Comment Joe Lacob a propulsé les Warriors au sommet

Si les Golden State Warriors sont aujourd'hui la référence en NBA, c'est aussi grâce à Joe Lacob, le discret mais efficace propriétaire de la franchise, et ses méthodes très modernes.

Comment Joe Lacob a propulsé les Warriors au sommet
Le grand public n'a d'yeux que pour Stephen Curry et on ne peut pas lui en vouloir. Le meneur des Golden State Warriors réussit l'une des saisons les plus marquantes depuis des années sur le plan individuel et est entré avec fracas dans la catégorie des joueurs qui laisseront une marque indélébile dans l'histoire de leur sport. Mais si la franchise californienne fait aujourd'hui figure d'épouvantail, ce n'est pas uniquement grâce aux prouesses de sa star. Tout du moins, les exploits du "Baby-Faced Assassin" n'auraient pu avoir lieu sans un travail de fond et une organisation exceptionnelle au sommet de la pyramide. C'est là qu'intervient Joe Lacob, l'actionnaire majoritaire des Warriors depuis novembre 2010. [superquote pos="d"]Livingston : "Ici, c'est un forum. Tout le monde à son mot à dire".[/superquote]L'histoire de son arrivée et de la construction de son projet est superbement contée par Ben Schoenfeld du New York Times dans un article paru cette semaine. On y découvre la modernité des méthodes employées par Lacob et la mentalité qu'il a instaurée dans la Bay Area. Là où la NBA a toujours favorisé la présence de propriétaires dominants et autoritaires, Lacob détonne. Fan de basket de la première heure mais businessman de génie avant tout (il a fait fortune dans le redressement d'entreprises en difficulté), le sexagénaire fait fonctionner son affaire sur un modèle d'échange et de dialogue quasiment sans précédent dans la ligue.
"J'ai connu 9 franchises dans ma carrière. Aucune d'elle ne fonctionnait comme celle-là. Ici, c'est un forum ouvert à la discussion et tout le monde à son mot à dire. Cette mentalité vient de tout là-haut. L'histoire avec Nick U'Ren ? Je n'avais jamais vu ça. ", raconte Shaun Livingston, le meneur remplaçant.
L'épisode évoqué par Livingston n'est autre que cette décision cruciale de Steve Kerr l'an dernier au beau milieu des Finales NBA. Sur le conseil d'U'Ren, son coordinateur vidéo, Kerr avait confié à Andre Iguodala la tâche de défendre sur LeBron James. Un énorme succès, puisque "Iggy" avait été désigné MVP des Finales quelques jours plus tard, entre autres pour son travail de sape sur la star des Cavs. Cette ouverture d'esprit, c'est exactement ce que Lacob souhaitait au moment de limoger Mark Jackson et d'engager Kerr, lequel n'avait jamais officié sur un banc NBA. Reconnaissant envers Jackson pour avoir fait mûrir l'équipe pendant trois ans, Lacob trouvait la vision de l'ex-meneur des Knicks trop limitée. Une décision impopulaire qui l'a nettement moins affecté que celle qu'il avait dû prendre en 2012. Sur le conseil de Jerry West, le boss avait ainsi accepté d'envoyer Monta Ellis à Milwaukee pour récupérer Andrew Bogut et, de facto, faciliter l'éclosion de Curry et lui permettre de devenir ce qu'il est aujourd'hui. Copieusement hué par le public alors qu'il introduisait un discours de Chris Mullin à l'Oracle Arena au lendemain du trade, Lacob avait serré les dents et maintenu sa confiance en Curry en lui offrant 44 millions de dollars sur 4 ans en dépit de ses problèmes de chevilles. Aujourd'hui, il peut se féliciter d'avoir constamment écouté les hommes de confiance dont il s'est entouré, Jerry West et Bob Myers son GM en tête, et d'avoir osé miser une partie importante de ses actifs sur une franchise dont personne ou presque ne voulait.

Jerry West, le "prix Nobel"

[superquote pos="g"]Lacob : "Nous avons des années-lumière d'avance"[/superquote]Pour 450 millions de dollars et avec l'aide d'investisseurs issus de la Silicon Valley, Joe Lacob est ainsi passé outre les résultats sportifs désastreux et une enceinte tout sauf adaptée à la présence de partenaires commerciaux ou de VIP. En plus de faciliter le travail de ses subordonnés sur le plan sportif, le diplômé de California a créé un environnement propice à l'arrivée de nouveaux investisseurs et au développement d'une atmosphère incomparable en NBA dans les tribunes. Son obsession : proposer un style de jeu qui enthousiasmerait autant les foules que le fameux Showtime des Lakers. Sans avoir forcément l'ambition de garnir son palmarès à la hauteur de celui des voisins de l'état, Lacob n'a jamais souhaité abandonner son idée directrice. La suite lui a donné raison et, au-delà du bilan comptable, Golden State est ce qui se fait de mieux en termes de spectacle en NBA. Si l'envie lui prenait de vendre ses actions aujourd'hui, on peut imaginer que les 2 milliards de dollars déboursés par Steve Ballmer pour s'offrir les Clippers feraient figure de broutille... En demandant à Jerry West, débarqué comme un malpropre du board des Lakers, de devenir son bras droit officieux, Lacob a visé très juste. "Les entreprises prennent toujours des Prix Nobel au sein des comités de direction, Jerry West est notre prix Nobel". La perspective de battre le record des Bulls de 96 et d'un back to back dans la foulée rend Joe Lacob ambitieux mais également très sûr de sa force. Au point qu'à l'entendre, on pourrait presque le taxer d'arrogance. "On écrase l'opposition sur le terrain grâce à la manière dont on a bâti cette équipe. Ce n'est pas un accident et la domination de Stephen Curry est indissociable de tout le travail réalisé en amont. Il y a le style de jeu que l'on impose à tout le monde et une certaine architecture, un mode pensée. Nous avons des années-lumière d'avance sur les autres en termes de structures et de planification. La NBA va devoir composer avec nous pour longtemps". D'autres ont évidemment envie de reproduire ce modèle, comme certains tentent depuis des années de copier les Spurs et leur stabilité. Marc Lasry, le propriétaire des Milwaukee Bucks, est le premier à s'enthousiasmer devant la réussite de l'entreprise californienne et rêve que son équipe prospère de même dans le Wisconsin. Difficile de savoir si une formule qui a marché quelque part à un moment précis fonctionnera également ailleurs. Le jeu en vaut peut-être la chandelle pour retirer des bénéfices sportifs et économiques aussi importants que Joe Lacob ne l'a fait dans la Bay Area...