Quand Serge Ibaka retrouve ses terres

Loin des parquets NBA, le documentaire « Son of the Congo » de Grantland permet de découvrir le parcours et la vie intime qui ont fait de Serge Ibaka l'actuel pivot du Thunder.

Quand Serge Ibaka retrouve ses terres
« Tu es l'un des nôtres » lâche, joyeusement, un membre de l'auditoire de l'American international school de Brazzaville à Serge Ibaka. Ce dernier, t-shirt bleu de l'UNICEF sur le dos, casquette d'OKC sur la tête, sourire aux lèvres, vient de prouver qu'il n'a rien oublié de son passé. Comment ? En entamant un discours en lingala, une langue congolaise. Ainsi débute le documentaire de Grantland intitulé « Son of the Congo », qui revient sur le séjour effectué par Serge Ibaka sur ses terres l'été dernier. Un documentaire qui permet d'en apprendre beaucoup sur l'enfance du joueur d'OKC, mais aussi sur son quotidien lorsqu'il revient, tous les ans, dans la capitale de la République du Congo. Car cette année encore, Serge Ibaka avait plusieurs possibilités. Monaco et ses yachts, le Brésil et sa Coupe du Monde, ou Brazzaville et ses racines. Soit là où tout a commencé pour l'intérieur du Thunder. Et cette année encore, Serge Ibaka n'a pas hésité. Le football et la Côte d'Azur peuvent attendre. Pas Brazzaville.

Le bruit des bombes

Sans eau. Ni électricité. Mais avec une « musique », comme il l'appelle lui-même, en fond : le bruit des bombes. Pas vraiment l'environnement idéal pour s'accrocher à ses rêves. Surtout lorsque l'on perd une mère à sept ans, puis qu'entre l'âge de dix et douze ans, le paternel est emprisonné car soupçonné d'être un rebelle pour avoir traversé le fleuve Congo et s'être rendu en République démocratique du Congo. Pourtant, Serge Ibaka a cru en ses chances. Avec, comme moteur, une foi inébranlable. Lui, envers qui la vie n'a pas été clémente à son plus jeune âge, a continué de croire en sa bonne étoile. Même lorsque le 26 juin 2008, David Stern tarde à prononcer son nom au Madison Square Garden lors de la Draft. Il sera finalement appelé en 24ème position. A 18 ans. Direction les Seattle SuperSonics, le futur Oklahoma City Thunder, pour celui qui sera bientôt « Iblocka ». Une consécration, pour un garçon qui a toujours cru en son avenir malgré les coups du sort et les embûches qui s'enchaînaient. Ce soir de juin 2008, c'était définitivement acquis : Serge Ibaka serait la fierté d'une famille dont les deux parents avaient été basketteurs. L'une sous les couleurs de la République démocratique du Congo. L'autre avec la République du Congo. La fierté d'une famille, certes. Mais également de tout un pays.

Tonton du bled

Alors quand Serge Ibaka rentre chez lui pour deux semaines, c'est toujours un événement. Celui que l'on surnomme « Yao Ming », en raison de sa taille, attire. Beaucoup. Peut-être même trop. Si les habitants, fiers du parcours du NBAer, commencent par le complimenter et partager avec lui, l'attraction Serge Ibaka prend vite trop d’ampleur. Au point que le joueur d'OKC doive quitter les lieux sous peine de déclencher de véritables mouvements de foule. Une effervescence impressionnante, alimentée par les demandes d'argent qui lui sont adressées. Car si Serge Ibaka est accueilli comme un héros à Brazzaville, c'est non seulement parce qu'il est l'enfant du pays qui, parti de peu, voire de rien, a réussi à se hisser jusqu'en NBA : il est aussi le NBAer multi-millionnaire qui, chaque été, distribue de l'argent pour aider l'environnement dans lequel il a grandi à s'en sortir. Avec, bien sûr, la famille comme priorité.

Enfant caché

Serge Ibaka ne fermera la porte qu'une seule fois aux caméras de Grantland. Le moment où, comme à chacun de ses séjours, il fera le point avec sa famille chez « Mémé Titi » sur leurs besoins financiers. Une habitude qui prend longtemps. Serge Ibaka ne se contentant pas seulement de dégainer le chéquier : il prend le temps d'écouter le vécu, les inquiétudes et les épreuves de chacun. De l'autre côté de l'Atlantique, à seulement 25 ans, le pivot du Thunder a beaucoup de responsabilités. Notamment familiales. Et ce surtout envers sa petite fille, dont il a appris l'existence il y a seulement deux ans. Une révélation tardive, qu'il doit à son père. L'objectif : laisser Serge Ibaka se concentrer à 100% sur ses rêves de NBA. Conséquence : Serge Ibaka verra sa fille pour la première fois à cinq ans. Un enfant dont il prend soin à chaque séjour à Brazzaville, et auquel il souhaite transmettre son histoire. Celle d'un gamin qui a réussi à fuir la misère pour atteindre son objectif. Et un enfant qui l'accompagne dans ses déplacements humanitaires.

Pour l'exemple

Dans un orphelinat ou à l'hôpital bâti grâce à Dikembe Mutombo, Serge Ibaka répète le même refrain. Il observe, interroge. Et, surtout, participe. A l'image du moment où il aide les patients à tester les appareils auditifs qu'il paye. Le basketteur devient alors docteur. Pour la plus grande joie de tous. A l'image du moment où il peine à cacher sa tristesse quand il apprend que des enfants meurent dans l'orphelinat dans lequel il s'engage personnellement. Serge Ibaka ne retourne pas au Congo uniquement pour des obligations familiales. Pour le plaisir de frimer, et d'être attendu comme un messie. Il sait que son argent améliore des quotidiens ici. Il sait aussi qu'il suscite ainsi l'espoir chez bon nombre de malades, d'enfants et tout simplement de Congolais. Comme chez ce jeune homme au maillot du FC Barcelone qui rêve de suivre sa trajectoire. Et chez qui les réalisateurs du documentaire on vu le Serge Ibaka d'il y a quinze ans. Pour Serge Ibaka, le basket n'était pas seulement un rêve : c'était un moyen de survie. Pour lui, pour sa famille, et pour un entourage plus ou moins proche. Aujourd'hui, le pari est réussi. Donc, comme prévu, il en fait profiter. « C'est un peu de stress » résume-t-il, en évoquant les demandes d'aides financières qui se multiplient à son égard. Ce passé souvent douloureux, c'est également un fabuleux atout pour le joueur d'OKC. Lequel continue de prouver son goût du sacrifice au Thunder. Pensez ainsi à son retour lors des playoffs face aux Spurs malgré une blessure au mollet qui le faisait encore boiter. Lorsque Serge Ibaka croise une affiche des « Ibaka Games » - ces matches d'exhibition qu'il organise pour que les jeunes attirent des scouts - qui le met en avant, il est fier du chemin qu'il a effectué. Mais également de permettre à ces jeunes de saisir la chance qu'il a lui-même provoquée hier.