notamment quelle direction prendra le procès Puerto qui débutera fin janvier, et s’il ne concernera que le cyclisme alors que le Docteur Fuentes avaient des poches de sang de représentants d’autres sports dans son frigo) ni de tous les sports. Certains ont même à leur tête des Présidents ou Commish (Sepp Blatter, David Stern) capables d’affirmer sans sourciller que le dopage n’apporte rien dans leurs disciplines. Et, comme nous l’avons déjà souligné par le passé dans REVERSE, ou dans des articles et trophées sur BasketSession, la position de la NBA sur la lutte anti-dopage n’est rien d’autre qu’une vaste blague.

Un programme anti-dopage risible

C’est ce qu’a rappelé à Henry Abbott, d’ESPN, avec des termes logiquement plus nuancés, l’Agence Mondiale Anti-Dopage (AMA) cette semaine, par l’intermédiaire de son directeur général, David Howman :
« Il y a des brèches dans leur programme, des différences entre ce qu’ils font et ce que nous suggérons qu’il serait mieux de faire. Ils savent ce que nous suggérerions de faire », ajoute Howman qui entre autres aimerait que la NBA teste les hormones de croissance. « Et j’espérerais tout simplement qu’il discute de toutes ces choses plutôt que de les mettre sur le côté de la table. »
Car si la NBA a très légèrement progressé dans la lutte anti-dopage avec le nouveau CBA, on a plus l’impression de quelques décisions pour pouvoir dire « Mais si, on agit. Regardez… » en cas d’attaque qu’autre chose. Les stéroïdes n’avaient été intégrés à la liste des produits recherchés qu’après l’affaire BALCO et les scandales dans le baseball. Mieux le précédent CBA n’autorisait que 4 contrôles par an, entre le 1er octobre et le 30 juin. En gros, un joueur pas trop porté sur l’éthique pouvait tranquillement booster sa croissance musculaire durant l’intersaison (on n’ira pas jusqu’à dire que les joueurs qui débarquent à la reprise avec 12 kilos de muscles supplémentaires sont tous des dopés, mais certaines transformations peuvent faire tiquer). Désormais, dans le CBA signé il y a un an, les joueurs pourront être testés deux fois durant l’intersaison. Mais étant donné la faiblesse de durée de vie dans les organismes des produits à la mode (pour ceux qui sont détectables et/ou recherchés…), seuls des contrôles plus fréquents et inopinés pourraient aboutir à des cas positifs. Mais une si faible fréquence et des sanctions pas du tout dissuasives (on est très loin des deux ans de suspension en cas de contrôle positif comme dans la plupart des sports) ne sauraient pousser d’éventuels fraudeurs à arrêter. Surtout que la NBA ne contrôle toujours pas la prise d’hormone de croissance (officiellement elle attend que le test, utilisé par l’AMA, soit validé par un panel d’experts scientifiques…). Et le dopage sanguin est toujours indétectable…

Le dopage, pas utile pour un basketteur ?

Bref, la NBA est encore très loin des recommandations de l’AMA en matière de lutte anti-dopage. Et la ligue continue de faire comme si le dopage ne concernait pas le basketball :
« Ils n’ont pas le sentiment qu’ils ont un tel problème comme les autres ligues et par conséquent ils ne s’y sont pas attaqués de la même manière. Je pense tout simplement que vous devez faire très attention quand vous commencez à dire que les produits dopants n’apportent rien dans un sport, parce qu’à un moment ou à un autre, les faits démontreront le contraire. Et ce sera quand vous ne vous y attendrez pas. »
Les dirigeants NBA, à commencer par David Stern, sont pourtant bien trop intelligents pour être convaincus, comme ils l’ont affirmé à plusieurs reprises par le passé, que le dopage n’apportait rien dans ce sport, que ce n’est pas avec des produits qu’on mettait un ballon dans le panier et que trop de muscle est néfaste pour le basket. Du foutage de gueule pur et simple. Le dopage peut permettre de construire du muscle sec sans doubler de volume, et donc d’être plus costaud sur le terrain, plus rapide, plus explosif, mais aussi d’encaisser des séances d’entraînement (physique, mais également technique), plus intenses, plus nombreuses. D’autant plus que certains produits permettent de mieux récupérer. S’ils ne font pas rentrer la balle dans le cercle, ces produits, en aidant à s’entraîner plus dur, plus souvent, peuvent contribuer à rendre un joueur plus adroit. Stern n’est pas sans savoir aussi que prendre un tir en fin de match en étant cramé ou le prendre en ayant encore des cannes, du souffle, sont deux situations nettement différentes. Si certains produits permettent aux cyclistes d’enchaîner trois semaines de souffrance (et pas uniquement sur le Tour de France, la dernière Vuelta était complètement dingue), pourquoi ne pourraient-ils pas aider des basketteurs peu scrupuleux (à moins que les 500 joueurs NBA soient tous des modèles de vertu) à enchaîner jusqu’à une centaine de matches par an ? En quoi le dopage ne présente pas d’intérêt en termes d’amélioration de la performance dans le basket ? De deux choses l’une : en ayant adopté des années durant cette position, soit la NBA est composée d’abrutis complets, soit les dirigeants ont décidé de ne pas réellement s’en préoccuper. Et comme il semble difficile de créer une telle machine à cash avec une bande d’idiots à sa tête… Résultat, si les sports américains, qui ne peuvent suivre aussi facilement que les autres fédérations les directives de l’AMA (avec leur système d’accords collectifs entre ligue et joueurs, toute décision de ce type doit être négocié), sont parmi les mauvais élèves de la lutte anti-dopage, le basket truste largement la dernière place.
« J’ai eu des rendez-vous la semaine dernière avec la MLB et la NFL », explique Howman. « Bien qu’avec leurs collective bargaining agreements, ils n’ont pas encore adopté le Code Mondial Anti-Dopage, ils en sont très certainement bien plus proches. Tout le monde aime penser que son sport n’est pas touché. Mais nous travaillons avec le principe qu’il n’y a pas de sport ni de pays immunisé. Mieux, nous pensons qu’il faut être agressif plutôt que complaisant. Je pense que ceux qui sont trop complaisants finissent par subir ce qu’ils ne veulent pas subir. »
Comme le monde cycliste, qui à force d’avoir cherché à étouffer le problème se le prend actuellement en pleine face avec d’autant plus de force. Et la manière dont le public américain s’est détourné (et la vitesse à laquelle il l’a fait) de son ancien héros et du cyclisme en général devrait faire réfléchir la NBA. Rien ne dit bien évidemment qu’un Lance Armstrong se cache dans la ligue. Mais pourquoi ne pas chercher à se prémunir de la plus infime probabilité d’un tel scandale, pourquoi ne pas essayer de tout mettre en oeuvre pour dissuader tout joueur de faire quelque chose qui pourrait compromettre l’image de la ligue ? Pourquoi surtout ne pas se donner la possibilité, dans le cas où des joueurs auraient recours à des produits dopants, de sauver son image en étant une ligue qui affiche clairement sa volonté de ne pas être pollué par ce fléau. La NBA l’a fait dans les années 80s avec la cocaïne. En se positionnant clairement comme voulant chasser la drogue de son championnat, l’image de la ligue n’a pas été ternie par les cas positifs. Au contraire. L’affaire Armstrong est peut-être le meilleur moment pour récidiver, avec le dopage cette fois-ci. Et si la NBA ne le fait pas pour des raisons éthiques, peut-être pourrait-elle le faire pour des raisons d’image et de marketing ?