MVP : Les arguments en faveur de Russell Westbrook

Petit passage en revue des arguments en faveur d'une candidature de Russell Westbrook au titre de MVP de la saison.

MVP : Les arguments en faveur de Russell Westbrook
Des « MVP, MVP, MVP » sont descendus des travées de la Chesapeake Arena hier soir.  Kevin Durant, le « vrai » MVP et dernier lauréat du trophée, était pourtant assis sur le banc en tenue de ville. Enthousiaste, la star du Thunder a encouragé les spectateurs à donner de la voix. Masque sur le visage et bandeau sur la tête, Russell Westbrook se dirigeait lui vers la ligne des lancers-francs. « MVP, MVP, MVP ». Les chants lui étaient adressés, lui que KD qualifiait de « candidat au titre de MVP » lorsqu’il recevait son premier trophée de meilleur joueur de la saison des mains d’Adam Silver l’an passé. Un peu plus de six mois plus tard, un autre All-Star d’Oklahoma City est en course pour arracher la plus haute distinction individuelle. Westbrook a inscrit 49 points – record en carrière – capté 16 rebonds – record en carrière – et distribué 10 passes décisives pour mener son équipe vers la victoire face aux modestes Philadelphie Sixers. La performance du meneur, déjà MVP du All-Star Game à New York, est exceptionnelle sachant qu’il revenait tout juste dans la rotation du Thunder après une blessure au visage. Elle l’est d’autant plus étant donné qu’il s’agit de son quatrième triple-double consécutif. Le Californien est actuellement sur une autre planète. Ses statistiques sont irréelles, l’énergie qu’il déploie sur le parquet est inhumaine et l’impression qu’il dégage est tout simplement unique. On le savait déjà, il n’y a pas un seul joueur qui ressemble de près ou de loin à Russell Westbrook dans cette ligue. Cette affirmation a parfois revêtu un caractère péjoratif – la star compte de nombreux détracteurs – mais RW est en passe de faire changer les mentalités. Mieux, il s’est imposé en puissance – son style caractéristique – dans la course au MVP au point d’être considéré aujourd’hui comme l’un des grands favoris au même titre que Stephen Curry, James Harden ou LeBron James.

Une saison historique

[caption id="attachment_157877" align="alignnone" width="625"] Le passage de relais entre deux MVP ?[/caption] Dans un article consacré à Russell Westbrook, ESPN a listé de manière anonyme les statistiques de trois joueurs nommés à l’occasion Player A, B et C. Selon la même formule, nous vous invitons à lire les stats des quatre principaux favoris pour le trophée de MVP. Lequel des joueurs suivant vous semble le plus apte à recevoir la récompense si l’on devait se concentrer uniquement sur les chiffres ? Player A : 23,8 pts à 48% (41% à trois-points), 4,5 rbds, 7,8 pds, 2,1 stls en 33 minutes Player B : 27 pts à 43%(27% à trois-points), 7 rbds, 8,2 pds, 2,1 stls en 33 minutes Player C : 26,9 pts à 44% (38% à trois-points), 5,8 rbds, 7 pds, 1,9 stl en 36 minutes Player D : 26,3 pts à 49% (33% à trois-points), 5,8 rbds, 7,3 pds, 1,6 stl en 36 minutes [superquote pos="d"]Westbrook est le meilleur marqueur, rebondeur, passeur et intercepteur parmi les candidats au titre de MVP[/superquote]Si vous avez opté pour le Player A, vous militez en faveur de Stephen Curry. Les joueurs C et D sont James Harden et LeBron James. Russell Westbrook se cache derrière le Player B. Ce dernier est le meilleur marqueur, rebondeur, passeur et intercepteur des quatre joueurs cités. Ses statistiques sont impressionnantes mais elles sont surtout historiques. Seuls trois joueurs ont déjà cumulé au moins 27 points, 7 rebonds et 8 passes sur une saison entière : Oscar Robertson (six fois…), LeBron James et Michael Jordan. Le bulldozer du Thunder a un autre point commun avec le plus grand joueur de tous les temps : il est le seul joueur depuis Jordan à avoir enchaîné au moins quatre triple-double consécutifs (MJ a poussé la série jusqu’à sept). Les triple-double de Westbrook marquent les esprits tant les chiffres sont impressionnants : 20 points, 11 rebonds et 10 passes en 28 minutes contre Indiana, 39 points, 14 rebonds et 11 passes contre Phoenix, 40 points, 13 rebonds et 11 passes contre Portland et enfin 49 points, 16 rebonds et 10 passes hier soir. Personne n’a réalisé un triple-double avec plus de 49 points et 16 rebonds et les deux seuls joueurs à se rapprocher de cette performance sont Vince Carter, 46 points et 16 rebonds en 2007 (double-double), et Hakeem Olajuwon auteur de 46 points, 19 rebonds et 8 passes en 1996. A part Larry Bird, aucun joueur NBA n’a réussi un triple-double en inscrivant au moins 49 points. Russell Westbrook est unique dans cette ligue et il côtoie le gratin des plus grands joueurs de l’histoire, statistiquement parlant. Il se classe deuxième derrière Anthony Davis au PER (29,91) mais devant Stephen Curry, James Harden et LeBron James, ses concurrent dans la course au trophée. Les statistiques démontrent que le natif de Long Beach est l’un, si ce n’est le, des meilleurs joueurs de la NBA depuis le début de la saison. Il a déjà cumulé six triple-double – personne n’a fait mieux – et sept matches à 40 points ou plus (personne n’a fait mieux non plus). Il est aussi le meilleur marqueur de la ligue.

Russell Westbrook, une star qui fait gagner son équipe

[caption id="attachment_154311" align="alignleft" width="300"] Russell Westbrook dans ses oeuvres.[/caption] Westbrook mérite d’être mentionné parmi les favoris au titre de MVP mais pourtant son nom est apparu assez tard dans la discussion en raison des résultats inégaux du Thunder cette saison. Il est donc essentiel de bien définir le terme « MVP » au moment d’évoquer la candidature du joueur de 26 ans. On a tendance à considérer le meilleur joueur de la meilleure équipe comme le favori pour le trophée. Or, dans les faits, il arrive fréquemment que la franchise terminant avec le meilleur bilan NBA ne soit pas récompensée du titre de MVP. Ce fut encore une fois le cas l’an passé. En revanche, il est vrai que seuls deux joueurs ont été élu MVP après que leur équipe ait terminée la saison au-delà de la deuxième place de leur Conférence respective au cours des trente dernières années : Michael Jordan en 1988 (les Bulls ont fini troisièmes) et Karl Malone en 1999 (troisième place également pour le Jazz). Kareem Abdul-Jabbar est le seul joueur à avoir été nommé MVP sans avoir participé aux playoffs cette saison-là (en 1976). [superquote pos="d"]Le Thunder affiche 63% de victoires avec Westbrook[/superquote]L’histoire récente joue en défaveur de Westbrook. Le Thunder occupe actuellement la huitième place de la Conférence Ouest et la franchise n’est pas à l’abri d’un retour des New Orleans Pelicans et des Phoenix Suns. Mais Oklahoma City revient de loin. Les hommes de Scott Brooks ont dû composer sans leurs deux meilleurs joueurs pendant une bonne partie du début de saison et ils ont entamé une remontée au classement après deux bons mois de compétition. Une tâche particulièrement relevée au sein de la terrible Conférence Ouest. Plusieurs dirigeants et coaches NBA considèrent le Thunder comme l’une des deux meilleures équipes de la ligue une fois au complet. OKC avec Westbrook : 29 victoires, 17 défaites OKC sans Westbrook : 5 victoires, 10 défaites OKC avec Durant et Westbrook : 18 victoires, 9 défaites Il est peut-être temps de nuancer légèrement la notion de bilan collectif. Le MVP se doit essentiellement d’avoir un impact positif sur son équipe. C’est la raison pour laquelle Anthony Davis et Russell Westbrook figurent parmi les candidats au trophée malgré l’inconstance de leur équipe respective. Ce sont là deux superstars qui font gagner leur équipe. Le joueur du Thunder se classe dans le top 12 des « Win Shares », cet indice censé représenter le nombre de victoires apportées par un joueur à son équipe, alors qu’il a manqué quinze rencontres ! Oklahoma City n’a clairement pas la même allure sans sa première option offensive (indice : il ne s’agit pas de Kevin Durant cette saison). [caption id="attachment_127512" align="alignleft" width="300"] Russell Westbrook a un impact certain sur le succès de son équipe.[/caption] Les pourcentages de réussite de Russell Westbrook sont moins flatteurs que ceux de ses concurrents, certes. Mais même les tirs ratés du meneur sont bénéfiques à son équipe tant il met de la pression sur la défense adverse (le Thunder profite alors des espaces pour capter une moisson de rebonds offensifs – cinquième meilleure équipe NBA dans ce secteur). Il est aussi le joueur qui génère le plus de paniers pour son équipe, preuve qu’il est un meneur altruiste même s’il n’a pas l’image du gestionnaire idéal. Cet article n’est pas le fruit d’une réaction à chaud suite à la performance de RW hier soir. Au contraire, justement, il est essentiel de prendre du recul sur les statistiques incroyables de la star sous peine de les banaliser alors qu’elles sont pourtant extrêmement rares dans l’histoire NBA. Le seul vrai point noir demeure les quinze matches manqués par la star. C’est peut-être même la raison pour laquelle il sera écarté du podium au moment du vote. Westbrook ne sera peut-être pas élu MVP mais il est temps de prendre conscience de la saison historique réalisé en ce moment même, sous nos yeux ébahis et notre regard parfois trop critique, par un joueur atypique, spectaculaire et sensationnel.