Brad Stevens : qui est le cerveau des Boston Celtics ?

Brad Stevens : qui est le cerveau des Boston Celtics ?

Brad Stevens a emmené ses Celtics jusqu'en finale de Conférence cette année, en attendant peut-être mieux. Voici le portrait que l'on avait fait de lui en 2018. Comment un petit génie sans réseau, ni grande carrière, a réussi à se poser en successeur potentiel des légendes du coaching.

Shaï MamouPar Shaï Mamou  | Publié  | BasketSession.com / ANALYSES / Portrait
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Ce portrait est extrait du REVERSE #65, paru en 2018. Il est assez simple de tomber amoureux du basket lorsque l’on vient de l’Indiana. L’état du Midwest est l’un des berceaux du jeu. Dans cette contrée qui a vu naître et grandir Larry Bird, le basket est partout et dans chaque foyer. Ce qui est plus difficile, c’est d’en sortir pour devenir l’un des meilleurs coaches NBA alors que l’on ne remplit pas certains critères quasi-élémentaires. Brad Stevens n’appartient pas à la « galaxie Popovich ». Ce n’est pas non plus un disciple de Pat Riley ou un héritier de Phil Jackson. Il n’a pas bourlingué dix ou quinze ans sur divers bancs de la ligue avant d’être promu. Son CV de joueur est le plus banal qui soit et ne lui a octroyé aucun passe-droit. Brad Stevens a été une starlette très, très locale dans la communauté de Zionsville, avant de passer quatre ans en troisième division universitaire à DePauw, non loin de chez lui. Pourtant, alors qu’il vient de débuter sa cinquième saison avec les Celtics, on ne peut nier l’évidence. Le coach au look de nerd à la Chuck Bartowski est un crack et sans doute le plus à même de reprendre le flambeau des légendes évoquées plus haut. Brad Stevens n’a rien gagné pour le moment. Pas même en NCAA, où sa précocité a rapidement fait tourner des têtes. Simplement, son action au quotidien dans le Massachusetts est admirable.
« Je n'ai jamais joué pour un coach qui était autant dans l'anticipation de chaque situation. » Matt Howard
Depuis que Danny Ainge l’a débauché de Butler, il a amélioré son pourcentage de victoires en saison régulière chaque année. De candidats annoncés au tanking après la fin de l’ère Garnett-Pierce, les C’s sont devenus des prétendants aux Finales. En dehors d’une première saison parmi les cancres (12ème à l’Est en 2013-2014), Boston a toujours connu les playoffs depuis le départ de Doc Rivers. Et le meilleur semble à venir, alors que Brad Stevens maîtrise de mieux en mieux son sujet. En très peu de temps, il a par exemple gagné la confiance d'un joueur comme Kyrie Irving, aussi sceptique sur les compétences de son coach précédent que sur la forme de notre planète.
« Brad correspondait parfaitement à ce que je cherchais. C'est un cérébral, un intellectuel. J'avais besoin de ça à ce stade de ma carrière. Il commence à gagner en notoriété, mais il ne cherche jamais à ce que ça tourne autour de lui. L'important à ses yeux, ce n'est pas de gagner le respect de qui que ce soit. Vous êtes forcément tiré par le haut par des gens comme lui », salue Irving dans le Boston Globe.

Pharma, très peu pour moi

Le meneur des Boston Celtics aurait pourtant pu ne jamais croiser la route de celui qui est encore le troisième plus jeune coach en activité en NBA derrière Luke Walton et Tyronn Lue. Une carrière se joue sur des détails. Parfois sur une once de courage qui fait défaut à d’autres. Stevens a eu ce surplus d’audace pour changer la trajectoire qui lui était promise. Un destin plus rangé, moins exaltant, mais dont peu auraient osé se détourner. A l’été 2000, Brad Stevens a 23 ans et travaille pour le géant pharmaceutique Eli Lilly après avoir été un étudiant-athlète brillant. Les 44 000 dollars annuels offerts par la firme sont l'assurance de fonder la famille dont il rêve avec Tracy, sa compagne depuis le lycée. Son job : décortiquer des données métriques et statistiques pour l’une des branches du groupe. Son esprit analytique y fait mouche. Son éloquence et sa pédagogie aussi. Il intervient lors de séminaires, parfois devant 300 ou 400 personnes et est considéré comme l'un des plus grands espoirs de l'entreprise. Mais ce n’est pas d’économie et de plans de croissance dont il rêve la nuit. Brad n’est pas épanoui et plaque ce futur trop éloigné du basket qui se dessine. Avec le soutien de Tracy, qu'il avait emmené voir un match de lycée pour l'un de leurs premiers rendez-vous, il se laisse une petite fenêtre de tir pour intégrer le staff d'une équipe locale. Pendant cette période, elle retourne à la faculté de droit pour obtenir un diplôme qui lui permettra d'assurer un quotidien correct au couple si Brad ne parvient pas à vivre de sa passion.
« On savait que c'était le moment de tenter ça. Avec ses compétences et l'argent qu'il aurait probablement gagné en grimpant les échelons chez Lilly, il aurait été difficile de tout quitter », raconte celle qui est sa femme depuis quatorze ans sur Cleveland.com.
Alors qu'il s'apprête à débuter une formation pour travailler dans la chaîne de restauration Applebee's et squatte provisoirement le sous-sol d'un ami, le téléphone sonne. En contact avec la fac de Butler, pour laquelle il animait des camps de basket à l'occasion, Brad se voit proposer un poste dans le staff de Thad Matta, le head coach des Bulldogs. Coup de pouce un peu original de la providence  c'est parce que Jamal Meeks, l'un des assistants, vient d'être arrêté pour sollicitation de prostituées et de drogue qu'une place s'est libérée. Aucune rentrée d'argent – il s'agit de bénévolat comme souvent chez les petites mains des équipes universitaires – mais une petite porte d'accès à ce milieu dans lequel il se sait capable de prospérer. Ce n'est qu'à l'arrivée de Todd Lickliter, quelques mois plus tard, qu’il est promu assistant à plein temps et rémunéré. Pendant six ans, son influence grandit et il aide Lickliter à inculquer et développer une méthode appelée « The Butler Way ». Stevens absorbe, s'initie à la vidéo et aux statistiques avancées. A chaque adversaire son plan de bataille. Il propose des rapports détaillés, anticipe chaque stratégie adverse et met au point des antidotes. Son protocole est aussi concis et imparable que celui de la fabrication des médicaments qu'il a contribué à faire vendre dans tous les Etats-Unis pendant quelques mois. On sent, déjà, la patte d'un obsessionnel de l'organisation et du bon déroulé des choses. En 2007, Lickliter quitte l'Indiana pour coacher la plus renommée équipe d'Iowa. Les joueurs demandent un remplacement en interne. Brad est choisi et l'histoire peut véritablement démarrer. C'est pendant ce cycle de six ans que va se construire le coach Stevens qui excelle aujourd'hui en NBA. Le « Butler Way », revenons-y. Brad Stevens ne l'a pas inventé. Il l'a simplement porté à son paroxysme, au point d'emmener deux fois de suite les Bulldogs, énormes outsiders, en finale du Tournoi NCAA. Un exploit épatant pour une mid-major qui ne pouvait décemment attirer les mêmes starlettes de lycée que des places fortes comme Kentucky, Duke ou même le voisin Indiana. Les cinq principes essentiels de cette doctrine qui lui a permis de prospérer se retrouvent aujourd'hui dans le jeu des Celtics :
  1. l'humilité – on sait qui on est, on connaît nos forces et nos faiblesses
  2. la passion – ne soyez jamais blasés
  3. l'unité – ne divisez pas l'équipe, elle passe en premier
  4. l'altruisme – rendez vos camarades meilleurs, soyez un leader tourné vers les autres
  5. la gratitude – sortez heureux et reconnaissant de chaque situation que vous vivez.
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