Rasheed Wallace, l’éternel incompris fête ses 49 ans

Il y a des joueurs qui, même sans un palmarès aussi clinquant que celui des plus grands, marquent toute une génération. Rasheed Wallace, 49 ans aujourd'hui, fait clairement partie de ceux-là.

Rasheed Wallace, l’éternel incompris fête ses 49 ans

They Reminisce Over You

Il n’aurait pas pu mieux tomber. Les Pistons et lui sont faits pour s’entendre.

« Il y avait des points communs entre notre équipe de Portland et celle-là », expliquait-il récemment à Kevin Garnett.

« Là aussi, c’était un groupe composé de joueurs dont personne d’autre ne voulait. On venait tous d’horizons différents, mais ça a tout de suite fonctionné. On s’est trouvé instantanément et on a commencé à traîner ensemble, en dehors du terrain. Peu importe où on était, on bougeait toujours à dix ou douze et c’est comme ça que l’alchimie s’est faite. »

Offensivement, l’équipe joue un basket hyper structuré, sans star, auquel la polyvalence du nouveau venu est un ajout parfait. Mais c’est défensivement que le groupe devient monstrueux. Sans lui, les Pistons avaient une défense solide. Avec lui, elle devient suffocante.

Sur les vingt-cinq derniers matchs de la saison 2003-2004, Motown encaisse moins de 80 points en moyenne avec Rasheed Wallace comme complément parfait de Ben Wallace. Une seule équipe parvient à marquer plus de 89 points (les Clippers, 99), mais dans un match où Sheed est absent. Cinq équipes de suite (dont les Blazers) sont tenues sous les 70. Wallace pense d’ailleurs qu’avec l’évolution du basket moderne, cette performance ne sera jamais égalée.

« Vu comment on jouait à Detroit, on cadenassait les mecs. »

En playoffs, les Nets ne marquent que 56 points au premier match du deuxième tour avant de sauver un peu l’honneur en devenant la seule team à réussir à dépasser les 100 points contre Detroit… mais il leur faut trois prolongations pour y parvenir.

En finale, les Lakers de Kobe Bryant et Shaquille O’Neal, rapidement privés de Karl Malone, n’ont pas plus de succès et se cassent les dents, comme le reste de la ligue avant eux, sur l’infranchissable muraille Wallace. Quelques semaines à peine après avoir été excommunié des Jail Blazers, Rasheed est champion NBA.

Sa revanche est douce, mais sa réputation est faite. Celui qui n’a jamais voulu être un franchise-player est enfin tombé dans une équipe qui n’en a pas et n’attend pas de lui qu’il en soit un. Juste au cas où, si jamais il fallait réveiller le MVP potentiel qui sommeillait en lui, ses coéquipiers avaient mis au point des techniques pour lui mettre un coup de boost.

« Je demandais aux arbitres de lui mettre une faute technique », explique ainsi Chauncey Billups.

« Car sans avoir pris une technique, il était l'un des joueurs les moins concentrés avec qui j'ai joué. Mais après en avoir pris une, peu importe qui coachait, je disais ‘‘Le ballon est pour Sheed, plus besoin des systèmes’’. »

Rip Hamilton, lui, procédait autrement :

« Quand on jouait les Lakers, ils mettaient souvent Mark Madsen en défense sur lui. Du coup, j’allais le voir et je lui disais ‘‘Tu vas les laisser te manquer de respect comme ça ?!’’.

Ça faisait tilt dans sa tête et ça le poussait à dire ‘‘Y’a pas moyen Rip. Je vais leur montrer qu’ils ont intérêt à changer ça rapidement !’’. Et pendant tout le reste du match, il cavalait en gueulant sur Phil Jackson, genre ‘‘Comment vous pouvez me manquer de respect au point de mettre ce gars sur moi ?’’. »

Mais les nombreux observateurs et analystes qui lui ont toujours reproché de ne pas être ce qu’il n’était pas n’ont jamais voulu voir le joueur fascinant qu’il pouvait être. Et ont donc continué à le juger sur les critères arbitraires du passé. Rasheed Wallace a donc été vu comme une déception assez chanceuse pour se retrouver au bon endroit au bon moment, au lieu d’être considéré comme un extraordinaire joueur collectif capable de répondre présent en attaque quand son équipe a besoin de lui et de se sacrifier constamment en défense.

Dean Smith, le légendaire gourou de North Carolina, lui qui avait été l’un des premiers à croire en lui, pensait d’ailleurs fondamentalement que Sheed était avant tout un incompris.

« C’était l’un des joueurs les plus gentils et les plus faciles à coacher que j’ai eus », avait-il ainsi expliqué à ESPN.

« Ses coéquipiers l’adorent, il est généreux au possible. »

Oh, il y aura bien deux sélections au All-Star Game avec Detroit (autant qu’avec Portland), une finale perdue de justesse contre San Antonio en 2005 puis trois finales de conférence consécutives, mais jamais Rasheed Wallace n’aura la reconnaissance qu’il mérite. Trois de ses coéquipiers (Ben Wallace, Chauncey Billups et Tayshaun Prince) auront droit aux honneurs d’une sélection dans l’une des deux All-Defensive Teams, mais lui se fera snober année après année après année.

C’est malheureusement ce qui arrive quand on colmate les brèches : les gens qui n’y connaissent rien ont seulement l’impression qu’on est un bouche-trou et ne réalisent pas qu’on tient en réalité tout l’édifice debout.

Rashhed Wallace : Ball don't lie

Ce portrait de Rasheed Wallace a été publié pour la première fois dans le numéro #66 de REVERSE.