Super Man vs Super Team : Westbrook défie les Warriors

Ce duel entre les Golden State Warriors et le Oklahoma City Thunder, ce n'est pas juste Kevin Durant contre Russell Westbrook. Présentation.

Super Man vs Super Team : Westbrook défie les Warriors
Les Golden State Warriors contre l'Oklahoma City Thunder. Ils disent que c’est le premier vrai choc de la saison. « Ils », ce sont les responsables marketing de la NBA, ceux qui veulent vendre des League Pass annuels, mensuels ou ponctuels, des maillots, des T-shirts, des produits dérivés. Ceux qui veulent un taux d’audience record pour une rencontre disputée le 3 novembre, une semaine à peine après le coup d’envoi du nouvel exercice. « Ils », ce sont aussi les journalistes (coucou, c’est nous) qui veulent vendre des papiers, des belles histoires, des duels épiques. Alors, pour donner à cette affiche un ton si particulier, pour lui ajouter une saveur autre que celle d’une simple revanche de la dernière finale de l’Ouest, pour surfer sur l’actualité estivale la plus marquante et sur le bouleversement du paysage NBA qu’elle a provoqué, « ils » surfent sur la rivalité naissante, fausse rivalité sur le fond mais tellement difficile à esquiver sur la forme, entre Kevin Durant et Russell Westbrook. Les deux nouveaux frères ennemis de l’un des championnats les plus médiatisés au monde. Cette narration est compréhensible, à défaut d’être entièrement légitime. Les analystes et reporters ont épluché les rapports entre Westbrook et Durant, leur supposée mésentente, leurs différences, leurs disputes, leur besoin de posséder chacun leur propre équipe, leur amitié, tout au long de leurs huit années communes à Oklahoma City. Maintenant, celui qui a enfilé l’uniforme d’une autre équipe est devenu l’adversaire. Mais il y a des aspects plus importants, et peut-être aussi plus intéressants, derrière ces premières retrouvailles entre KD, Russ, les Warriors et le Thunder.

Iron Man contre les Avengers

Plus qu’un duel fratricide, comment ne pas y voir l’opposition plus concrète entre quatre All-Stars et une superstar ? La « Super Team » contre « Super Man ». Autrefois présenté comme le vilain petit canard, à tel point que le mouvement « Let Westbrook be Westbrook » a été popularisé sur la toile, le meneur du Thunder a maintenant carte blanche pour s’approprier chaque possession sans que ça ne choque personne et il est le chef de file de la résistance contre les Warriors pour tous ceux que les équipes où coagulent les stars débectent. Ses mains sont complètement libres maintenant que Durant est parti en Californie, même si elles l’ont sans doute toujours été, au moins dans son esprit. Westbrook est lancé dans une périlleuse entreprise de démolition de la ligue en solitaire et ses statistiques sont tellement absurdes qu’il est difficile de savoir si son numéro a des vertus positives ou non pour le reste de son équipe. Il veut tout faire. Alors il fait tout. Il peut tout faire, alors il fait tout. Quatre matches après le coup d’envoi de la saison et il compte déjà deux triple-doubles dont un réalisé avec des chiffres plus vus depuis plus de quarante ans : 51 points, 13 rebonds et 10 passes. A peine moins de la moitié (43%) des possessions du Thunder se sont conclues par un tir, une faute provoquée ou une balle perdue de son meneur, ce qui fait officiellement de Westbrook le plus gros bouffeur de ballons de la ligue. Dans le même temps, deux tiers des passes décisives de l’équipe ont pour origine le All-Star. Deux statistiques, plusieurs angles d’analyse. [superquote pos="d"]Westbrook est officiellement le plus gros croqueur NBA [/superquote]Les Warriors sont à l’opposé du « Westbrook Basketball » et c’est peut-être ce qui enchante Durant, qui n’a pas manqué de souligner « l’altruisme » de ses nouveaux coéquipiers. A Golden State, la balle, elle tourne. Elle passe d’une star à une autre. Alors que Russ est un super héros isolé sur son île, déterminé à faire tomber un empire à lui tout seul, les Warriors ont la puissance de frappe la plus redoutable de la ligue avec quatre joueurs nommés dans une All-NBA Team l’an passé, accessoirement quatre All-Stars dont les deux derniers MVP. Les joueurs de Steve Kerr ont des talents individuels à la pelle mais ils évitent de conserver la gonfle trop longtemps. Stephen Curry et Kevin Durant ont carte blanche pour dribbler et shooter dans tous les sens. Mais leurs exploits individuels se font souvent dans le flot du match et de l’attaque en mouvement. Klay Thompson court d’un bout à l’autre du parquet en prenant des écrans avant de tirer derrière l’arc (et de rater, 10% de réussite à trois-points avant la rencontre de ce soir, 10% !). Draymond Green crée du jeu sur les situations de quatre contre trois après le pick-and-roll. Quatre joueurs, et plein de possibilités. Deux équipes et deux styles compléments différents. Voilà ce qui peut ressortir du duel de ce soir.

Les années 90's contre le basket moderne

Paradoxalement, les Warriors, comme le Thunder, aiment jouer vite. Ce sont les deux formations au rythme le plus soutenu de toute la NBA au cours de cette première semaine. Pour des résultats bien différents, encore une fois. Curry et ses gus profitent de leur vivacité pour marquer un paquet de points alors qu’Oklahoma City se repose sur sa défense (88,8 points encaissés sur 100 possessions, meilleure équipe NBA dans cette catégorie) pour gagner des matches. [superquote pos="d"]Le Thunder, une équipe sortie des 90's[/superquote]Ce choc entre les Warriors et le Thunder, c’est comme si une équipe des années 90 traversait le temps pour y disputer un match au sommet face à l’armada la plus prometteuse de l’ère moderne. Tous ceux qui cherchent sans cesse à comparer les époques, se demandent si les Warriors ou Pistons de telle ou telle année battraient les Warriors actuels et bien d’autres duels hypothétiques encore. Tous ceux qui se posent ces questions devraient regarder le match de ce soir. De même que ceux qui prétendent regretter le basket des 90’s. Oklahoma City ne pratiquait déjà pas un « beau basket » – au milieu sur une échelle de graduation allant des Sixers 2013-2016 aux Spurs 2014 – avec Durant et leur attaque est encore plus prévisible désormais. Elle tourne autour de sa seule superstar et de ses incessantes isolations en tête de raquette. « Hero Ball » à outrance. All. Game. Long. C’est souvent laid mais quand ça marche, c’est archi spectaculaire. Et ça permet à Russell Westbrook de dépoussiérer des records. Parce que le Thunder est une équipe à l’ancienne dans cette ligue version « pace-and-space ». Elle joue extrêmement physique, avec deux intérieurs de métier dans son cinq de départ. Elle fait partie des équipes qui shootent le moins derrière l’arc (mais aussi de celles qui affichent le plus mauvais pourcentage de loin) et aucun de ses titulaires n’est un pur sniper. Elle a des joueurs de devoir aux tâches bien définies et s’appuie sur le talent d’un bijou drafté puis développé par la franchise. Les Warriors sont différents. Ils ne se sont pas construits autour de la Free Agency – Thomson, Curry et Green ont tous été draftés par la franchise – mais Kevin Durant a redéfini les codes déjà chamboulés par LeBron James, Dwyane Wade et Chris Bosh en signant chez les champions 2015 et finalistes 2016 après avoir été éliminés par ces mêmes adversaires devenus équipiers. Surtout, il a rejoint une armada déjà terrifiante dans l’espoir de gagner une (enfin, plusieurs) bagues. So 2016. Pas du tout 90’s en tout cas. Kerr et son staff ont aussi normalisé pour de bon le « small ball », la disparition progressive des positions et ont prouvé qu’une équipe dont les deux stars sont principalement des shooteurs pouvait accéder au Graal. Ce n’est certainement pas un hasard si Westbrook est souvent adulé par les légendes passées comme Michael Jordan ou Kobe Bryant (plus récent mais tout de même). Pour ces anciens, il est un dur à cuire. L’un des leurs. Ils arrivent à s’identifier au meneur du Thunder. Ils le comprennent, bien que son style de jeu ne corresponde en rien à celui des point guards des années 90. Ils le valident. Enfin, pour la plupart. Curry et Durant ? Combien de fois ont-ils été critiqués par des vieux grincheux ? Surtout Curry, d’ailleurs. Parce que c’est une autre époque. Le double MVP représente, à l’inverse, tout ce qu’il ne comprenne pas. Le tir extérieur à outrance. Le peu de défi physique, même s’il est bien plus athlétique qu’il n’y parait. Vous remarquerez que, dans tout ça, ça parle très peu de basket avant ce Thunder-Warriors. Les deux équipes sont pourtant déjà installées parmi les meilleures de la Conférence Ouest. Oklahoma City est l’une des seules, avec Cleveland, à ne pas avoir encore perdu. Les Warriors ont pris une baffe en ouverture et ils cherchent le quatre à la suite. Au-delà de tous les à-côtés, ce match sert déjà de mini-révélateur sur ces deux groupes. Comment les Warriors peuvent-ils venir à bout d’un défi physique bien plus costaud que celui imposé par les New Orleans Pelicans ou les Phoenix Suns, deux équipes qu’ils ont battu en s’arrachant ? Draymond Green peut-il faire oublier Andrew Bogut en tenant une brute épaisse comme Steven Adams ? Le Thunder, vainqueur de ses quatre premiers matches dont trois contre des équipes a priori non-playoffables, peut-il poursuivre sur sa lancée ? Les exploits de Westbrook sont-ils salutaires ? Sont-ils pénalisants ? Autant de questions qui resteront sans réponse… pour l’instant. Ce sont tous les enjeux de la saison pour Golden State comme pour Oklahoma City. Les éléments de réponse à ces problématiques seront apportés tout au long de l’année, et peut-être que certains d’entre eux seront mis en lumière ce soir. En attendant, laissons-nous bercer gentiment par la vibe entourant le duel entre Kevin Durant et Russell Westbrook.