John Calipari : sa part d’ombre

John Calipari possède une aura sans pareil dans le basket NCAA, mais sa carrière reste avant tout émaillée de polémiques. Portrait d'une énigme.

John Calipari : sa part d’ombre

Une empreinte sur le jeu pas si convaincante

C'est donc vers un nouveau départ, et moins de controverses, que Calipari semblait se diriger en décidant, en 2008, de prendre la tête de l'Université de Kentucky, l'une des plus prestigieuses du basket NCAA et la seconde au nombre de titres (7). Au passage, Coach Cal a signé un énorme contrat de 8 ans et 31 millions de dollars. Avec une telle aura, et l'aide toujours précieuse de Wes, le processus de recrutement se déroule tous les ans de la même manière : UK est assurée de récupérer au moins l'un des deux meilleurs lycéens du pays. Ça a été le cas par le passé avec John Wall, DeMarcus Cousins, Terrence Jones ou encore Michael Kidd-Gilchrist et Anthony Davis cette année. L'influence de Wesley a d'ailleurs été très remarquée lors du recrutement de Jones, qui est revenu sur son engagement très médiatisé envers l'Université de Washington (qui s’est déjà fait piquer Enes Kanter par coach Cal l’année précédente alors que le Turc avait lui aussi annoncé qu’il rejoindrait les Huskies…) pour aller finalement exercer ses talents avec les Wildcats. Et, bien qu'en poussant Kentucky au Final Four en 2011 (devenant ainsi le deuxième coach de l'histoire à emmener trois équipes différentes dans le dernier carré, après Rick Pitino), c'est encore sur un couac, contre UConn en demi-finale, que s'est terminée cette campagne, Kemba Walker se chargeant de rappeler à tout le monde que l'expérience est un atout primordial pour décrocher le titre. Alors, doit-on résumer la carrière de John Calipari à celle d'un coach ayant seulement pu, pour se bâtir un palmarès, détourner les lois et règlements de la NCAA ? Ce serait un peu vite oublier ce qu'il a apporté au jeu universitaire, même si le bilan des carrières professionnelles des joueurs passés entre ses mains n'est pas non plus extraordinaire, D-Rose mis à part. Son système offensif, appelé la « Dribble Drive Motion », est totalement adapté à la NBA puisqu'il met en avant les qualités individuelles et athlétiques de ses joueurs. Un extérieur drive vers le panier alors que les ailiers sont écartés autour de la zone à trois-points et que le pivot est le seul à être dans la raquette. Chacun offre alors une option de passe si le drive ne se conclut par un lay-up ou un tir. Une attaque qui n'est pas sans rappeler certains des systèmes des Bulls ou des Kings, avec Rose ou Evans drivant vers le panier à la recherche du tear-drop ou, plus rarement, de la passe vers un extérieur démarqué. Malgré tout, ce système reste à l'opposé de la philosophie qui habite le plus souvent le basket universitaire, avec son école de discipline, de partage du ballon et des responsabilités, d'humilité et de plans de jeu répétés à l'infini. Les carrières NBA des meilleurs joueurs de l'« Académie Calipari » leur ont permis de mettre leurs familles à l'abri pour quelques générations, mais c'est assez souvent un sentiment d'inachevé qui prédomine. Même durant sa saison de MVP avec les Bulls, Derrick Rose a ainsi pu entendre des critiques sur son manque de discernement au shoot et son entêtement à vouloir aller au panier systématiquement, oubliant des coéquipiers mieux placés. Le même bémol, mais version XXL, a été assez vite mis sur le jeu de Tyreke Evans qui, en position de guard chez les Kings, a encore trop souvent tendance à vouloir profiter de sa supériorité physique pour se frayer un chemin « in the paint » à tout prix. La troisième pépite qu'a pu coacher John Calipari ces dernières années, John Wall, déçoit elle aussi pour l’instant dans l’évolution de son jeu (avec des statistiques à la passe en baisse et un pourcentage à trois-points ridicule) et dans son manque de maîtrise des subtilités et des responsabilités de son poste. [caption id="attachment_29960" align="alignright" width="250"] DeMarcus Cousins et John wall à l'époque de Kentucky[/caption] DeMarcus Cousins semble, lui, un cas à part, tant sa psyché résiste aux analyses les plus poussées. Mais difficile de voir ce qu’il a bien pu apprendre durant son année passée sur le campus de Lexington. On a le sentiment qu’il possède tellement de talent inné, qu’il s’est contenté de jouer sur ses immenses acquis. Ces quatre joueurs (Rose, dans une moindre mesure) n'auraient-ils pas pu perfectionner leur jeu et leur QI basket si le système de Calipari avait été porté sur l’apprentissage du jeu plutôt que sur la simple mise en valeur de leurs qualités ? Un objectif plus exigeant, sans doute, et qui aurait pu leur valoir de rester une année ou deux supplémentaire avant de rejoindre la NBA, mais qui leur aurait peut-être permis d’arriver avec une plus grande maîtrise. John Calipari n’a certes pas créé le phénomène du « one and done », mais personne ne l’a mieux exploité que lui. Cela lui permet de se délester en partie de son chapeau de formateur pour se reposer sur le talent de ces jeunes, sans même s'embarrasser de devoir penser à l'alchimie de son équipe la saison suivante, avec l’arrivée des nouvelles recrues. Cette année, grâce au lockout qui a retardé le départ de Terrence Jones vers la NBA, il peut pourtant combiner l'expérience de son sophomore avec la fougue des nouveaux freshmen Doron Lamb, Marquis Teague, Kidd-Gilchrist et Davis. Peu dispendieuse (seulement 13 assists par match), mais athlétique (9 contres par match), équilibrée (6 joueurs à plus de 9,7 pts) et adroite (48% à 2-pts, 37% à 3-pts), la machine Kentucky semblait parfaitement armée au moment de ces lignes pour soulever le trophée NCAA cette saison. Un premier titre serait alors le couronnement d'une carrière légendaire, mais atypique et souvent décriée. Le Graal de Coach Cal. Sinon, ça sera juste une saison comme les autres… en attendant la prochaine cuvée de stars en herbe. Ce portrait de John Calipari est extrait du numéro 35 de REVERSE [product id="140447" sku=""]