Ray Allen, mon nom est Personne

Ray Allen a traversé deux générations sans jamais se mettre en avant. Portrait d’un artiste bientôt détrôné qui a laissé son œuvre parler pour lui.

Ray Allen, mon nom est Personne

Loup solitaire

Quelle ironie que ce soit justement Iverson qui lui ait barré l’accès à la consécration. AI, l’anti-Allen, au jeu aussi chaotique que celui de Ray est sous contrôle, aux émotions aussi à fleur de peau que celles de Ray sont soigneusement enfouies, à la personnalité aussi étalée au grand public que celle de Ray est jalousement gardée privée.

Dès la NCAA, ces deux-là étaient sans cesse comparés. Iverson, symbole de la dureté de Georgetown et du génie de John Thompson pour sortir des joueurs de la misère et en faire des Hommes, des vrais ; Ray Allen fer de lance de Connecticut, toujours placé mais probablement trop gentil pour être jamais gagnant.

« Avec Iverson, ça a l’air difficile », avoue Jim Calhoun, le coach de UConn, à Sports Illustrated en mars 1996.

« Avec Ray, ça a l’air facile. »

Trop, à en juger les commentaires de George Karl quelques années plus tard. Calhoun, lui, n’y voit pas un signe de faiblesse.

« Il est indépendant, mais vraiment bienveillant. Il est motivé, mais pas obsédé. C'est quelqu'un d'orgueilleux, mais d'humble également. J’apprends tout le temps de nouvelles choses sur lui. »

En gros, Ray est un gars discret et équilibré, le prototype, comme Tim Duncan, du gars qui ne fait rêver personne et qui, par conséquent, ne fait pas vendre. Pourtant, chez les Huskies comme dans ses premières années en NBA, il avait tout pour être présenté comme l’un des joueurs les plus excitants du pays.

« Être en contrôle est essentiellement le programme de ma vie »

Un tir exceptionnellement soyeux, un arsenal offensif complet, une compréhension impeccable du jeu qui l’a toujours poussé à ne prendre (presque) que des bons tirs (à part au All-Star Game où il se transformait chaque année en trou noir) et, cerise sur le sundae, un flair pour le spectaculaire, au grand dam de George Karl, probablement écœuré du show par son passage à Seattle, mais pour le plus grand plaisir des amateurs de Top 10 de la fin des années 90.

Statistiquement, stylistiquement, il n’a rien à envier aux jeunes stars de sa génération. À Milwaukee ses performances sont remarquables et, à Seattle, après son transfert en 2003 contre les cordes vocales de Gary Payton, il franchit encore un cap, au point d’exploser le record de tirs à trois-points sur une saison, le vrai, pas la version tronquée de Dennis Scott.

Ray Allen tourne à plus de 25 points par match, est capable de cartons mémorables (comme ses 8 tirs à trois-points, dont celui de la gagne après deux prolongations, contre les Suns en janvier 2006). Il a tout d’une star, sauf l’envie d’en être une. Et ça ne l’ennuie pas, au contraire.

« Être en contrôle est essentiellement le programme de ma vie », confie Ray Allen, qui de son propre aveu n’a jamais bu d’alcool de sa vie, alors qu’il termine sa saison junior en NCAA, qui s’avèrera être sa dernière.

« Prendre tout en mains et prendre mes propres décisions. »

Que des GM’s lui aient préféré des joueurs en apparence plus talentueux mais au comportement à risque comme Marbury ou Iverson montre à quel point la draft est un pari, tant la personnalité de Ray Allen en faisait déjà un professionnel aguerri dès la fac. Élevé dans la rigidité de l’armée, il en a tiré une valeur qui a marqué sa carrière.

« Il y a toujours eu une certaine uniformité [dans le cadre militaire], une certaine structure, et ça a déteint sur moi », explique-t-il toujours à SI.

« Je ne vais pas nécessairement m’y conformer à ce point, mais j’aime la discipline. »

Cette discipline indispensable pour s’enfermer encore et toujours dans le gymnase et enquiller les tirs, qui en a fait un scoreur redoutable et complet de UConn à Seattle, puis l’un des snipers les plus redoutés de l’histoire quand son âge l’a forcé à adapter son jeu. Ce que son rival de jeunesse Iverson, soit dit en passant, n’a tristement jamais été capable de faire.

Progressez au tir avec l’exercice favori de Ray Allen