Phoenix, le groupe où il fait bon vivre

Emmenés par un Goran Dragic au naturel désarmant, les Suns sont la belle surprise de cette saison NBA à l'Ouest. On comprend mieux les raisons de leur réussite lorsque l'on constate l'ambiance détendue et amicale qui règne au sein de l'équipe.

Phoenix, le groupe où il fait bon vivre
Les Suns ne disputeront sans doute pas les playoffs. Trop justes et malheureusement pris dans l'étau d'une Conférence Ouest impitoyable où le niveau très élevé ne permet pas le moindre écart de forme, les joueurs de Jeff Hornacek devraient suivre la post-saison depuis leur canapé. Entre le Barclays Center et le Madison Square Garden, on a vu différents types d'équipes jouer à New York cette saison. Dans le vestiaire, à l'échauffement ou sur le parquet, aucune n'a dégagé une telle alchimie et un aussi grand plaisir d'évoluer ensemble que Phoenix. Il y a celles où on a l'impression d'avoir 12 mecs qui ne se connaissent pas et ne veulent surtout pas se faire des potes de boulot, comme Utah. Celles sur qui la menace d'un licenciement économique général semble peser, comme Milwaukee. Celles où le peu de chaleur humaine dégagée par le franchise player vous fait planer une ambiance d'enterrement, comme Sacramento. Celles où le charisme du leader rend l'atmosphère de travail propice et où le sérieux prime, comme Chicago ou Dallas. Il y a enfin celles où tout le monde a l'impression de faire un job merveilleux et sait que les attentes ont été dépassées. Nous voilà à Phoenix. [superquote pos="g"]Markieff passe son temps à mettre des pichenettes à Marcus lorsqu'il arme un tir.[/superquote]A 1h30 du coup d'envoi du match face aux Nets, lundi dernier, les Suns débarquent presque tous ensemble sur le parquet du Barclays Center. Un fait plutôt rare, puisque généralement les joueurs viennent individuellement et au compte-gouttes pour bosser leur shoot et se dérouiller, fuyant le phénomène de groupe. A Phoenix, les frangins Morris, Channing Frye, Goran Dragic, Gerald Green, Eric Bledsoe, PJ Tucker et le rookie Archie Goodwin font une entrée quasi collective, le sourire aux lèvres. Avec l'aide des coaches, ils répètent successivement leurs gammes avec sérieux. Enfin, pas toujours...

Le coaching humain de Jeff Hornacek

Markieff passe son temps à mettre des pichenettes à Marcus lorsqu'il arme un tir, alors Dragic vient lui aussi contester les shoots de ce dernier en lui envoyant quelques mots doux. Le rookie Goodwin, pas trop aigri par son faible temps de jeu, vanne l'un des assistants sur sa coupe de cheveux, pendant que Gerald Green fait des signes aux ados qui scandent son nom, déjà assis dans les tribunes avec des maillots vintage de Jason Kidd et Steve Nash. Quelques mètres plus loin, Jeff Hornacek jette un rapide coup d'oeil et retourne préparer son tableau. L'ancien All-Star raconte sa façon de gérer ses hommes, à qui il laisse une totale liberté d'expression, même en plein milieu des matches.
"A la mi-temps, les gars se parlent, se gueulent dessus, rient. On suit ça depuis notre pièce en se disant : 'Attendons encore quelques minutes pour les laisser gérer ça comme des grands'. C'est ce que font les bonnes équipes. La plupart du temps, c'est PJ Tucker qui attaque la conversation, ils ont tous peur de lui (rires). Je suis fier de tous ce que ces gars font cette année. Ils ont tous progressé, sans exception, et se sentent bien ensemble".
A l'image de Goran Dragic, les joueurs de l'Arizona ont su rester naturels malgré la hype qui a entouré l'équipe à un moment. Là où certains, stars ou pas, sont complètement muets et dans leur bulle de concentration, le Slovène détonne. Des hugs à un couple de journalistes slovènes, une interview de 10 minutes avec Zach Lowe, la meilleure plume de Grantland (qui, pour l'anecdote, s'est confondu en excuses en réalisant son erreur après lui avoir demandé ce que ça faisait de jouer en équipe nationale avec son frère jumeau...) et enfin quelques photos, signatures d'autographes et fist bumps avec les fans, Dragic est hyperactif et disponible.[superquote pos="d"]Dragic : "Quand j'ai vu Eric Bledsoe débarquer, je me suis dit 'WTF ?' Finalement on joue bien ensemble et on est super potes".[/superquote]
"C'est vrai que je me sens incroyablement bien ici. J'ai progressé en anglais ces dernières années et pour ma deuxième saison en tant que starter, ça se passe super bien. L'ambiance est incroyable. Pour être honnête, quand j'ai vu un autre meneur, Eric Bledsoe, débarquer, je me suis 'What the f***' ? Finalement on joue très bien ensemble et on est super potes. Tout le monde a trouvé sa place grâce au coach. Ce sera dur d'aller en playoffs, il y a des équipes plus aguerries, mais ce qu'on a fait jusque-là est plutôt bien, non ?".
Difficile de donner tort au meneur européen alors que la plupart des spécialistes vouaient les Suns à une saison dans les bas-fonds de la Conférence. La fraîcheur d'un joueur comme Gerald Green, que tout le monde pensait perdu pour le haut niveau après son exil en Chine, apporte également beaucoup. Lorsqu'on voit le dunkeur fou être aussi à l'aise dans un groupe et sur le terrain, on se demande comment il a pu perdre tout ce temps et passer tout près de l'oubli éternel. Du temps, il devrait en avoir avec cette équipe qui a apporté une bouffée d'air frais inattendue à la ligue cette saison. On serait prêt à parier qu'avec la tournure que prennent les choses sur les bords du Grand Canyon, on devrait encore entendre parler des Suns dans les années à venir...