Chicago Bulls, c’est quoi le putain de plan ?

Les Chicago Bulls ont recruté des joueurs très talentueux cet été. Mais peuvent-ils seulement jouer ensemble afin de former une vraie équipe cohérente ?

Chicago Bulls, c’est quoi le putain de plan ?
L’été avait bien commencé pour les Chicago Bulls. Trois jours avant la draft, la franchise de l’Illinois se séparait de son illustre emblématique ex-MVP Derrick Rose, envoyé aux New York Knicks en compagnie de Justin Holiday et en l’échange de trois joueurs. La séparation entre l’ancienne icône de la « Windy City » et les taureaux était de toute façon inévitable. Rose n’était plus le même joueur depuis ses nombreuses graves blessures aux genoux. Ses déclarations laissant présager d’un départ en 2017 (il sera free agent en juillet prochain) couplées à son incompatibilité avec Jimmy Butler, nouveau chef de file de l’équipe, ont fini par le pousser vers la sortie. Dans l’affaire, les Bulls ont récupéré Jerian Grant, un jeune meneur athlétique dont le potentiel intrigue, José Calderon, plus tard envoyé aux Los Angeles Lakers et Robin Lopez. L’arrivée de ce dernier a notamment permis aux dirigeants de laisser partir Joakim Noah et Pau Gasol afin de dépenser l’argent à disposition sur d’autres postes. Lopez est un pivot défensif qui rapportait plus de 10 points et 7 rebonds par match avec les Knicks la saison dernière (en 27 minutes). Il présente quelques similitudes avec « Jooks » mais reste moins cher (il a signé pour 55 millions sur quatre saisons en 2015 quand Noah s’est engagé pour plus de 70 millions avec New York cet été) et plus jeune. Le lifting de Chicago s’est poursuivi le soir de la draft quand le management a eu les bonnes idées de ne pas transférer Jimmy Butler et de sélectionner Denzel Valentine avec le quatorzième choix. Plus âgé que la plupart de ses camarades de la cuvée, l’ancienne star de Michigan State était le meilleur joueur universitaire du pays l’an passé et il est comparé à Draymond Green (en plus petit) pour sa polyvalence. Les Bulls se dirigeaient tout droit vers une reconstruction rapide à la philosophie proche de celle des Portland Trail Blazers, demi-finalistes à l’Ouest après avoir pourtant perdu quatre de leurs cinq titulaires. Jusqu’ici, tout allait bien.

Un « Big Three » incompatible ?

Mais Gar Forman et John Paxson ont bien appris une chose aux supporteurs de la franchise : ne jamais se réjouir trop vite. Alors qu’une identité semblait enfin se dessiner avec un Butler leader d’une équipe jeune et athlétique capable de mettre en place le « space and pace » cher au coach Fred Hoiberg, les deux têtes pensantes des Bulls ont eu la brillante idée d’y ajouter Rajon Rondo. Un meneur génial mais un monopolisateur de ballon. Comme si cela ne suffisait pas, ils se sont rués sur Dwyane Wade quand ce dernier s’est éloigné pour de bon du Miami Heat. Rondo, Wade, Butler... ça sonne très bien sur le papier. Mais peut-être seulement sur le papier. Les trois ont besoin de la gonfle pour exister même si la superstar du Heat a déjà prouvé par le passé qu’il était capable d’exceller dans le jeu sans ballon. Rondo, Wade, Butler... trois slasheurs, trois joueurs capables de créer des décalages en attaquant le cercle ou en profitant des picks-and-roll. Mais aucun d’entre eux n’est une véritable menace au-delà de la ligne à trois-points. Et cela risque de poser bien des problèmes. Comment attaquer les espaces... s’il n’y en a pas ? Dwyane Wade prenait moins d’un tir derrière l’arc par match la saison dernière et il affiche un vilain 28% de réussite en carrière. Même pourcentage pour Rajon Rondo qui a réussi son meilleur exercice dans le domaine avec 36% derrière la ligne l’an passé. Mais il profitait notamment de la présence d’un intérieur comme DeMarcus Cousins et les défenses adverses n’hésiteront pas à laisser deux mètres d’espace à Rondo lorsque celui-ci se trouvera loin du panier. Jimmy Butler est le meilleur shooteur des trois mais certains oublient vite qu’il ne convertissait que 32% de ses tirs lointains. Il n’a jamais été un « 3 and D », étiquette qui lui a été faussement collé lorsqu’il était encore un joueur de complément du système de Tom Thibodeau. Dans les faits, Butler jouait meneur l’an passé. Notamment dans les quatrièmes quart temps. Il créait du jeu balle en main. Et c’est exactement ce qu’il demande. La cohabitation avec Rondo risque d’être compliqué, surtout avec Wade en plus dans ses pattes. Il y a de fortes chances que les adversaires des Bulls se contentent de blinder la raquette en concentrant leurs joueurs près du panier, quitte à inciter les stars de Chicago à shooter de loin. Même le supposé intérieur fuyant des taureaux, Nikola Mirotic, ne dépasse pas la barre des 39% de réussite à trois-points. Sans une vraie menace dos au panier, les Bulls risquent de se heurter à des murs de défenseurs en attaquant la raquette. Il va falloir apprendre à jouer dans des tout petits espaces à une époque où le « spacing » et le tir extérieur sont perçus comme des clés du succès en NBA. Les dirigeants peuvent au moins se vanter d’aller à contre-courant. Fred Hoiberg a justement été nommé à la tête de l’équipe dans l’optique de pratiquer un basket plus moderne et plus offensif que celui prôné par Tom Thibodeau. Le choix était risqué mais pas insensé... à ceci près que le front office n’a finalement jamais offert au coach un groupe de joueurs en adéquation avec sa philosophie de jeu. Et visiblement, ça ne sera pas pour tout de suite. Le tacticien s’est dit ravi de l’arrivée de Rajon Rondo mais il va devoir apprendre à gérer les ego de chacun, lui qui n’est justement pas réputé comme un homme de poigne. Butler avait publiquement remis en question ses méthodes et l’avait prié d’être plus dur avec ses joueurs en cours de saison dernière. Le même Butler qui espérait enfin récupérer un rôle de patron à part entière après le départ de Rose. Au final, ses employeurs l’ont entouré d’un meneur caractériel et d’une ancienne superstar charismatique et originaire de Chicago. Le All-Star peut apprendre à leurs côtés. Si le climat s’y prête. Or l’incompatibilité entre les cadres sur le parquet risque de compliquer la donne. Rondo, par exemple, a brillé sous les couleurs des Boston Celtics lorsqu’il était entouré de joueurs comme Ray Allen et Paul Pierce, deux supers individualités capable de faire la différence sans avoir la balle entre les mains. Il a réussi sa meilleure saison depuis 2011 l’an passé. Avec Ben McLemore, Rudy Gay, Marco Belinelli et Omri Casspi sur ses flancs. Des gars capables de couper, de shooter de loin et de profiter des écrans pour se mettre en bonne position. A l’inverse, quand le meneur a été associé à un driveur comme Monta Ellis, il a fini par se faire porter pâle en playoffs afin de s’éviter, à lui et aux Dallas Mavericks, de nouvelles séquences embrassantes. La mauvaise nouvelle ? Butler et Wade se rapprochent plus d’Ellis que de Ray Allen ou McLemore. En fait, pour le bien de l’équipe, il serait peut-être préférable que « Flash » démarre les rencontres sur le banc afin de laisser Butler au poste 2 et d’insérer un shooteur comme Doug McDermott dans le cinq. Peu probable cependant que le joueur de 34 ans accepte un rôle de sixième homme après être aller au bras de fer avec le Heat qu’il a quitté après 13 années de bons et loyaux services. Transférer Jimmy « Buckets » est toujours une option mais ce serait une mauvaise solution. Il est toujours la star de l’équipe et rien ne garanti que les jeunes prospects disponibles développent un jour le potentiel d’un All-Star comme Butler. Il est aujourd’hui l’un des cinq meilleurs joueurs de la ligue à son poste. Seul hic, les Bulls ont trouvé le moyen de recruter l’un des cinq autres gars de ce classement.

Quel développement pour les jeunes ?

Rondo, Wade et Butler vont passer beaucoup de temps sur le parquet, ce qui a forcément comme conséquence de ralentir le développement de Grant, Valentine ou encore McDermott, Tony Snell (insérez une blague) et compagnie. Il y a de la viande fraîche sur le banc avec les joueurs cités ci-dessus mais aussi Cristiano Felicio et Bobby Portis. Ces gars-là ont de l’avenir et leur cinq sera l’un des plus intéressants à suivre en sortie de banc cette saison. Il y a même des chances que quatre d’entre eux associés à Butler ou Wade forment finalement un groupe plus efficace (en termes de +/-) que le cinq majeur des Bulls. Difficile de comprendre quelles sont les réelles intentions des dirigeants. C’est comme s’ils avaient cédé à la panique après avoir été distancés sur plusieurs dossiers. Comme s’ils s’étaient sentis obligés de dépenser de l’argent sous prétexte que la moitié des franchises NBA ont gaspillé du fric cet été - souvent inutilement ou de façon complètement insensée. Forman et Paxson ont-ils voulu apaiser les fans en leur offrant deux All-Stars, l’un étant souvent gêné par des blessures et l’autre étant considéré comme une tête brûlée ? Associer des noms, c’est bien. Les faire jouer ensemble, c’est autre chose. Sur le papier, cette équipe n’en est pas une. Il arrive parfois que des joueurs soient tellement peu complémentaires qu’ils en finissent, paradoxalement, par briller ensemble. Mais ce sont des cas extrêmement rares. Les options sur les deuxièmes saisons de Rondo et Wade limitent les risques mais, même là, dans ce cas, il est difficile de comprendre pourquoi la franchise n’a-t-elle tout simplement pas attendu l’été 2017 pour dépenser ses dollars. La cuvée de free agents sera bien plus impressionnantes l’été prochain et le Cap devrait encore augmenter d’une dizaine de millions. Les Bulls vont gagner des matches la saison prochaine. Faire jouer des mecs talentueux suffit à gagner pendant la saison régulière, notamment à l’Est. Mais pour viser le titre, il faut beaucoup plus. Les taureaux avaient l’occasion de se reconstruire en douceur et de créer une alchimie qui aurait pu servir de base à un éventuel run vers une bague d’ici quelques années. Ils ont pris le risque de tout gâcher. Pourvu que ça paye.