Eric Bledsoe et la qualifying offer, mode d’emploi

Eric Bledsoe serait prêt à accepter la qualifying offer des Suns. Mais c'est quoi au juste, cette QO ? Focus sur un point obscure du CBA.

Antoine PimmelPar Antoine Pimmel | Publié  | BasketSession.com / ANALYSES / Focus
Eric Bledsoe et la qualifying offer, mode d’emploi
La restricted free agency est un marché complexe dicté par les contraintes du CBA, par les différentes valeurs estimées d’un même joueur auprès des franchises ainsi que par ses performances sur le parquet. Plusieurs mois avant qu’un jeune joueur arrive à l’expiration de son contrat rookie – et donc de sa première restricted free agency – les franchises ont la possibilité d’anticiper les offres à venir pour le joueur en question et de lui proposer une extension. Les dirigeants doivent alors opérer le bon calcul. Ainsi, ni Eric Bledsoe ni Gordon Hayward n’ont été prolongés l’été dernier. Le camp du joueur du Jazz réclamait un peu plus de 50 millions de dollars sur quatre ans. La direction de Salt Lake City a refusé. Un an plus tard, Hayward a accepté une offre de 63 millions sur quatre ans des Charlotte Hornets. Le Jazz s’est aligné – une possibilité offerte par le régime de la restricted free agency – mais a finalement perdu un peu moins de 15 millions de dollars dans l’affaire. Aujourd’hui, Bledsoe et ses représentants demandent une somme proche du maximum salariale. Peut-être le meneur des Phoenix Suns et ses agents ont-ils été influencés par les contrats signés par Hayward et Chandler Parsons – 46 millions sur trois ans – eux aussi restricted free agents cet été. Les dirigeants des Suns notent de leur côté que plusieurs meneurs de talent comme Ty Lawson, Stephen Curry ou Kyle Lowry perçoivent entre 11 et 12 millions de dollars annuels. Ils ont donc offert 48 millions sur quatre ans à « Mini LeBron », une proposition considérée comme « justes » par plusieurs autres dirigeants et agents interrogés sous couvert d’anonymat.

Les caractéristiques de la qualifying offer

[caption id="attachment_112280" align="alignleft" width="300"] Les Grizzlies n'ont pas offert la QO à Ed Davis. Ce dernier était libre de signer où bon lui semble cet été.[/caption] L’écart entre la valeur estimée par Bledsoe (et ses agents) de lui-même et celle perçue par ses dirigeants diffère de plusieurs millions (jusqu’à 15 millions sur quatre ans). Le meneur pourrait donc emprunter une voie peu conventionnelle et accepter la qualifying offer des Suns. Lorsqu’un joueur arrive à expiration de son contrat rookie, sa franchise doit lui proposer cette qualifying offer afin d’en faire un restricted free agent, si elle ne lui propose pas, elle renonce ainsi à ses droits et le joueur en question est libre de signer où bon lui semble sans que son ancienne équipe puisse s’aligner. Il devient alors unrestricted free agent. Ainsi, Ed Davis, jeune intérieur prometteur drafté en 2010, a rejoint les Los Angeles Lakers avec ce statut d’unrestricted free agent (les Grizzlies ne lui avaient pas proposé la qualifying offer). Cette offre spéciale représente 125% du salaire précédent du joueur sur une saison. S’il l’accepte, ce dernier s’engage donc pour un an avec sa franchise et devient automatiquement unrestricted free agent à l’issue de la saison. Cet engagement s’accompagne d’une clause d’intransférabilité. Le joueur peut refuser n’importe quel transfert(le concernant évidemment) qui ne lui conviendrait pas en cours de saison. Accepter la qualifying offer est donc une passerelle afin de tester le marché pour de bon bien plus tôt. C’est une opportunité de devenir unrestricted free agent au bout de seulement cinq années passées en NBA. Mais c’est aussi un risque. Le joueur doit être sûr de sa valeur. Imaginons qu’Eric Bledsoe accepte l’offre et se blesse en cours de saison. Sa cote va chuter et il risquerait alors de signer un contrat inférieur à 48 millions de dollars sur quatre ans l’été prochain. En revanche, s’il poursuit sa progression et s’affirme comme le patron des Suns, il sera libre de choisir sa destination en 2015.

Qui accepte la qualifying offer ?

[caption id="attachment_134309" align="alignright" width="300"] Contrairement à ce qui a été rapporté par la presse, Kyrie Irving n'a pas osé signer la QO, il a prolongé à Cleveland.[/caption] En général, les meilleurs joueurs de la ligue prolongent avec leur première franchise (ou, à défaut, celle qui dispose de ses droits si jamais le joueur a été transféré avant l’expiration de son contrat rookie). Même les superstars en devenir évoluant dans des petits marchés ne manquent pas l’opportunité de signer une première extension bien juteuse. Si jamais un joueur tient absolument à ne pas s’éterniser dans son équipe ou s’il est sûr de signer un deal encore plus intéressant rapidement, il peut négocier une option afin de tester le marché au bout de trois ans comme l’ont fait LeBron James, Chris Bosh et Dwyane Wade lors de la signature de leur première extension. Les joueurs acceptant la qualifying offer sont donc ceux dont les offres sur le marché étaient inférieures au montant de cette QO. Depuis 1995 et l’instauration des contrats « rookies » au sein du CBA, seuls 17 joueurs ont opté pour cette solution. Le dernier en date est Kevin Seraphin, qui évoluera donc pendant encore une saison aux Washington Wizards avant de tester la free agency en 2015. Sans manquer de respect aux joueurs que nous allons énoncés par la suite, aucun d’entre eux n’a ou n’a eu le potentiel ou l’impact d’Eric Bledsoe.

Les cas similaires dans l’histoire de la NBA

Kevin Seraphin est donc le dernier joueur à avoir signé la qualifying offer en attendant la décision de Bledsoe. En septembre 2012, Ivan Johnson avait fait de même avec les Atlanta Hawks. Après une saison rookie prometteuse (6,4 pts et 4 rbds en 16,7 minutes), le guerrier des raquettes a préféré opté pour la QO. Sa production n’a pas augmenté lors de son année sophomore et il a finalement rejoint la Chine à l’issue de la saison. Le voici désormais de retour en NBA, aux Dallas Mavericks. Devin Ebanks, Luke Harangody, Darius Morris et Robert Swift ont tous accepté la QO sans parvenir à retrouver un contrat garanti par la suite. [caption id="attachment_126175" align="alignleft" width="300"] Nick Young a finalement signé un deal sur plusieurs saisons cet été.[/caption] Nick Young et Marco Belinelli ont-eux signé un contrat d’un an après avoir testé pour la première fois le marché avec le statut d’unrestricted free agent. Young avait accepté la QO des Wizards avant d’être transféré aux Clippers et de signer pour un an et 5,6 millions de dollars aux Sixers en 2012. Il a prolongé aux Lakers pour 21,5 millions sur quatre ans cet été et on peut donc considérer que « Swaggy P » ne s’en est pas trop mal sorti. Belinelli avait lui signé un contrat d’un an légèrement supérieur au minimum vétéran (1,9 millions) avec les Chicago Bulls après avoir passé cinq saisons en NBA. Il est désormais un membre des Spurs. Raymond Felton (14,6 millions de dollars), Spencer Hawes (13,1 millions) et Melvin Ely (1,8 millions) ont tous les trois signés un contrat sur deux saisons après avoir accepté la QO. Michael Olowokandi, premier choix de la draft 1998, est tout de même parvenu à trouver un contrat sur trois ans (16,2 millions) à Minnesota après avoir déçu aux Los Angeles Clippers. Mickael Piétrus et Stromile Swift ont tous les deux effectué une bonne opération en acceptant la qualifying offer. La saison suivante, ils ont signé pour respectivement 21 et 22 millions de dollars sur quatre ans avec Orlando et Houston. Vladimir Radmanovic (30 millions sur cinq ans avec les Lakers) et Rasho Nestorovic (42 millions sur six ans avec les Spurs), deux intérieurs européens au profil différent, ont aussi touché une belle somme. [caption id="attachment_145969" align="alignright" width="300"] Ben Gordon, un sacré braqueur de banque.[/caption] Mais Ben Gordon est sans contestation possible celui qui a le mieux profité de l’opportunité offerte par la QO. Devenu unrestricted free agent après cinq saisons prometteuses aux Chicago Bulls, dont une dernière à 20 points de moyenne, il a signé un deal sur cinq ans avec les Detroit Pistons pour la coquette somme de 58 millions de dollars ! Il n’a jamais eu à Detroit l’impact qu’il a pu avoir dans l’Illinois. Il a récemment signé un contrat de deux ans (pour 9 millions de dollars) avec Orlando. Si Eric Bledsoe se considère comme un joueur  valant le maximum salarial, alors autant qu’il accepte la qualifying offer. Mais l’histoire prouve que rares sont les joueurs à obtenir un gros contrat dans la foulée et surtout aucun n’a perçu le montant maximum. Mais on peut aussi penser qu'il s'agit avant tout d'un moyen pour mettre la pression sur ses dirigeants alors qu'il a le sentiment de ne pas avoir le contrôle de la situation. Il se plaint que les Suns utilisent le processus de la restricted free agency contre lui mais il a aussi des cartes à jouer. A lui d’être sûr de son jeu.
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