« 24 secondes », quand le basket se met au « Made in France »

Entretien avec Louis-Florent Beng, ancien joueur de Nationale 1 et créateur de la jeune marque française.

« 24 secondes », quand le basket se met au « Made in France »
Ce lundi 11 mai, 24 secondes, « la première marque de chaussures et d’équipement de basket made in France » a officiellement lancé ses premiers modèles via sa campagne de financement participatif sur le site Ulule. L’objectif du petit poucet : concurrencer à terme les gros bonnets du marché que sont Nike et adidas. « Louis-Florent pouvez-vous nous dire quand et comment est né le projet ? [caption id="attachment_266897" align="alignright" width="318"] Louis-Florent Beng, créateur de 24 secondes.[/caption] Tout est parti de rien ou presque. Il y a un an, j’ai eu une discussion avec un ami, entraîneur d’une équipe de jeunes et très branché « made in France ». Je me souviens qu’il venait d’acheter une paire de Kobe à 150 euros, pour le coup « made in China », donc pour le taquiner, je lui ai demandé s’il était prêt à acheter une paire de basket « made in France » même si elle coûtait 15 euros de plus. Il m’a répondu oui sans hésiter. C’a été comme un déclic donc j’ai par la suite commencé à étudier ce qui existait dans le marché. J’ai tout de suite su que je voulais revenir à quelque chose de simple et d’épuré car aujourd’hui, je trouve que les chaussures sont trop fantasques. Avec mon collègue, on a cherché des partenaires techniques pour pouvoir fabriquer deux modèles, une haute et une basse ainsi qu’une ligne de textile. Avez-vous eu des difficultés à trouver vos partenaires ? Pas tant que ça finalement même si c'est vrai que le marché de la chaussure et du textile en France a connu des difficultés ces 20 dernières années avec les délocalisations. Lorsque l’on a démarché les usines en leur disant qu’on souhaitait fabriquer des chaussures de basket dans l’espoir de concurrencer des géants comme Nike et adidas, certains ont dû se dire que l’on était complètement barrés. Mais au final, on a fini par trouver un partenaire sensible au projet pour développer nos premiers modèles et ça se passe très bien pour l’instant. Justement, Nike et adidas se partagent quasiment l’intégralité du marché même si Under Armour et des marques comme Peak tentent d’inverser la tendance. Peut-on connaître votre angle d’attaque pour exister dans ce marché ? [superquote pos="d"]"On regarde évidemment ce qui se fait ailleurs mais on n’a pas la volonté de les copier. "[/superquote]Quand on a commencé à réfléchir à nos premiers modèles, l’argument phare était de dessiner des chaussures que, moi, joueur, j’aurais aimé porter. Pour ma part, je n’aime pas quand les chaussures sont trop bariolés, trop fantasques comme je l’évoquais tout à l’heure. Je ne veux pas jouer au "vieux con" mais je souhaite revenir à des modèles plus classiques comme des chaussures toutes blanches, qui n’existent quasiment plus aujourd’hui. Je suis également conscient que la tranche des 25-35 ans est sensible au côté start-up, fabrication locale, etc. Donc on répond complètement à cette demande au niveau du design, de la qualité mais aussi l’identité et de l’état d’esprit. Mais pour avoir sondé les jeunes du club de Quimper, qui sont habituellement fervents des modèles signatures de leur joueur préféré, j’ai pu constater que nos produits pouvaient intéresser grâce à leur style. Pourquoi vous lancer à tout prix sur du « made in France » sachant que cela comporte des risques notamment financiers ? Au-delà de la partie business, on a surtout envie de raconter une belle histoire. C’est un projet qui nous tient particulièrement à cœur car on est avant tout des passionnés de basket. C’était important que l’on dessine nous-même les modèles, qu’on les fasse fabriquer localement et de stimuler aussi l’emploi en France. Au final, je pense même que le risque financier reste mesuré car même si on ne va pas faire des marges comme Nike, on devrait pouvoir amortir nos investissements. Notre fierté, c’est de concocter des produits locaux de qualité moins chers que la concurrence puisque que la basse sera commercialisée à 115 euros et la haute à 130 euros. Ça reste une somme élevée mais qui est raisonnable par rapport au marché. Et où vous situez-vous par rapport à une marque comme Kipsta, qui n’est pas forcément exclusivement « made in France » mais qui proposent de la qualité à un petit prix ? [superquote pos="d"]"On souhaite développer une marque qui fait des beaux produits avec une vraie spécificité basket."[/superquote]Sans vouloir manquer de respect à Kipsta, on essaye de concevoir des produits beaucoup plus évolués en termes de qualité et de style. Que ce soit dans le choix des matériaux, du design et même dans la durabilité de nos produits, on souhaite proposer plus voire mieux que Kipsta. Je pense également qu’on ne s’adresse pas forcément au même public puisque Kipsta est davantage destiné aux jeunes joueurs de basket dont la croissance évolue au cours de la saison et qui sont amenés à changer de paires régulièrement dans l’année. Notre cœur de cible est différent puisque l’on s’adresse plutôt à des adultes majoritairement trentenaires. Globalement, on se veut plus haut de gamme que Kispta. Est-ce que votre principal argument marketing c’est le « Made in France » ou doit-on s’attendre à des évolutions techniques ? Vous pouvez clairement vous attendre à des évolutions techniques sur les prochains modèles. On a déjà prévu des nouveaux modèles avec des matières très techniques, très évolués comme du thermocollage, du mesh, etc. Ça fait à peine un an qu’on travaille sur nos produits donc on n’a jamais eu pas la prétention d’arriver au niveau de technicité des modèles de chez Nike ou adidas dès notre lancement. Pour l’instant, on souhaite développer une marque qui fait des beaux produits avec une vraie spécificité basket contrairement à Under Armour par exemple qui se positionne sur plusieurs sports.

Sur vote site vous parlez notamment de la durabilité de vos produits ? Les premiers modèles sont en phase de test mais on fait vraiment le maximum pour faire des produits de qualité et donc durables. Je peux vous dire qu’on travaille dans le bon sens. Quelles sont vos sources d’inspirations d’un point de vue technique et visuel ? On regarde évidemment ce qui se fait ailleurs mais on n’a pas la volonté de les copier. Ce que nous avons fait, c’est que l’on a mobilisé toute l’équipe de Quimper, qui évolue en NM1, pour connaître les préférences et les habitudes des joueurs. On a réuni tous les profils, du petit meneur à l’intérieur américain. Tous sont venus avec leurs chaussures habituelles pour nous dire ce qu’ils aimaient porter et pourquoi. Ça nous a permis de prendre des notes très pertinentes pour effectuer notre cahier des charges. Par contre, il y a eu par la suite un gros travail de création de notre côté car on ne voulait pas que nos produits ressemblent à des pâles copies de chaussures existantes. [caption id="attachment_266909" align="alignnone" width="636"] Les joueurs de l'UJAP Quimper en plein briefing.[/caption] Vous avez lancé deux modèles, l’Eurostep High et l’Eurostep Low. Que pouvez-vous nous dire sur ces deux produits ? Au niveau de maintien, de la tige, du style ça reste du classique puisqu’on retrouve du mesh et du TPU pour une meilleure durabilité. Au niveau de la semelle, on a utilisé un bi-composant souple pour améliorer l’amorti et des matériaux spéciaux pour la semelle d’usure pour garantir une bonne adhérence. Je peux vous dire que l’amorti est très satisfaisant et c’est même ce dont on est le plus fier techniquement. Concrètement, on n’a rien inventé du côté de l’Euro Step High par contre au niveau de l’Eurostep Low, on a particulièrement travaillé sur le maintien de la cheville car c’est toujours l’angoisse quand on opte pour des chaussures basses. Votre avantage, c’est que vous avez été joueur de niveau National. Justement, quelles étaient les critères que vous recherchiez lorsque vous étiez joueur ? Ce qui était important pour moi c’était premièrement l’allure. J’aime les modèles épurés. Ensuite je privilégie le confort et la légèreté. C’est vraiment les 3 points qui sont à mes yeux les plus importants. Peut-on savoir quelles chaussures portiez-vous ou portez-vous encore aujourd’hui quand vous jouez ? J’ai eu énormément de chaussures. J’ai eu des Fila à l’époque Grant Hill, deux-trois paires d’And 1 quand il y avait un peu de buzz au début des années 2000. Sinon globalement, j’ai beaucoup porté du Nike. Dernièrement, j’ai joué avec des Hyperdunk et les Kobe 9 low. Est-ce que les deux modèles sont adaptables à une pratique streetball ? De notre côté, il n’y a honnêtement pas eu de réflexion là-dessus maintenant au niveau de la semelle d’usure, je pense que nos deux paires sont complètement adaptées à de la pratique streetball. En tout cas, il n’y a pas de contraintes à ce niveau. Vous travaillez étroitement avec le club de Quimper pour promouvoir vos produits. Est-ce qu’on peut s’attendre à ce qu’un joueur de l’équipe de France porte vos produits pendant l’Euro ? Je pense que pour l’Euro, ça va être un peu short en termes de timing mais on a clairement la volonté de travailler avec le milieu pro. Avant d’être un chef d’entreprise, je suis un passionné, un ancien joueur issu de la formation française. 24 secondes a des valeurs qui s’inspirent du basket associatif que j’ai bien connu donc oui, la volonté est de travailler avec les clubs et la fédération. On a déjà commencé à discuter avec des clubs de niveau régional et national pour des partenariats. Pour ce qui est des joueurs pros, on va solliciter des joueurs de Pro A, Pro B et NM1 car la plupart des joueurs ne sont pas sponsorisés. Donc on va commencer par se positionner de cette manière puis pourquoi pas travailler avec un joueur de l’équipe de France dans un futur proche. Au final, quels sont les objectifs de 24 secondes ? L’objectif est tout d’abord de dépasser les 300 commandes qui est la barre que l’on a fixé pendant la période de financement participatif sur Ulule qui va durer 9 semaines. On a déjà eu des retours de la part de la presse française et étrangère donc on va s’en doute traduire la campagne en anglais. Pour la suite, on va se baser sur le volume des précommandes pour définir nos prochains objectifs. Si ça marche bien, on va essayer de donner une nouvelle dimension au projet. Vous vous donnez combien de temps pour réussir ? On va déjà voir si la campagne fonctionne. Si tel est le cas, ça va nous permettre de créer deux emplois. C’est une première étape mais on ne se fixe ni limite ni temps pour réussir. De notre côté, on aimerait bien exporter nos produits en passant par des circuits de distribution en France et à l’étranger. On a déjà eu des contacts avec des boutiques spécialisées qui semblaient intéressées pour vendre nos produits. A voir donc… » Retrouvez le projet 24 secondes sur Ulule ainsi que son site officiel et sa page Facebook.