Kadour Ziani : Du quartier au Madison Square Garden

20 après les débuts de la Slam Nation, la légende du dunk Kadour Ziani est toujours au service du basket et d’une discipline qu’il a élevée au rang d’art.

Kadour Ziani : Du quartier au Madison Square Garden
REVERSE : Pourquoi il n’y en a pas eu d'après toi ? KADOUR ZIANI : Ça ne s'explique pas. Les dunkeurs, c'est une race spéciale, t'en n'as pas toujours. Il y en avait quelques-uns, comme Guy Dupuy, mais ça n'a pas suffit. Et le monde a évolué. Les gens ne voulaient plus payer pour une équipe, mais plus pour des individus. Et puis plutôt que des shows, les gens voulaient organiser des concours. Comme la FIBA qui faisait des concours avec des prize moneys. Et ça, ça a cassé toutes les équipes. Les gars se sont dit que s'ils voulaient gagner de l'argent, il valait mieux qu'ils ne soient pas dans une équipe, qu'ils aient un agent qui parlent d'eux à la FIBA pour les placer. REVERSE : Après la Slam Nation, tu as continué à dunker, mais tu as aussi été organisateur d’événements. KADOUR ZIANI : Oui, mais pas uniquement des concours de dunks. J’ai été catalogué dunks, mais j’ai aussi bien organisé des événements dunks que des tournois 3x3. J’en ai organisé beaucoup au Maroc, en Afrique. J’en ai aussi fait avec Sport Arena en Roumanie. Avec eux, j'ai aussi organisé des championnats d'Europe de dunk en 2009 et 2010, et un championnat du Monde en 2011. Après la Slam, ce qui m’intéressait, c’était de transmettre, en faisant des événements dunks et 3x3. Je voulais que la rue ait des scènes pour s’exprimer, que des nouveaux talents émergent. REVERSE : Tu as des projets dans ces disciplines ? KADOUR ZIANI : Oui, j'aimerais faire des choses avec la FIBA, on a le même objectif : créer la plus grande communauté sportive. J'aimerais les accompagner dans cette démarche. Solidifier le dunk, solidifier le 3x3, rassembler la communauté, on unifie tout le monde. Pour le 3x3, il y a plein de fédérations à monter, dans plein de pays. J'aimerais bien me concentrer sur le continent africain, parce qu'il y a plein de choses à faire, il y a des pépinières de ouf, les gens ont faim. Et je discute aussi avec la FIBA pour qu’ils essaient de faire avec le dunk ce qu’ils ont fait avec le 3x3 : des vraies règles, un vrai classement mondial. J'ai inventé des systèmes de notation pour les jurys, avec quatre critères. Je suis dans des discussions pour faire évoluer le dunk.
Quand tu commences à perdre de ton jump, de ton pouvoir, tu réalises que c'était dingue d'avoir passé des dunks des lancers-francs.
REVERSE : Tu as d’autres projets ? KADOUR ZIANI : On va lancer la marque Slam Nation by KADOUR ZIANI. On va lancer un ballon dédié au dunk et aux dunkeurs. Il y aura aussi du textile. Ce sera orienté à la fois streetwear et équipementier club. On va aussi développer les camps. Et puis il y a le film que Nicolas de Virieu fait sur moi, Dunk or Die. Ce sera un film centré sur mon histoire, quelque chose qui dépasse le sport et qui abordera des thèmes comme l’immigration. Il y aura une première version axée sport, pour L’Equipe Explore, et une version cinéma, qui ira au-delà du sport. REVERSE : Tu as accompli plein de choses, mais as-tu des regrets ? Un dunk que tu aurais voulu réaliser ? KADOUR ZIANI : Le 720, j'aurais bien voulu le passer. Mais quelque part, ça fait partie de mon personnage. J'avais beaucoup de rêves : certains je les ai réalisés, certains c'est d'autres qui les ont réalisés. Je voulais qu’on puisse vivre du dunk, maintenant certains arrivent à en vivre. Je voulais que ce soit un sport à part entière, ça commence à le devenir. J'ai fait plein de rêves, et certains je les réalise par procuration, à travers d'autres. Mais j'y ai contribué. Le 720, j'étais le premier à en parler. Beaucoup disaient « n’importe quoi », mais je leur ai planté l'idée. Au final, Air Up There, qui l'a réalisé, peut me remercier d'avoir rêvé de ça. Et puis, quelqu'un qui ne rêve pas, il ne développera aucun instinct pour parvenir à des grandes choses. REVERSE : A 43 ans, tu dunkes encore ? KADOUR ZIANI : Oui, mais je ne passe plus des gros dunks. A mon âge, juste passer un dunk c'est un truc de ouf. REVERSE : Après toute cette carrière, tu prends autant de plaisir à passer des dunks simples maintenant ? Ou c'est frustrant ? KADOUR ZIANI : C'est plus qu'un plaisir. Un dunk pour moi maintenant, c'est comme si je faisais un double moulin. Quand tu commences à perdre de ton jump, de ton pouvoir, tu réalises que c'était dingue d'avoir passé des dunks des lancers-francs, d'avoir fait tout ça. Tu ne vis pas mal la chose. Bien sûr, des fois, je suis un peu nostalgique, mais ça passe vite. Ne plus passer les dunks que je passais, me retrouver au niveau du « commun des mortels » (il se marre), ça me donne du recul, ça me permet de réaliser que ce que j'ai fait, c'est un truc de fou en fait !