Requiem for Odom

Alors que les médecins sont désormais plus optimistes, on revient sur la vie particulièrement difficile de Lamar Odom.

Requiem for Odom
On a craint le pire pour Lamar Odom, retrouvé inanimé dans un bordel de Las Vegas. S'il a été opéré en urgence à deux reprises et s'il a visiblement besoin d'un nouveau rein, les médecins sont désormais un peu plus optimistes. Maintenant que les nouvelles sont meilleures, on vous propose de redécouvrir le sujet que nous avions fait en octobre 2013, dans REVERSE #43, sur la vie difficile de Lamar Odom et le début de sa descente aux enfers.   Depuis quelques semaines, Lamar Odom fait la une des magazines people les plus trash. La descente aux enfers de ce joueur talentueux et attachant risque bien de sonner la fin prématurée de sa carrière. Par Alexis Boissel Un été pourri. Voilà ce que vient de vivre Lamar Odom dans la Cité des Anges. Il faut dire qu’avant même le solstice estival, les choses étaient déjà sacrément mal embarquées pour Monsieur Kardashian. Entre sa saison médiocre avec les Clippers, une embrouille avec des paparazzi, une maîtresse qui déballe ses affairs avec l’homme marié, puis une autre, entraînant des rumeurs de divorce, Odom en a presque regretté Dallas et son univers impitoyable.

Breaking bad

Mais tout ceci n’était pourtant rien comparé à l’onde sismique provoquée par les révélations de TMZ à la mi-août. Ce site people bien trash mais le plus souvent très fiable a en effet lancé un pavé : Lamar serait accro à diverses drogues dures, depuis deux ans. A la suite de ces révélations, le double champion NBA a disparu des radars pendant 72 heures. Il se serait en fait cloitré dans une chambre d’hôtel, où anciens coaches et coéquipiers se seraient relayés pour essayer de le convaincre de se faire soigner. En vain. C’est ensuite par la police de Los Angeles que l’on a eu des nouvelles du double champion NBA qui venait de se faire arrêter sur l’autoroute parce qu’il roulait trop lentement et faisait des écarts. Il s’en tirera avec 15 000 dollars d’amende et une suspension de permis d’un an, après 3 heures et demi en cellule de dégrisement. Cet été en enfer n’est malheureusement que l’acmé d’un déclin qui a commencé dès 2011. A l’instar de Vin Baker ou Shawn Kemp lors du lockout de 98-99 (voir par ailleurs), Lamar est la principale victime de celui de 2011. Tout a commencé à partir en vrille avec le trade avorté de Chris Paul aux Lakers, à la suite duquel il a décidé de partir, déçu par le manque de considération du staff angeleno. Puis, le décès soudain d’un cousin dont il était très proche et, quelques jours après, ce SUV dont il était passager qui s’est retrouvé impliqué dans un accident causant la mort d’un jeune piéton. Ces deux nouvelles tragédies sont venues s’ajouter à la longue liste des drames qui ont rythmé la vie de cet optimiste invétéré. Lamar Joseph Odom a vécu une enfance douloureuse dans le quartier new-yorkais de South Jamaica Queens, avec un père héroïnomane et absent et une mère décédée d’un cancer quand il avait 12 ans. A la fac, des histoires de transferts illégaux lui ont coûté une suspension d’un an, avant qu’une inculpation pour sollicitation de prostituée n’achève de ternir son image. Sa chère grand-mère Mildred, qui l’a élevé après le décès de sa mère, décède à son tour en 2004, puis c’est le troisième enfant de Lamar, Jayden, qui meurt brutalement à l’âge de 6 mois et demi. Logiquement atteint par tous ces drames, LO a envisagé de ne pas reprendre après le lockout et c’est sa femme Khloé qui l’a finalement convaincu de rejoindre les Mavs. Mais tout est allé de travers dans le Texas. Le joueur, méconnaissable, avait l’air totalement absent et ses stats sont catastrophiques. Il est envoyé en D-League, puis pour la première fois de sa carrière, il reste cloué sur le banc tout un match par décision du coach, avant de finir par s’embrouiller avec Mark Cuban et d’être coupé avant le terme de la saison. Son retour aux Clippers l’an passé n’aura pas été beaucoup plus concluant. Ce long passage à vide est d’autant plus frappant qu’il a directement succédé à une période faste pour ce compétiteur. En seulement 22 mois (de juin 2009 à avril 2011), il avait pu glaner deux bagues de champion, un 6th Man Of The Year award et une médaille d’or au Championnat du Monde 2010 ! Mais pendant ce laps de temps, il est également devenu un « people ». En se mariant avec Khloé Kardashian en septembre 2009, c’est un peu comme s’il se mariait avec la télé réalité. Il participe d’ailleurs aux différents shows mettant en scène The First Family of Fame et fait aussi des apparitions dans des productions hollywoodiennes, d’Entourage à Modern Family. Pas vraiment l’idéal pour retrouver une forme de sérénité…

La malédiction du candyman

« Cocaine laced in marijuana, and they wonder why I rarely smoke now » rappe un autre Lamar, Kendrick de son prénom. Weed, coke, crack, OxyContin, alcool, la liste des produits supposément ingérés par Odom ressemblerait presque à une nouvelle d’Hunter S. Thompson... Devant l’ampleur de cette descente aux enfers, il est légitime de s’interroger sur les causes de celle-ci. Est-ce son passé chargé ou la pression de la célébrité qui l’ont poussé à tous ces excès ? Un peu les deux sans doute, comme nous l’explique le Docteur Lowenstein, addictologue et président de l’association SOS addiction : « La cocaïne, c’est typiquement la substance de l’hyper réussite, avec toute la mégalomanie que cela induit. Ça permet de continuer sur le rythme qui était le sien malgré toutes les horreurs qui lui sont arrivées. Vivre au rythme fou d’un sportif de haut niveau couplé à un statut de people, c'est-à-dire vivre dans un double hyper quotidien, fait que la cocaïne donne l’illusion de pouvoir tout gérer dans une situation qui ferait peur à beaucoup. » Mais si la drogue lui a peut-être permis d’avoir l’impression de tout contrôler pendant un moment, elle a ensuite eu l’effet inverse de celui escompté, puisque Lamar est en train de gâcher sa carrière et sa vie. « Il n’y a pas de volonté de se détruire à l’origine. Quand un cerveau découvre les fonctions positives des drogues, on n’est pas dans l’anticipation, dans le rationnel. Avec la drogue, tout va bien, au début. Et, au fur et à mesure, le fonctionnement cellulaire se modifie et la difficulté de suivre le rythme d’un sportif de haut niveau apparaît. » Loin des paradis artificiels, c’est surtout son goût du game et du travail d’équipe qui ont longtemps été ses moteurs. Sur les playgrounds, d’abord, puis au lycée avec Elton Brand et Ron Artest pour partenaires. Quatrième pick de la draft 99, la saison rookie du néo-Clipper a été plus que probante. Auteur de 30 points et 12 rebonds lors de son premier match, il avait terminé sa première année avec des moyennes de 16 points, 8 rebonds et 4 passes. Il y a eu ensuite son passage réussi au Heat et, enfin, le trade avec Shaq qui lui a permis de rejoindre les Lakers. Aux côtés de Kobe Bryant, qu’il appelle « Bean » (son deuxième prénom), il a pu remporter deux titres et un trophée de meilleur 6ème homme. Il faut dire que cet ailier bondissant, bon shooteur, bon défenseur, bon rebondeur et même bon dribleur, est un couteau suisse capable de rendre des services sur les 5 postes. Il a été une pièce maîtresse de l’attaque en triangle made in L.A., si chère à Phil Jackson. Ses faits d’arme avec Team USA sont eux aussi flatteurs. Médaillé de bronze aux JO Athènes, il ramène l’or du Mondial d’Istanbul, en se montrant très convaincant en pivot titulaire. Mais au-delà du joueur à l’impressionnante palette de skills, Lamar Odom a, en plus, vraiment l’air d’être un mec sympa. L’un des joueurs les plus appréciés de la ligue, un coéquipier exemplaire. C’est ce que confirmait Vinny Del Negro son coach aux Clips la saison passée : « C’est quelqu’un de bien, un bon coéquipier. Tout le monde l’appréciait dans l’équipe, il n’y avait aucun problème ». Son ancien teammate Pau Gasol ne dit pas autre chose : « Lamar est un des meilleurs gars avec qui j’ai joué ». Très populaire partout où il est passé, c’est le genre de mec sympa et attentionné qui fait du bien dans un roster. « Ma grand-mère était toujours positive, une personne naturellement joyeuse, je pense que je tiens ça d’elle. J’aime m’amuser, je suis comme un gamin dans un magasin de bonbons. » Lamar Odom est effectivement connu comme étant un grand fan de sucreries, au point d’avoir hérité il y a bien longtemps déjà du surnom de Candyman. Ce pseudo prend maintenant un tout autre sens quand on sait qu’il signifie aussi dealer en argot US…

Retour impossible ?

[caption id="attachment_297423" align="alignleft" width="318"] 15 December 2009: Los Angeles Lakers forward Lamar Odom brings the ball upcourt during the Los Angeles Lakers 96-87 victory over the Chicago Bulls at the United Center, in Chicago, Illinois, USA.[/caption] Celui qui a toujours aimé parler à la presse est entré, depuis les révélations de TMZ, dans un mutisme inquiétant. Il y a bien eu ce « Life is good » lâché à la sortie d’un restaurant, et surtout ce tweet du 24 septembre, d’autant plus attendu que son dernier gazouillis remontait au 12 juillet. C’est l’interview donnée par son père quelques jours plus tôt - dans laquelle il rejette la responsabilité des problèmes actuels de son fils sur la famille Kardashian – qui l’a poussé à réagir. Lamar y admet pour la première fois traverser une « période sombre » et rend un vibrant hommage à sa femme et à sa belle-famille. Mais ce sont surtout les propos très durs qu’il tient sur son géniteur qui marquent les esprits : « Il n’était pas là pour m’élever. Il a été absent TOUTE ma vie à cause de ses propres démons. Ma mère et ma grand-mère m’ont élevé. Le Queens m’a élevé. Il est responsable de ma chute ! Ses propres démons sont la SEULE chose qu’il m’a transmise ». Pas besoin d’être psy pour entrevoir la complexité des mécanismes qui ont entraîné la vertigineuse chute de l’intérieur de 2,08 m. Alors, face à ce grand corps malade, la question de la fin de carrière se pose forcément. « Personne ne va prendre le risque de miser sur lui maintenant », décrète un GM qui préfère garder l’anonymat. Le Docteur Lowenstein ne semble pas plus rassurant. « Plusieurs années de consommation de coke avec des tentatives de décroches, ce sont des marathons qui coûtent cher d’un point de vue physique. A son âge, arriver à faire un sevrage et reprendre une forme physique sans substance, j’en doute vraiment... Quand vous grimpez le Tourmalet avec tous les produits dopants imaginables et que, tout d’un coup, vous devez le grimper sans rien, ça devient compliqué. Tout paraît long, lourd et difficile pour quelqu’un qui vivait à 2000 à l’heure avec cette substance-là. » Le 6 novembre, Lamar fêtera son 34ème anniversaire. Reste à savoir si ça se fera sur les parquets, pour ce qui serait sa 15ème saison en NBA. Rien n’empêche d’y croire et d’espérer, avec la même impatience pleine d’indulgence que pour le tant attendu prochain album de Dr Dre… « Detox ».