Analyse : Kyrie Irving, le meilleur meneur NBA ?

Kyrie Irving a montré de réelles dispositions en défense au cours des cinq derniers matches et il est toujours aussi brillant en attaque. Analyse des arguments en faveur du meneur des Cavaliers.

Antoine PimmelPar Antoine Pimmel | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Focus
Analyse : Kyrie Irving, le meilleur meneur NBA ?
Ça doit être les chaussures. Quelques heures après la présentation de son premier modèle signature chez Nike, la « Kyrie 1 », Kyrie Irving a guidé les Cleveland Cavaliers vers la victoire en inscrivant 37 points et le panier de la gagne contre les New York Knicks. La rencontre disputée dans l’enceinte mythique du Madison Square Garden était retransmise sur le réseau national et il ne pouvait rêver meilleure publicité pour la nouvelle paire de pompes qu’il portait au pied hier soir.
« Le Madison est une place spéciale. Je voulais juste rester concentré et faire ce que j’avais à faire pour que l’on gagne », assure le héros du soir.
Né à Melbourne, en Australie, Irving a grandi à West Orange, dans le New Jersey, à une vingtaine de kilomètres de la grosse pomme. New York, c’est aussi chez lui et le meneur All-Star a pris l’habitude de briller au Madison. Il y a joué quatre fois depuis le début de sa carrière professionnelle et y cumule en moyenne 31 points à 52% de réussite aux tirs. La salle des Knicks est une arène sacrée à l’atmosphère particulière où les grands joueurs ont pour coutume de s’illustrer. Kyrie Irving serait-il l’un des grands bonhommes de la ligue ?

Le rôle essentiel de LeBron James

[caption id="attachment_208339" align="alignleft" width="300"] LeBron James doit apprendre à Kyrie Irving à devenir un meilleur leader.[/caption] En janvier dernier, nous avions soulevé une première problématique : « Est-il une vraie superstar ou un joueur surestimé ? » Nous avions alors ciblé deux principaux points noirs au travers de notre longue analyse, à savoir son attitude – crise de leadership, égoïsme – et sa défense hasardeuse. Deux défauts censés contester l’accès d’un joueur au statut abstrait, honorifique et pourtant si souvent débattu de « superstar NBA ». La question ne se pose pas pour LeBron James. Du moins, elle ne se pose plus. Le « King » a été nommé MVP de la saison à quatre reprises, il a décroché deux titres de champion NBA et il est le meilleur joueur de la ligue mais aussi l’un des plus grands de tous les temps. Son retour aux Cleveland Cavaliers cet été s’est accompagné d’innombrables questions et sujets d’interrogations : Comment LeBron va-t-il aider les jeunes stars de l’Ohio ? Supportera-t-il les errements en défense de ses coéquipiers ? Et ainsi de suite. Après un mois de compétition, nous avons des premiers éléments de réponse.
[superquote pos="d"]"Je n'ai jamais été un leader, j'étais un gamin qui tentait de l'être." Kyrie Irving[/superquote]« Les joueurs ont pris de mauvaises habitudes au cours des deux dernières années. Il va falloir faire des efforts pour casser ses mauvaises habitudes », déclarait James à l’issue d’une nouvelle défaite de ses Cavaliers contre Portland.
La star n’a pas cité de nom mais nous ne sommes pas dupes. La large majorité de l’effectif de Cleveland a été chamboulée cet été et il est fort probable que ces remarques – et non critiques – soient adressées à Kyrie Irving et Dion Waiters. James reprochait aux jeunes joueurs des Cavaliers leur manque d’implication, de détermination en défense et leur égoïsme en attaque. Mais ni Irving, ni Waiters, n’ont l’expérience des rencontres à grands enjeux. Ils n’ont pas conscience de la difficulté et des sacrifices nécessaires pour gagner en NBA. Ils n’ont tout simplement jamais appris à le faire. Depuis l’arrivée du meneur formé à Duke en NBA – premier choix de la draft en 2011 – la franchise a remporté 21, 24 puis 33 matches. Elle n’a jamais dépassé les 40% de victoires et n’a donc évidemment pas disputé les playoffs.
[superquote pos="d"]Les Cavaliers sont partis sur de meilleurs bases que le Heat 2010-2011, finaliste NBA. [/superquote]« Je n’ai jamais été un leader. J’étais juste un gamin qui tentait de l’être. Lorsque vous avez 19 ans et une telle pression sur les épaules, vous connaissez des hauts et des bas. J’ai dû apprendre par moi-même à différencier ce qui était bien ou mal dans cette ligue. Nous n’avions pas assez de vétéran pour nous guider. Maintenant, on a des gars qui sont en NBA depuis des années, qui ont gagné des titres et qui vont partager leurs expériences pour le bien de l’équipe. C’est quelque chose que j’admire et dont je vais apprendre », reconnaissait Kyrie Irving dans un élan de lucidité qui témoigne d’une certaine maturité.
On savait qu’une période d’adaptation serait nécessaire aux Cleveland Cavaliers. En 2010, lorsque LeBron James s’est associé avec Chris Bosh et Dwyane Wade au Miami Heat, la franchise floridienne a débuté sa saison avec 9 victoires et 8 défaites avant de trouver le bon rythme. Après 17 matches, les Cavaliers comptent 10 victoires et 7 défaites… ils sont donc techniquement partis sur de meilleures bases qu’une équipe qui a disputé quatre finales consécutives et remporté deux titres ! Les hommes de David Blatt ont tout de même connu un passage à vide en milieu de mois. La balle ne circulait pas, la défense prenait l’eau et ils ont perdu quatre rencontres de suite. De quoi faire les gros titres de la presse spécialisée. De quoi agacer LeBron James. Ce dernier a même tenu une discussion entre quatre yeux avec Kyrie Irving. Et c’est exactement ce que l’on attendait de lui. Depuis, Cleveland a remporté cinq matches consécutifs et le meneur était au cœur de ces victoires. Il était même simplement le meilleur joueur de son équipe sur le parquet.

Kyrie Irving, le baromètre des Cavaliers

[caption id="attachment_217277" align="alignleft" width="300"] Kyrie Irving est le meneur le plus adroit près du cercle : 70% de réussite ![/caption] Il l’était encore hier soir contre New York. 37 points, des tirs lointains, des crossovers meurtriers, des feintes à couper le souffle, des paniers venus d’ailleurs, des shoots décisifs et un layup pour achever les Knicks en fin de match. Il a tout fait, une fois de plus.
« Sa performance est spectaculaire », confie LeBron James. « Il a répondu présent à chaque fois que nous avions besoin d’un panier. Il nous a insufflés de l’énergie à chaque fois que nous en avions besoin. Il a impliqué ses coéquipiers mais il s’est aussi chargé de marquer. On avait besoin de tout ça. »
Kyrie Irving a simplement fait ce qu’il fait de mieux sur un terrain de basket : agresser constamment l’adversaire, faciliter la vie de ses coéquipiers, marquer, marquer et encore marquer. A force de le critiquer sur sa défense et de l’accuser de tous les maux des Cavaliers, certains en ont oublié à quel point le meneur est une virtuose de la balle orange. Son « handle » défie les lois de la gravité et il a cette facilité déconcertante et presque insolente à marquer un panier dans n’importe quelle situation.
[superquote pos="d"]Kyrie Irving tourne à 23,8 pts à 58,1% aux shoots et 45,5% à trois-points sur les cinq derniers matches ! [/superquote]« J’ai toujours su qu’il était un incroyable finisseur. Mais il est encore plus fort que ce que je ne pensais. Il est sans doute l’un des meilleurs finisseurs près du cercle que j’ai connu. C’est incroyable », poursuit James au sujet de son « petit frère ».
LeBron est une machine à scorer près du cercle, c’est un fait connu de tous les fans de basket qui ont eu l’occasion de regarder ne serait-ce qu’une rencontre du « King ». Son jeune coéquipier fait encore mieux. Irving a converti 70% de ses tentatives près du cercle depuis le début de la saison (52/74) ! 70% ! Le joueur de 22 ans n’est pourtant pas taillé comme un bulldozer et il n’a pas le potentiel athlétique d’un Derrick Rose ou d’un Russell Westbrook. Il est juste plus rapide et plus technique que ses adversaires. Il les efface et les terrasse. Aucun meneur, arrière ou ailier ne peut se targuer d’être plus efficace près du panier et seuls Brandan Wright, Tyson Chandler, DeAndre Jordan, Derrick Favors, Marcin Gortat, Anthony Davis et Taj Gibson sont plus adroits que lui dans la zone située sous le panneau. [caption id="attachment_218287" align="alignleft" width="300"] Kyrie Irving est une machine à scorer dans le money time.[/caption] D’un point de vue plus général, il a profité de la présence de James pour se concentrer sur le scoring. Il a déjà passé la barre des 30 points à trois reprises cette saison et a terminé meilleur marqueur de son équipe à plusieurs reprises. Mais il ne marque pas seulement des points, il est aussi extrêmement efficace. Il tourne à 22,4 pts par match à 49% de réussite aux tirs et 42,5% de réussite derrière l’arc. Ces pourcentages – déjà très bons sur l’ensemble de la saison – sont même en hausse sur les cinq dernières rencontres : 23,8 pts à 58,1% et 45,5% à trois-points. Même Stephen Curry n’affiche pas de tels pourcentages. Irving était constamment surveillé par les défenses adverses la saison dernière étant donné qu’il était la seule réelle menace offensive des Cavaliers. La présence de James, mais aussi celle de Kevin Love, lui offre des espaces. Il peut ainsi manœuvrer plus librement dans les défenses adverses et mettre à profit ses talents de « slasheur-shooteur ». On retrouve finalement « Uncle Drew », ce jeune joueur adoré par une grande partie du public avant que les critiques ne prennent de l’ampleur. Car avant d’être considéré comme le vilain petit canard, il était un jeune joueur fantasque et apprécié pour ses performances héroïques en fin de rencontre. Irving est d’ailleurs toujours aussi « clutch » et il a offert quelques victoires aux Cavaliers grâce à ses prestations dans le money time. Il inscrit en moyenne 6,6 pts dans les quatrièmes QT, une statistique qui le positionne parmi les joueurs les plus prolifiques de la NBA en fin de match derrière Kevin Martin, Dwyane Wade, Jeff Teague et Carmelo Anthony.

Une attitude en défense enfin digne de son talent

[superquote pos="d"]Les adversaires directs sont limités à 43,1% de réussite sur les cinq derniers matches[/superquote]Fans et médias avons tendance à rapidement coller des étiquettes aux différents joueurs NBA. Nous avons la critique et l’avis facile. Sans nous jeter des fleurs, nous nous efforçons le plus souvent de ne pas émettre un jugement définitif sur un joueur. Les étiquettes sont faites pour être décollées. Or, certains joueurs de la ligue souffrent d’une réputation parfois pendant une bonne partie de leur carrière et ce malgré des progrès évidents. Il a fallu attendre une saison entière pour qu’une large partie du public se rende compte que Blake Griffin n’était pas bon qu’à dunker. Nos premiers papiers sur Kawhi Leonard et son impact sur les Spurs ont par exemple été critiqués. Nous avons été accusés de nous enflammer sur le bonhomme qui est aujourd’hui le plus jeune MVP des finales de l’histoire après Magic Johnson. Et ainsi de suite. Irving, lui, souffre de sa réputation de mauvais défenseur. Il faut dire qu’il a souvent entretenu cette réputation en se prenant des courants d’air match après match. Il est trop facile de lire les statistiques du meneur adverse et de penser que la star des Cavaliers a encore pris un carton sur la tronche. Pourtant, depuis le début de la saison, on ne lui confiait pas cette tâche, ce qui en dit long sur la confiance du staff à son égard mais qui vient cependant nuancer cette impression selon laquelle Kyrie serait le point noir des Cavaliers de ce côté du parquet.
« J’aimerais défendre sur les meneurs et laisser nos arrières contenir les arrières adverses. Je dois faire mon boulot et couper la tête du serpent », témoignait le jeune homme il y a quelques jours (nous vous invitons à lire les commentaires de l’article).
[caption id="attachment_192995" align="alignleft" width="300"] L'été passé avec Team USA a fait beaucoup de bien à Kyrie Irving.[/caption] Kyrie Irving ne s’est pas contenté de faire part de sa nouvelle motivation dans la presse : il l’a mise à exécution. David Blatt lui a laissé le soin de défendre sur les meneurs adverses depuis quelques matches et cela a porté ses fruits. Nous vous invitons à regarder les matches des Cavaliers et à suivre avec attention le travail d’Irving en défense. Il met plus d’intensité, notamment lorsque son vis-à-vis n’a pas le ballon. C’était l’un de ses principaux points faibles. Comme beaucoup de jeunes joueurs draftés à l’issue de leur unique saison universitaire, il avait tendance à s’arrêter de défendre dès que son adversaire évoluait sans le ballon. Il est désormais plus concentré, plus appliqué. Il coupe les lignes de passes et contestent les tirs une fois que son vis-à-vis réceptionne la gonfle. Il est tout simplement beaucoup plus actif en défense et cela se ressent dans les chiffres. Il tourne à 2 interceptions par matches au cours des cinq dernières rencontres. Les Cavaliers ont d’ailleurs fait de gros progrès en défense durant cette période. Ils ont encaissé 96,2 pts sur 100 possessions, soit la quatrième meilleure défense de la ligue sur les cinq derniers matches (derrière les Warriors, le Thunder et… les Clippers). Lorsqu’Irving sur le parquet, Cleveland fait encore mieux et encaisse en moyenne 92,6 pts sur 100 possessions tout en marquant 116,6 pts soit un net rating de +24 ! Kyrie Irving limite même ses adversaires directs à 43,1% alors qu’ils tournent à 46,7% le reste du temps.
[superquote pos="d"]"Il a le potentiel pour être le meilleur meneur NBA." Tristan Thompson[/superquote]« Il progresse en défense et il prend encore une nouvelle ampleur. Je pense que c’est l’un des joueurs les plus complets de la ligue. Il a le potentiel pour être le meilleur meneur de la NBA », estime son coéquipier et ami Tristan Thompson.
Kyrie Irving, meilleur meneur de la ligue ? Voilà qui ferait grincer quelques dents.
« Mec, je pense qu’il est déjà à ce niveau-là et il est encore tellement jeune », ajoute Kevin Love. « Il ne peut que progresser. Il est toujours excellent quand on a besoin de lui. »
Irving n’a pas les qualités de playmaker d’un Rajon Rondo ou d’un Chris Paul mais les Cavaliers n’en ont pas besoin. LeBron James est souvent chargé de remonter la balle et son meneur distribue tout de même 4,8 passes par matches tout en ne perdant que très, très peu de ballon (1,8 TO en 38 minutes). Il joue de plus en plus juste et il facilite le travail de ses coéquipiers. C’est exactement ce que l’on demande à un meneur. Il n’a pas la cote de popularité de Stephen Curry – un autre joueur passé par Team USA cet été qui a fait des progrès en défense (comme DeMarcus Cousins ou James Harden… tout sauf un hasard) – et il est encore trop tôt pour réellement s’enthousiasmer sur l’évolution de Kyrie Irving. Il ne s’agit que de cinq petits matches. On attendra confirmation et on demande à voir ce dont le meneur est capable en playoffs lorsque la pression et l’intensité sont décuplées. Mais ces cinq petits matches ont peut-être dicté la suite de l’exercice des Cavaliers. L’équipe de David Blatt a trouvé un équilibre et elle excelle des deux côtés du parquet. Ces cinq petits matches vont peut-être même bouleverser la perception de Kyrie Irving auprès des fans… une bague décrochée en juin prochain devrait aider à redorer l’image d’un meneur étincelant qui a peut-être été un peu vite laissé aux oubliettes.
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