Comment les Spurs ont éteint Serge Ibaka et le Thunder

Cauchemar des San Antonio Spurs depuis deux matches, Serge Ibaka a été piégé par les ajustements de Gregg Popovich cette nuit. Décryptage.

Antoine PimmelPar Antoine Pimmel | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Focus
Comment les Spurs ont éteint Serge Ibaka et le Thunder
La réaction des San Antonio Spurs était attendue après les deux défaites infligées par le Thunder dans l’Oklahoma. On savait que Gregg Popovich et ses assistants préparaient quelque chose. Tout le monde savait. Le Coach Of The Year, l’un des meilleurs de tous les temps, ne pouvait rester sans réagir. Serge Ibaka, revenu d’une blessure musculaire au mollet lors du troisième match, a fait vivre un calvaire aux Spurs depuis deux rencontres. « Pop » se devait de faire des ajustements payants. Pourquoi ? Parce qu’il est Gregg Popovich, tout simplement. La vraie question était de savoir comment. Comment les Texans vont-ils piéger Serge Ibaka ? Comment empêcher l’intérieur du Thunder de contrôler la raquette ? Les joueurs d’Oklahoma City n’étaient pas dupes. Ils s’attendaient à retrouver Boris Diaw dans le cinq de départ (à la place de Tiago Splitter). Effectivement, « Babac » a été une nouvelle fois très bon hier soir. Mais ce n’est pas le capitaine de France qui a débuté la partie, c’est Matt Bonner. Oui, Matt Bonner. Un vétéran canadien unidimensionnel. Comment un joueur qui tourne à 0,9 pt depuis le début des playoffs pouvait-il perturber le « meilleur défenseur de la NBA », pour reprendre les termes de Popovich ?
« Cinq minutes avant le début du match, Kevin (Durant) est venu me voir pour me dire que j’allais défendre sur Matt Bonner. J’ai été très surpris… ils ont un grand coach et ses ajustements ont payés », raconte Serge Ibaka.
La présence de Matt Bonner ne s’est pas fait immédiatement ressentir sur le terrain. Après cinq minutes de jeu, le Thunder était déjà en tête (11-10). Mais psychologiquement, Serge Ibaka n’y était déjà plus. Bonner n’est pas un cadre à San Antonio mais les défenses adverses sont contraintes de respecter son adresse extérieure et ne peuvent se permettre de le laisser sans surveillance derrière la ligne à trois-points. Serge Ibaka a donc passé une majeure partie de la rencontre entre l’arc et la tête de raquette. [caption id="attachment_158905" align="alignnone" width="640"] Serge Ibaka pouvait difficilement se rapprocher plus du cercle sans s'exposer au tir extérieur de Matt Bonner.[/caption] Aussi athlétique et mobile soit-il, Serge Ibaka ne peut courir constamment de la ligne à trois-points à la raquette et vice-versa afin de défendre les pénétrations à l’intérieur tout en couvrant les shooteurs extérieurs. « Ibloka » a pris le contrôle de la peinture depuis son retour des blessures en ont payé le prix en étant limité offensivement. L’Espagnol est capable de recouvrir rapidement sur les pick&roll et de bloquer n’importe quel tir en deuxième rideau. Sa présence dissuade l’adversaire d’aller au cercle et les Spurs ont converti moins de la moitié de leur tir à moins de deux mètres du cercle lors du dernier match. Ibaka trouve son rythme en défendant la raquette. Ses blocks spectaculaires en deuxième rideau font monter l’adrénaline du joueur mais aussi de ses coéquipiers et finissent par étouffer l’adversaire. Le Thunder n’est jamais aussi fort en attaque que lorsque ses joueurs défendent dur. Serge Ibaka n’a donc pas pu trouver son rythme en début de match, à l’inverse des joueurs texans. La présence de Matt Bonner – puis celle de Boris Diaw – apporte de la fluidité au jeu offensif des Spurs. Tout le monde touche la balle, la gonfle circule rapidement, chaque joueur finit par trouver un tir ouvert et chaque joueur se met en jambe. Cette différence de rythme en début de match peut parfois suffire à expliquer un blowout.
« Ils nous ont obligé à nous bouger en défense. Ils ont bien fait tourner la balle et ça nous a rendus nerveux. On a perdu le contrôle de la raquette, surtout moi. Je n’ai pas su protéger mes coéquipiers dans la peinture », explique Serge Ibaka.   « On a eu du mal à finir près du cercle lors des rencontres à Oklahoma City. Donc on a envoyé Boris (Diaw) et Matt (Bonner) derrière la ligne à trois-points. Les deux paniers à trois-points de Boris ont fait réfléchir la défense adverse », témoigne Manu Ginobili.
Les Spurs ont converti 13 de leurs 26 tentatives derrière l’arc. Avec une circulation de balle accrue, ils ont poussé le Thunder à la faute et la moindre rotation manquée a offert un tir ouvert à l’un des nombreux tireurs d’élite qui compose l’effectif de San Antonio. Une fois que les défenseurs d’Oklahoma City se sont ajustés et ont surveillé de plus près les shooteurs, les hommes de Gregg Popovich ont attaqué le cercle et ont déroulé sur le pick&roll, comme ils ont l’habitude de le faire. Un peu en dedans lors des deux matches précédents, Tim Duncan a inscrit 22 points et capté 12 prises. Les Spurs ont justement gagné cette bataille du rebond (48 à 35) en sortant Serge Ibaka de la raquette et en captant plusieurs rebonds offensifs.
« Ils ont eu tout ce qu’ils voulaient. Ils ont marqué après le dribble, derrière la ligne à trois-points et sur la ligne des lancers-francs », raconte Scott Brooks.
Le cauchemar du Thunder ne se limite pas à la défense. La présence de Matt Bonner a également eu un impact sur les performances offensives de Serge Ibaka. Le jeune intérieur a donc été déstabilisé par le vétéran. Il a vite compris qu’il ne pourrait pas faire la différence dans la raquette (en défense), même s’il a joué avec énergie. Emotif, Ibaka a peut-être eu peur de ne pas peser sur la rencontre. Peur de ne pas porter secours à ses coéquipiers. Il est toujours présenté comme un camarade modèle et il a toujours voulu aider son équipe. En réalité, ne pas d’impact semble inconcevable pour Ibaka, qui a tout fait pour revenir plus tôt de sa blessure au mollet. Alors l’intérieur a voulu compenser rapidement – trop rapidement – son manque de présence défensive en agressant Matt Bonner de l’autre côté du terrain. L’idée était plutôt mais bonne l’exécution était trop précipitée. [caption id="attachment_158907" align="alignnone" width="640"] Hook main gauche ? Vraiment ?[/caption] Serge Ibaka est la troisième option offensive du Thunder et il progresse en attaque saison après saison. Mais son jeu dos au panier n’est pas encore assez développé et il a peut-être voulu faire la différence trop vite face à un joueur nettement moins athlétique que lui. Ibaka a forcé deux de ses quatre premiers tirs, tous manqués. L’ajustement de Gregg Popovich était un coup de maître mais il n’explique pas tout, comme le rappelle Manu Ginobili.
« Parfois, ce n’est pas une question de système mais il s’agit plutôt de savoir si vous jouez dur, si vous jouez intelligemment. »   « Gregg Popovich est l’un des meilleurs coaches de la NBA. On savait qu’il allait faire la différence après les deux matches perdus. Maintenant c’est à notre tour de réagir et de nous adapter », ajoute Serge Ibaka.
Pour le Thunder, il y a désormais urgence. Mais on a appris lors de cette série que la vérité d’un match n’est jamais celle de l’affrontement suivant. Et ça, Gregg Popovich et les Spurs le savent mieux que quiconque.
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