Autopsie de James Harden

James Harden a fait ses statistiques mais il est relativement passé à côté de sa série contre les Golden State Warriors. En réalité, tout sauf un hasard.

Autopsie de James Harden
Afin d’éviter les échanges Twitter longs et sans intérêts, cet article est fortement déconseillé aux partisans de James Harden. Nabil Djellit et ses acolytes peuvent donc reprendre leurs activités habituelles de « troll » des réseaux sociaux. Un coupable. Le peuple demande un coupable. Un odieux responsable à blâmer pour l’élimination des Houston Rockets cette nuit. Eux qui ont osé perdre contre les Golden State Warriors et, par la même occasion, laisser le champ libre à une quatrième finale de suite – tant attendue il fut une époque mais désormais barbante d’après les internautes – entre les deux mêmes équipes. Ces deux mêmes franchises qui dominent la ligue sans partage depuis 2015. Alors, à qui la faute pour ce nouveau duel devenu si lourd ? Amenez-nous le fautif, qu’il soit jugé sur la place publique ! Alors, qui ? Chris Paul ? Cet éternel « choker » encore une fois blessé dans un moment clé, ce fameux « loser » encore une fois battu avant les finales ? Non. Trop gros. Pas cette fois. Prenons-nous en plutôt aux arbitres, ces corrompus à la botte de la ligue qui ont saboté les deux derniers matches pour que la NBA vende son produit favori, ce bon vieil affrontement entre LeBron James et les quatre fantastiques d’Oakland ? Non. Trop classique. Ah, mais si nous sautions sur Mike D’Antoni, cet ancien moustachu placé mais jamais gagnant, son plan de jeu chiant à crever qui a presque poussé les détracteurs absolus des champions en titre à souhaiter que les deux formations de l’Ouest soient éliminées sur tapis vert, offrant ainsi le sacre aux valeureux Boston Celtics ? Encore non. D’Antoni coupable, ça sonne bien. Parce que la bouillie de basket proposée par les Rockets nous a donné envie de soutenir les Cavaliers de Bron-Bron en cas de qualification pour les finales. Et rien que de nous avoir fait imaginer ce supplice mérite sanction. Mais laissez-nous vous rappeler un temps que les moins de quinze ans – autrement dit les fans de James Harden – ne peuvent pas connaître. Cette époque où l’homme surnommé « Pringles » (parce que, bordel, la ressemblance était frappante) posait les bases des Warriors d’aujourd’hui avec ses Phoenix Suns. Ses gars se passaient la balle, parce que le coach avait l’effectif pour faire circuler la gonfle. Mais D’Antoni a voulu s’adapter aux qualités de son meilleur basketteur à Houston. Il s’est simplement trompé de bonhomme en construisant autour d’Harden à la place de Paul. Enfin, non, là, ça, c’est de la haine pure. Le barbu reste le joueur le plus doué des Rockets. Alors son entraîneur lui a donné carte blanche. Ce dernier s’est essuyé avec la carte, pour ne pas être plus grossier. A-t-il seulement compris le message ou le principe ? La diva texane a pris le système et l’a parodié. Parce qu’il y a la bonne… et la mauvaise isolation. La bonne isolation, c’est celle où il y a un mec qui prend la balle et va chercher son panier tout seul. La mauvaise isolation, c’est celle où il y a un mec qui prend la balle et va chercher son panier tout seul. Sauf que ce n’est pas pareil. Dédicaces aux chasseurs du Bouchonnois mis à part, la « vraie » iso est celle mise en place en début de possession. Avec un but précis : exploiter les aptitudes offensives d’un mec particulièrement doué pour marquer des paniers. Une attaque franche et il va au panier. Hop, deux points. Un step-back et, hop, trois-points. Des spécialités Harden-esques. Si la défense recouvre vite, hop, ça libère. Du drive-and-kick avec une ou deux passes de plus pour profiter des décalages créés par la première pénétration. Ça, c’est le système. Les Rockets ont joué comme ça quasiment toute la saison. Et même en première période cette nuit quand, tiens, tiens, ils menaient de 11 points. Ben, ouais, incroyable, le plan de jeu de D’Antoni se tenait. Mais James Harden l’a pris, l’a roulé en boule et l’a renvoyé dans la tronche du staff quand les Warriors ont durci le ton en défense au retour des vestiaires. Panique générale ! Par peur de finir brocouille, le numéro 13 a caricaturé les isolations prônées par son coach – à peine plus que l’auteur de cet article le fait pour dépeindre le « meneur » (paraît-il) All-Star. Lui, il a monopolisé la gonfle. Dix. Quinze. Vingt secondes. Des dribbles interminables, sur place en plus. Peu de mouvement généré. Et en conséquence un paquet de tirs forcés. Au pire moment du match. Ça donne du 12/29 aux tirs à l’arrivée. Ça, ça s’appelle croquer. Même cette vipère de Kevin Durant, décidément jamais le dernier pour planter un couteau dans le dos de ses potes et anciens camarades, a fait siffloter sa langue fourchue pour dénigrer – indirectement ou involontairement – le patron désigné des Rockets : « James Harden dribble tellement à chaque possession. On savait qu’il finirait par se fatiguer à un moment donné. » Merci KD. Donc en plus, même les Warriors s’attendaient à ce qu’Harden adopte cet état d’esprit et se crève tout seul. Chapeau l’artiste. C’est pour ça que Chris Paul a tant manqué. Parenthèse : réalisons simplement que les supporteurs des Rockets qui regrettent aujourd’hui l’absence de CP3 pour un Game 7 sont probablement les mêmes que ceux qui qualifiaient encore le multiple All-Star, un vrai maestro, de mec incapable de gagner à l’époque où il portait les couleurs des Los Angeles Clippers. Mais bref. C’est un autre débat. Oui, la blessure de Paul a beaucoup pesé. Parce que c’est lui qui prenait le contrôle des fins de match. Lui qui poussait Harden sur le côté pour limiter ses isolations. Il était même plus tranchant sur les siennes. Il faisait jouer ses coéquipiers. Et les Rockets ont ainsi surpris des Warriors un poil trop sereins. C’est aussi une question de « star power ». James Harden était quasiment le seul à pouvoir assurer de la création – le fameux playmaker en moins (Paul donc) – mais ça ne l’obligeait pas à croquer. Après, Durant et Stephen Curry ont mis des tirs difficiles. Les siens ne sont pas rentrés. Sur un autre soir, ça passait. Mais ce n’est pas que ça. Les deux cadors de Golden State sont plus forts. Mais ils ont aussi capté des notions que leur adversaire a du mal à saisir. Ils savent se partager la balle. Vraiment. Sauf quand ils sont entrés bêtement dans le jeu des Rockets en répondant au concours de pénis et en tombant, eux aussi, dans l’isolation (la fausse, la parodiée) à outrance. De quoi expliquer au moins deux de leurs trois défaites. Sauf qu’aux Warriors, il y a le talent – et c’est vrai qu’il est sacrément plus concentré qu'ailleurs, ce qui explique le déséquilibre – mais aussi l’état d’esprit. Ils jouent vraiment ensemble. Vraiment. Un peu moins que l’an dernier mais tout de même. Sauf que ce qui fait la différence, c’est aussi cette facilité à mettre leur ego de côté pour faire tourner le tout. Harden a su le faire en accueillant Paul. Mais n’empêche que D’Antoni a été contraint de souvent limiter leurs moments ensemble pour s’assurer que l’ex-sixième homme du Thunder jouisse de sa part de possessions. Et puis les autres n’avaient qu’à courir et attendre de réceptionner la balle. Dès CP3 mis à terre, Harden est tombé dans le « hero ball ». Mais peut-il simplement prendre du recul pour comprendre les failles de sa propre caricature ? Pas sûr. Pas sûr qu’il soit capable de changer. C’est subjectif mais – quitte à reprendre les mêmes arguments que ceux qui qualifiaient Paul de perdant – jusqu’à preuve du contraire, il n’a jamais mené une équipe au sommet. De toute façon, pour les Rockets, la question ne se pose pas : s’ils ont perdu, c’est d’abord (et seulement) parce que Paul n’était pas là. Daryl Moray, Eric Gordon, etc. Tous ont réagi à chaud de la même manière. « On aurait dû passer », qu’ils ont répété en cœur. Ils n’ont peut-être même pas tort. Ce n’est pas comme ça que James Harden se remettra en question. Rendez-vous à la prochaine élimination. En attendant, bravo pour le trophée de MVP.