Evan Fournier, une décision cruelle mais justifiable ?

Evan Fournier n’a pas été retenu pour les Jeux Olympiques de Rio par Vincent Collet. Une absence qui fait débat.

Evan Fournier, une décision cruelle mais justifiable ?
Qu’elle fut dure à prendre cette décision... Et qu’elle est cruelle pour Evan Fournier. C’est par le biais de notre Adrian Wojnarowski à nous autres Français, Yann Ohnona, qu’était annoncée hier l’absence de l’arrière du Orlando Magic pour les Jeux Olympiques de Rio cet été. Le sélectionneur Vincent Collet a tranché. S’il n’avait pas hésité à renvoyer à la maison Adrien Moerman, l’un des meilleurs intérieurs d'Europe cette saison, pour faire de la place à Rudy Gobert, le coach de l’équipe de France a préféré renouveler sa confiance aux arrières déjà présents au TQO. En d’autres termes, exit Fournier absent du tournoi de qualification en raison des négociations liées à son nouveau contrat NBA. [superquote pos="d"]Fournier, meilleur marqueur français en NBA[/superquote]Un choix particulièrement difficile à avaler pour le joueur de 23 ans amené à devenir l’un des cadres du groupe France dans les années à venir. Le natif de Saint-Maurice a signé un deal de 85 millions de dollars sur cinq ans et il faudrait être fou ou hypocrite pour penser que le simple amour du pays pousserait un joueur professionnel - quel qu’il soit - à risquer un pareil contrat. Il était normal que Fournier, tout comme Gobert, Ian Mahinmi et même Nicolas Batum (un cas un peu particulier) ne disputent pas l’intégralité du tournoi qualificatif pour les Jeux. L’explosion du Salary Cap avec l’entrée en vigueur des nouveaux droits TV promettait une hausse spectaculaire des salaires en NBA. Et malgré ça, Fournier n’a pas souhaité faire monter les enchères. Il aurait pu percevoir plus que les 85 millions offerts par le Magic sans même aller au bras de fer avec ses dirigeants. Il a accéléré le processus dans l’espoir d’aller à Rio avec les Bleus. Il ne sera pourtant pas du voyage. Il sort de sa meilleure saison en NBA. Titulaire indiscutable, il était le meilleur marqueur français dans la grande ligue avec 15,4 points par match à 46% aux tirs et 40% derrière l’arc. Il est désormais un cadre à Orlando et il est même susceptible de frôler la barre des 20 pions par match lors du prochain exercice. Il passe des caps, année après année. Evan Fournier est un slasheur comme il en existe peu en France. Il est capable de créer des opportunités de marquer - autant pour lui que pour ses coéquipiers - et s’est même amélioré dans le jeu sans ballon, un point cher au staff de Vincent Collet. Sportivement, il méritait clairement sa place. Personne ne peut le nier. Tout ceci étant dit, il est temps maintenant de se mettre face à la réalité. Evan Fournier, OK, mais pour sortir qui ? Quel joueur aurait dû rentrer à la maison pour laisser le champ libre à l’une des plus fortes individualités françaises ?

Un choix sportif, stratégique... et logique ?

[caption id="attachment_188091" align="alignleft" width="318"] Thomas Heurtel a été très bon pendant le TQO.[/caption] Quatre joueurs pouvaient éventuellement être en balance avec Evan Fournier : Les meneurs Antoine Diot et Thomas Heurtel et les ailiers Charles Kahudi et Mike Gelabale. Et tous présentent des arguments solides. A 33 ans, Gelabale dispute (sauf scénario peu probable) ses derniers Jeux Olympiques. Il aurait été dur de l’en priver. Il est l’un des visages de la génération dorée des Tony Parker, des Boris Diaw et des Florent Piétrus. Mais au-delà du plan émotionnel, il méritait lui aussi sa place dans le groupe. La notion de groupe, justement, occupe une place centrale dans les choix de Collet depuis sa nomination à la tête de l’équipe de France. Il l’a déjà répété plusieurs fois : à chaque campagne, il construit une équipe. Pas une association d’individualités. Ce n’est pas une attaque envers Evan Fournier, au contraire. C’est simplement que Mike Gelabale est l’un des cadres du vestiaire. Un homme expérimenté qui amène de l’harmonie chez les Bleus. Et il apporte aussi sa défense sur plusieurs postes, son adresse extérieure, sa capacité à jouer sans le ballon et son arsenal dos au panier sur certains duels. [superquote pos="d"]Bizarre de voir une EDF sans l'un de ses futurs cadres[/superquote]Charles Kahudi avait été sacrifié au profit de l’ancien joueur NBA Yakhouba Diawara en 2012. Mais il est important de faire la mise à jour concernant l’ailier de l’ASVEL : il est aujourd’hui l’un des meilleurs joueurs d’Europe à son poste. N’ayons pas peur des mots. Kahudi a vraiment franchi un cap depuis l’Eurobasket dans l’Hexagone. Il est plus mature, a gagné en confiance et est monté en puissance. Il a une dimension athlétique et défensive unique en équipe de France. Mieux, il est même de plus en plus tranchant en attaque. Champion de France avec Villeurbanne, il tournait à plus de 11 points par match la saison dernière. Attendez-vous à le voir passer plus de minutes sur le parquet que lors des dernières compétitions. Antoine Diot a manqué le dernier Eurobasket sur blessure. Il a un profil différent de celui de Fournier. Le joueur de Valence est une vraie assurance à la mène. Il a été décisif lors de l’Eurobasket 2013 remporté par les Bleus et lors de la campagne glorieuse au Mondial en Espagne en 2014. Le joueur de 27 ans est l’un des cadres de l’équipe de France, un statut dont ne jouit pas encore Evan Fournier. Lui aussi est très apprécié au sein du groupe. Et les Bleus ont besoin d’un arrière gestionnaire capable de contrôler le rythme dans les fins de match serrées. [caption id="attachment_292370" align="alignleft" width="318"] Charles Kahudi est le stoppeur des Bleus.[/caption] C’est finalement avec Thomas Heurtel qu’il y a le plus matière à débat. Les deux joueurs étaient déjà en concurrence l’an passé et Fournier avait été retenu pour l’Eurobasket. Les rôles ont été inversés cet été. Même s’ils ne jouent pas au même poste et ne sont pas non plus les mêmes joueurs, il y a quelques similitudes entre les deux hommes. Ils ont tous les deux cette capacité à enflammer un match en inscrivant plusieurs paniers de suite, autant en pénétration qu’à trois-points. Ils ont ce profil de scoreur capable de faire la différence dans le money time. Et tous les deux ont été déjà décisifs en équipe de France. Mais Heurtel a peut-être un léger avantage dans ce domaine. Evan Fournier a raté les entames des deux dernières campagnes internationales qu’il a disputé mais il a toujours fini par se rattraper et même par se montrer décisif dans des moments clés comme lors du huitième de finale contre la Croatie (2014) ou du match pour la troisième place (2015). Heurtel a peut-être été un peu plus constant dans ce registre avec une campagne brillante à la Coupe du Monde. Il a aussi marqué les esprits lors du TQO avec quelques éclats lors dans les quatrièmes quart temps. Notons qu’il sort lui aussi d’une très belle saison avec plus de 12 points par match en Euroleague. Il est dans le rythme du basket FIBA et a participé à la préparation avec les Bleus. Si la France s’était directement qualifiée pour les Jeux Olympiques à l’issue de l’Eurobasket, la place d’Evan Fournier aurait sans doute déjà été réservés. Et c’est ce qui rend cette décision encore plus terrible. Il est aussi assez étrange de se dire que l’EDF va entamer sa dernière campagne avec Tony Parker sans l’un de ses futurs cadres. Mais si ce choix fait débat, il n’est pas non plus injustifié...