Les Clippers sur les chemins de la gloire

Décriés, critiqués, surestimés selon certains ou trop softs selon d'autres, les Los Angeles Clippers n'étaient pas perçus comme de vrais candidats au titre. La donne a désormais changé. Analyse.

Les Clippers sur les chemins de la gloire
Les Los Angeles Clippers sont à neuf victoires de leur premier titre de champion NBA. Chris Paul est à neuf victoires d’une première bague qui donnerait une toute autre ampleur à sa carrière. Mal-aimés, souvent considérés comme surestimés, les Californiens sont les premiers à atteindre le seuil des trois victoires parmi les équipes encore engagées au second tour des playoffs. Ils ne sont plus qu’à un petit succès d’une place en finale de Conférence.
 « On ne veut pas se contenter de ça », prévient déjà DeAndre Jordan. « On veut gagner neuf matches de plus. »
Les bookmakers, les fans et même les « spécialistes » n’imaginaient pas les joueurs de Doc Rivers en mesure de jouer le titre au coup d’envoi des playoffs. Bien que troisièmes à l’Ouest malgré l’absence prolongée de Blake Griffin en cours de saison, les Clips n’avaient pas les faveurs de la plupart des pronostics au moment d’affronter les San Antonio Spurs, champions en titre, au premier tour. Leur cote était à 18 contre 1 avant le premier match contre les éperons et elle est à 4 contre 1 aujourd’hui. Pour la première fois de leur histoire, les éternels perdants renvoient la perception d’une franchise en mesure de gagner le titre. Pour la première fois de leur histoire, la « deuxième équipe » de Los Angeles est la plus forte de la NBA.

Une attaque de feu capable de faire plier n'importe quelle défense

[caption id="attachment_264203" align="alignleft" width="300"]Les Clippers ont la deuxième meilleure attaque de la NBA depuis le début des playoffs.[/caption]Les puristes autoproclamés ont parfois tendance à ne jurer que par la défense, rappelant sans cesse « qu’elle fait gagner des titres » selon l’adage. La NBA a évolué. Disposer de la meilleure équipe de la ligue dans ce domaine n’a jamais suffi à décrocher une bague. Les formations unidimensionnelles sont exposées à leurs propres limites à un moment ou un autre. Le jeu a évolué. Il est plus rapide, plus fluide et il est porté vers l’offensive. Pour gagner, il faut savoir exceller de chaque côté du parquet. Pratiquer un basket orienté vers l’attaque n’est pas une tare. C’est pourtant l’un des premiers éléments rabâchés par les détracteurs des Los Angeles Clippers : ils ne sont bons qu’à faire le spectacle, ils ne pensent qu’à marquer des paniers, ils ne savent pas défendre, etc, etc. Les Clippers n’ont pas une bonne attaque. Ils disposent de la meilleure de tout le championnat. Chris Paul et ses coéquipiers ont inscrit plus de 109 points sur 100 possessions au cours les 82 matches de la saison régulière, formant ainsi l’équipe la plus efficace de la NBA en attaque. Cette statistique a légèrement diminué en playoffs. Ils marquent désormais 107,6 pts en moyenne (toujours sur 100 possessions). Seuls les Washington Wizards, tombeurs de Toronto Raptors en chute libre au premier, font mieux depuis le début des PO. La franchise de L.A. a pourtant affronté deux des six meilleures défenses de la ligue cette saison. Les Spurs se classaient en troisième position à l’efficacité défensive et ils ont encaissé plus de 100 points lors de six des sept affrontements du premier tour. Les Houston Rockets pointaient en sixième position du même classement et les Clippers leur ont passé 117, 109, 124 et 128 points en quatre manches.
« Ils nous ont explosé », avouait Kevin McHale après la rencontre d’hier.

Le hack-a-Jordan, seule solution contre les Clippers ?

[caption id="attachment_237353" align="alignleft" width="300"]DeAndre Jordan est plus à l'aise pour dunker que pour shooter des lancers-francs.[/caption]Hier soir, le coach des Rockets a envoyé tous ses porteurs d’eau faire faute sur DeAndre Jordan. Le pivot a shooté 28 lancers-francs en première période – nouveau record NBA.
« Je ne sais même pas combien j’en ai tirés au total », témoignait l’intéressé.
Et il en a manqué 20. Et les Clippers l’ont tout de même emporté par 33 points d’écart. D.J. a déjà tenté 128 lancers depuis le début des playoffs. C’est plus que n’importe quel autre joueur NBA. Il en a converti 54, soit 42% de ses tentatives. Le hack-a-Shaq – rebaptisé hack-a-mec nul par notre stagiaire Guillaume Rantet, n’a aucun amateur et même ceux qui l’emploient critiquent cette stratégie.
« Personnellement, je n’aime pas ça », reconnait James Harden. « Mais les coaches ont une philosophie différente. »
[superquote pos="d"]Malgré le hack-a-Jordan, les Clippers sont meilleurs des deux côtés du parquet avec D.J. sur le terrain ! [/superquote]Gregg Popovich était lui aussi contre cette pratique mais il ne s’est pas privé de faire faute sur Jordan à de nombreuses reprises lors du premier tour. Et les Clippers se sont tout de même qualifiés. En attendant que la ligue ne trouve une solution pour ce problème (apprendre à shooter des lancers ????), les Clips sont condamnés à regarder leur géant se trimbaler jusqu’à la ligne des LF une vingtaine de fois par rencontre en espérant qu’il en réussisse au moins la moitié. Il est intéressant de constater que les adversaires des Angelenos sont presque condamnés à abuser du hack-a-Jordan pour casser le rythme de la meilleure attaque de la ligue. Faire intentionnellement faute sur le pivot est peut-être la seule solution pour enrayer la machine offensive de Los Angeles. Malgré ses difficultés récurrentes aux lancers, Jordan joue plus de 34 minutes par match. Les Clippers sont même meilleurs des DEUX côtés du parquet lorsqu’il est aligné sur le terrain. Ils inscrivent même 19 points de plus que les Rockets en moyenne lorsqu’il joue. Continuez donc à l’envoyer sur la ligne.

Une équipe qui fait enfin front contre l'adversité

[caption id="attachment_264235" align="alignleft" width="300"] Les Clippers ont démontré leur force mentale en éliminant les Spurs au premier tour.[/caption]Il y a un an, Chris Paul et d’autres vétérans du groupe n’hésitaient pas à manifester leur frustration lorsque leur coéquipier manquait plusieurs lancers. L’envoyer sur la ligne était aussi une manière de sortir CP3 ou Blake Griffin de leur match. Les deux superstars ne touchaient plus la gonfle, le match était haché, chacun sortait de son rythme, etc. La situation est différente aujourd’hui. Les joueurs ont adopté la philosophie Ubuntu de Doc Rivers (concept popularisé par Nelson Mandela). Ils sont unis. Les Clippers semblent plus soudés, notamment lorsque Jordan effectue ses nombreux road trip sur la ligne des lancers-francs. Ils sont conscients qu’ils peuvent tout de même s’imposer malgré la stratégie adverse et leurs résultats récents le prouvent. [superquote pos="d"]"On comprend désormais ce que cela fait d'affronter l'adversité." Blake Griffin[/superquote]Plus généralement, la principale différence entre cette équipe des Clippers et celle de l’an passé réside dans sa capacité à affronter l’adversité. C’est d’autant plus vrai depuis que les troupes californiennes ont éliminé les Spurs au premier tour après avoir été mené 2-3 avec une sixième manche décisive à disputer en terre texane. Ils n’ont pas flanché. Paul et Griffin, parfois accusés à tort de disparaître lors des moments les plus importants de la saison, ont brillé lorsque leur équipe en avait le plus besoin. Ils se sont comportés comme de véritables superstars.
« On comprend désormais ce que cela fait d’affronter l’adversité. C’est un accomplissement d’éliminer les Spurs au premier tour après avoir été menés. Cela nous met en confiance. On a réalisé que l’on pouvait jouer de la bonne manière et gagner », confie Blake Griffin.
La série contre les Spurs ne ressemblait en rien à un premier tour de playoffs. Ou alors était-ce l’un des plus excitants, spectaculaires et engagés de l’histoire. Les deux équipes étaient candidates au titre mais le hasard du classement et l’extrême densité de la Conférence Ouest ont fait qu’elles se sont affrontées dès le début de la compétition. Les Clippers en sont sortis vainqueurs et surtout grandis. Ils ont pris confiance.
« Tout le monde commence à y croire », avoue Glen « Baby » Davis, le seul joueur de l’effectif à avoir déjà remporté un titre NBA. « Et quand tout le monde commence à y croire, tout le monde commence à faire ce qu’il faut pour gagner. Tout le monde commence à se sacrifier. La série contre San Antonio nous a ouvert les yeux. »

Une défense en progression

Revenons-en au hack-a-Jordan. S’il casse le rythme des Clippers, il court-circuite aussi le jeu offensif de leurs adversaires. La défense de Los Angeles peut alors se remettre en place et s’appliquer sur demi-terrain. De quoi pénaliser les Rockets, peu inspirés sur attaque placée hier soir.
« Il n’y avait pas assez de mouvement », peste James Harden. « La balle ne circulait pas. »
Les Clippers ne forment pas la meilleure défense du championnat mais ils se dépensent. J.J. Redick est constamment en train de pourchasser son vis-à-vis et de batailler pour rester à son contact après les écrans. Chris Paul apporte sa pointe de vice et ses fondamentaux. Matt Barnes met des coups. Griffin et Jordan jouent plus dur qu’il y a quelques années. Les Clippers sont bien meilleurs en défense dans cette configuration. Elle a évidemment montré ses limites contre l’ingéniosité des Spurs mais les Californiens ont su dépasser leurs lacunes pour se qualifier grâce à ses deux superstars.

Deux superstars en quête de titre et de respect

[caption id="attachment_259769" align="alignleft" width="300"] Chris Paul évolue à son meilleur niveau depuis le début des playoffs.[/caption] Blake Griffin et Chris Paul sont perchés sur une autre planète depuis le début des playoffs. Le premier aligne des statistiques dignes de LeBron James lors de son premier passage à Cleveland : 24,7 points à 49%, 13 rebonds et 6,9 passes de moyenne après onze matches. Ce Blake Griffin n’est autre que l’intérieur All-Star dominant et troisième pour le vote du MVP l’an dernier. Quake a manqué une partie de la saison régulière en raison d’une blessure et le voici au meilleur de sa forme au meilleur moment. Sa capacité à créer du jeu décharge de la pression des épaules de Chris Paul et même de Doc Rivers. Les Clippers sont désormais moins dépendants de leur meneur All-Star lorsqu’il s’agit de se créer des opportunités de marquer. Ils sont moins prévisibles et plus efficaces. CP3 est lui en mission pour redorer son blason. Longtemps oublié de la course au MVP malgré son excellente saison, le meneur de Los Angeles concilie statistiques incroyables – 20,7 points à 50%, 44% à trois-points, 4,3 rebonds, 8,2 passes et presque 2 interceptions – et faits de gloire. Il a notamment achevé les Spurs au premier tour. [youtube hd="0"]https://www.youtube.com/watch?v=dd8lv-4UdQA[/youtube] Le supporting cast est limité en nombre mais pas en talents. Austin Rivers est la révélation de ce deuxième tour. Le fiston du coach apporte une menace supplémentaire balle en main en sortie de banc (16 points de moyenne à 55% aux tirs et 55% à trois-points contre Houston). Jamal Crawford est toujours capable de prendre feu à n’importe quel moment. Matt Barnes met des beignes. DeAndre Jordan cumule dunks, rebonds et contres. Le vent a finalement tourné en faveur des Clippers au moment où plus personne ne croyait en eux. Le navire fragile s’est renforcé et l’équipage mené Chris Paul, Blake Griffin et Doc Rivers vogue désormais entre les eaux troubles qui mènent vers le titre NBA. Il leur reste encore neuf matches à gagner…