SDF, McDo et réseau de coke, la vie déglinguée de Derek Anderson

Derrière son jeu plein de finesse et son talent racé, Derek Anderson dissimulait les cicatrices laissées par des blessures plus profondes que celles qu’on peut connaître sur un terrain.

SDF, McDo et réseau de coke, la vie déglinguée de Derek Anderson

Ah, les « Jail Blazers ». Cette époque si triste et pourtant tellement comique et culte de l’Histoire de la franchise de Portland. Un groupe de joueurs talentueux mais au fort caractère, parfois un peu voire carrément déjantés. De sacrés numéros. Derek Anderson n’était pas le plus bruyant ou le plus difficile à gérer dans le lot. Mais lui aussi avait son lot de frasques. Et en 2005, l’arrière avait frappé fort un soir de match.

C’est un peu avant le coup d’envoi que l’un des assistants coaches réalisent qu’Anderson n’est pas présent dans la salle. Il n’était pas censé jouer à cause d’un « mal de dent ». Mais il ne s’est pas pointé du tout au Rose Garden. C’est au milieu du premier quart temps que le staff apprend finalement que Derek Anderson a été aperçu… au drive de McDonald’s.

Déjà le choix de manger McDo en pleine saison n’est certainement pas optimal pour un joueur pro. Mais bon. Ça le regarde. Choisir un soir de match pour y aller quand il est attendu, le tout après avoir prétexté être souffrant… c’est nettement moins malin. Au final, les Blazers ont fini par le virer à l’issue de la saison.

"Je voulais me barrer. Le Président Steve Patterson est venu me voir pour me dire 'rentre chez toi on trouvera un truc'. Puis ils ont inventé cette histoire de mal de dent. Rasheed [Wallace] voulait partir. Damon [Stoudemire] aussi. Tout le monde voulait partir mais ils ont fait de moi le bouc-émissaire. C'est ce qui arrive aux gens biens dans les mauvaises situations", racontait Derek dans une interview.

C’est dix ans plus tard qu’il s’est exprimé sur le sujet en assurant que le « mal de dent » était en réalité une invention du GM qui ne voulait plus de lui. Derek Anderson s’est depuis retrouvé dans une histoire beaucoup plus sombre. En 2011, un baron de la drogue arrêté par la police a cité l’ancien gunner des Clippers et des Spurs. Selon le parrain, Anderson était l’homme qui finançait le réseau majeur de cocaïne. Cependant, les enquêteurs n’ont pas vraiment cru le gangster qui cherchait surtout à réduire sa peine.

Ces deux anecdotes assez folles nous ont donné envie de vous en raconter un peu plus sur Derek Anderson, histoire de comprendre vraiment qui est ce joueur et cet homme à la vie plus que sinueuse...

Derek anderson Tim duncan

Un héros très discret

Certains ont un don pour le basket. Que l’on implore Dieu ou la génétique, nous ne sommes pas tous égaux devant la balle orange. Derek Anderson figurait parmi ceux que la nature a gâtés. Athlétique, délié, rapide, félin, il donnait l’impression d’être né pour ce sport. Un talent naturel. Facile. Pourtant, le natif du Kentucky a dû passer deux ans à Ohio State avant d’obtenir une bourse de UK et devenir finalement champion NCAA en 1996. A cette époque, l’université (ou « l’agence » comme on l’appelle dans le milieu) était déjà une machine à faire drafter des pros.

Dix ans plus tard, c’est le titre NBA qu’il décroche avec un autre Wildcat de la grande époque, Antoine Walker. Durant ces 10 saisons, DA a gagné environ 60 millions de dollars. Les blessures à répétitions qui l’ont empêché d’atteindre son plein potentiel ont pourtant laissé un goût amer à sa carrière. Déjà parce qu’il n’a été drafté « qu’en » 13ème position en 97 après s’être pété les croisés à la fac au bout de 18 matches (17,7 pts et 40% à 3-pts quand même). Derrière, il déçoit à ses débuts pros, se blesse à nouveau et passe le plus clair de ses premières années dans des équipes à la con (Cavs ET Clippers, dur, dur).

Sa plus belle saison, comme par hasard, il la passe aux Spurs, en 2000-01, la seule durant laquelle il aura disputé 82 matches : 15,5 pts (40% à trois-points, 85% aux lancers-francs), 4,4 rbds, 3,7 pds, 1,5 steal dans une équipe qui carbure… avant de se faire sauvagement découper par Juwan Howard en playoffs. A 26 ans, Anderson aurait dû rester avec Pop et Duncan et tenter d’accumuler les bagues. Mais, free-agent et un peu désenchanté par le sport professionnel, il voulait un gros chèque.

Ses ennuis de santé, notamment au dos, ont été si sévères que les Jail Blazers, qui lui avaient offert le pactole, décident en août 2005 de « l’amnistier » bien avant que cela ne devienne la mode. Il réussira malgré tout à gagner un titre avec Miami, mais il termine sa carrière dans un rôle très limité et indigne de son talent.

Derek anderson antoine walker

The Wire, version hardcore

Vous vous demandez peut-être pourquoi on s'intéresse encore à lui aujourd'hui ?  Premièrement, il faut aller sur YouTube pour se rendre compte de l’élégance du joueur, ces lignes ne peuvent lui rendre justice. Mais surtout, le fait même que Derek Anderson ait eu une carrière NBA tient tout bonnement du miracle. La NBA est pleine de mecs qui ont connu la pauvreté du ghetto, mais sa bio est tellement singulière qu’il en a fait un livre.

Sa sœur a été tuée par le meilleur ami de son père, alors que sa fille de 2 ans était dans la maison. Un père disparu alors qu’il avait tout juste dix ans, une mère junkie aux abonnés absents, Derek se retrouve à la rue à l’âge de 11 piges. Il passe trois jours dans un appart abandonné sans électricité, sans eau et sans nourriture. A 12 ans, il vit dans un foyer pour SDF. Squattant à droite à gauche (dormant dans la salle de gym de son lycée), à 14 ans il devient père et à 15 il obtient la garde de sons fils qu’il élève seul en cumulant deux jobs, le lycée et le basket.

Sans son coach ou son oncle, sa vie aurait tourné à un épisode de « The Wire », Kentucky style. DA n’aurait pas dû aller à la fac et encore moins en NBA. Et il en est bien conscient :

« Je n’ai jamais pensé aller en NBA. Il n’y a que 2% de chances de rentrer dans le show business, moi je me concentrais sur les 98% que je pouvais atteindre avec ou sans le basket. Je voulais juste un boulot et être un bon père. Et je savais que j’y arriverais dans la vie parce que j’avais des buts réalistes. »

Le voici aujourd’hui propriétaire de plusieurs entreprises, dont une boîte de prod, deux hôtels et une eau minérale (aux couleurs de UK évidemment, son autre famille), tandis qu’il travaille à une adaptation pour le grand écran de son parcours, pour le moins atypique. Pendant ce temps, Antoine Walker a dilapidé la centaine de millions qu’il a gagnés. Les stats et la carrière de Derek Anderson sont semblables à beaucoup d’autres, mais le bonhomme, lui, ne ressemble à personne.

Derek Lamont Anderson

  • Arrière / 1,96 m
  • Equipes : Ohio State, Kentucky, Cleveland Cavaliers, Los Angeles Clippers, San Antonio Spurs, Portland Trail Blazers, Houston Rockets, Miami Heat, Charlotte Bobcats
  • Palmarès : Champion NCAA 1996, All-Rookie Second Team en 1998, Champion NBA en 2006
  • Stats NBA : 12 pts à 40,8%, 3,2 rbds et 3,4 pds en 29 min