Royce White : l’homme qui ne voulait pas voler

C’est l’histoire d’un mec qui a peur de prendre l’avion. En fait non, c’est l’histoire d’un hyper-anxieux qui est en train de foutre en l’air sa carrière. C’est l’histoire de Royce White.

Royce White : l’homme qui ne voulait pas voler
Avec les récentes sorties dans la presse de DeMar DeRozan et de Kevin Love, l'opinion publique commence à prendre plus au sérieux la détresse psychologique que vivent certains joueurs ou certaines stars NBA. Dans ce contexte, on ne peut que repenser au cas Royce White, à qui nous avions consacré un article dans le numéro 39 de REVERSE, alors qu'il tentait de se faire une place dans la grande ligue. Le voici dans son intégralité. Palpitations. Sueurs froides. Jambes qui flanchent. Tremblements. Souffle coupé. Bouffées de chaleur. « C’est comme si j’étais en train de mourir. » Voilà comment Royce White décrit ce qu’il ressent quand il est frappé par une crise d’angoisse. Rien à voir donc avec la petite boule au ventre au moment d’entrer en classe pour une interro de maths. Non, le rookie des Rockets est vraiment malade. Et ça a de quoi en dérouter plus d’un, surtout quand on regarde l’animal, barbu et tatoué : 2,03 m, 122 kg, et cette façon de faire lever les salles bondées du championnat NCAA comme personne. Un artiste dans son élément. Impossible donc d’imaginer que le gaillard est rongé par l’anxiété, que le moindre imprévu peut générer la pire des crises de panique. Chez lui, ses DVD sont rangés par ordre alphabétique et ses habits sont classés par couleur.

« Ça me rassure », argumente-t-il.

Sur le terrain pourtant, White est un autre homme. Il improvise dans son rôle d’ailier-passeur qui ressemble à celui de Boris Diaw. Du basket jusqu’au bout des ongles, on vous dit. A l’heure de ces lignes cependant, Royce White est au chômage technique (ou presque). La première franchise (et la seule) a lui avoir donné une chance dans le milieu professionnel en le draftant en juin dernier voulait l’envoyer en D-League. Lui zappe les entraînements et les sessions avec un thérapeute que lui ont organisées les Rockets, prétextant que les dirigeants ne font pas le maximum pour gérer les contraintes de sa maladie.
« Je peux prendre l’avion, c’est juste que je ne préfère pas. »
On dit souvent que l’important c’est le voyage, pas la destination. Pour Royce White, c’est tout l’inverse. Angoissé par l’avion, la star d’Iowa State évitait dès qu’elle le pouvait ce mode de transport, s’enquillant des heures de route pour disputer certains matches à l’extérieur, sans conséquence le plus souvent sur son rendement sur le parquet. Une phobie qui n’est pas sans rappeler celle de Dennis Bergkamp, footballeur hollandais flamboyant des années 90 (quand Arsenal faisait encore peur à toute l’Angleterre) et complètement paniqué à l’idée de s’envoyer en l’air. Voiture, train, bateau, le gunner trouvait toujours une parade pour rejoindre un stade. Le problème, c’est qu’on peut réussir sa carrière de footballeur pro en Europe sans prendre l’avion, moins celle de basketteur aux Etats-Unis. Forcément. A la différence de Bergkamp, Royce White n’a pas la phobie des avions. Beaucoup l’ont écrit pourtant, caricaturant sa maladie. Le mal est bien plus profond et c’est sans doute pour cela que la plupart des franchises ont laissé chuter Royce White jusqu’au 16ème rang de la dernière draft et que les Houston Rockets préfèrent aujourd’hui construire leur équipe première sans lui.

« Je ne suis pas super nerveux quand je vais prendre l’avion », raconte-t-il à Grantland.com.

« Quand je rentre dans un avion, je me sens un peu mal à l’aise mais je ne panique pas dans la cabine. Ce qui engendre mon stress, c’est la préparation ! Si j’ai un vol à midi, je vais m’inquiéter de 8h à 12h. Un sentiment de stress m’envahit. Voilà ce que c’est vraiment l’hyper-anxiété. Et ce sentiment peut me surpasser parfois. Je peux tomber malade, me sentir partir. Donc c’est vrai que je n’aime pas l’avion mais je peux prendre l’avion. C’est juste que je préfère éviter. »

Voici donc l’un des nombreux symptômes engendrés par sa maladie, un mélange d’anxiété extrême, de troubles obsessionnels compulsifs et de troubles de stress post-traumatique. Rien que ça. Mais Royce White prend l’avion, sans doute beaucoup plus que la majorité d’entre nous, d’ailleurs.

Les origines du mal

Dans sa famille, il n’est pas un cas isolé. Sa mère et sa grand-mère aussi sont de grandes angoissées. Pour lui, le phénomène s’amplifie à l’âge de 10 ans, alors qu’il joue au basket avec son meilleur ami, LaDream Yarbrough. Ce dernier s’effondre en plein entraînement. Problème cardiaque. Emmené aux urgences, il s’en sortira mais, après cet événement, Royce, lui, ne sera plus jamais le même, portant cette peur continue de lui aussi tomber sur un terrain. Quand son grand-père vient le chercher à l’école ou chez des amis, White verrouille systématiquement toutes les portes du véhicule et ne cesse de poser cette question « Tu sais où on est, hein ? ». Troubles de stress post-traumatique. CQFD. Lors d’un tournoi AAU, son coach est même obligé de lui tenir la main pour calmer une crise de panique. Malgré tout, Royce devient l’un des meilleurs joueurs de lycée au Minnesota et même dans tout le pays. Un prospect au même titre que DeMarcus Cousins ou John Wall. A DeLaSalle High School, il est champion de l’état dès sa première saison et, ce, grâce à un shoot au buzzer en finale. L’angoissé chronique qui brille une fois sur le parquet, avouez que l’histoire est belle. Mais Royce White n’est pas tout blanc. Il fallait bien quelques écarts pour noircir le tableau…