The Shrug : Le jour où Michael Jordan s’est vengé des Blazers en une mi-temps

Le 3 juin 1992, Michael Jordan réalisait une mi-temps de folie pour annoncer la couleur en finales face aux Blazers. « His Airness » en profitait pour établir le record du nombre de points et de trois-point inscrits en une période en finales. Et s'étonnait lui-même.

Guillaume RantetPar Guillaume Rantet | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / G.O.D.
Nous sommes en juin 1992. Le nom de Michael Jordan fait les gros titres des journaux depuis quelques jours. À Portland et à Chicago, les deux villes finalistes. Mais également dans toute l'Amérique du Nord. Dans la presse, deux thèmes majeurs. D'abord l'opposition entre le troisième pick de la draft 1984 et la franchise qui lui a préféré Sam Bowie cette année-là. Ensuite un débat : qui est plus fort entre Michael Jordan et Clyde Drexler ? Même si le premier a été désigné MVP pour la deuxième année consécutive et la troisième fois de sa carrière, certains penchent pour « The Glide ». Mettant notamment en avant la moyenne de 25 points par match de celui qui a terminé deuxième au titre de MVP, son aisance à trois-points, ainsi que les lacunes de MJ à l'exercice. Jordan écoute. Note. Et attend l'instant crucial.

La mauvaise réputation

Car chez Michael Jordan, les trois-points représentaient bel et bien une épine dans le pied d'un géant en vue de ces finales. Beaucoup avaient ri en le voyant se ridiculiser au concours à trois-points en 1990 : il avait alors inscrit seulement cinq points. Une maladresse incommensurable. Tout simplement la pire de l'histoire du concours. Surtout, « His Airness » n'avait inscrit que 27 trois-points sur 100 tentatives sur la saison. Un tous les trois matchs, quand Clyde Drexler, lui, en avait rentré 114... https://www.youtube.com/watch?v=3YaJdmwnGDo À cette date, il n'avait tout simplement jamais réussi 100 trois-points derrière l'arc en saison. Une performance qu'il ne réalisera que deux fois dans sa carrière. Lors de ces playoffs, MJ affichait un pauvre 5/16 à trois-points. Les Bulls avaient néanmoins réussi à se défaire du Heat en trois manches, à vaincre les Knicks lors d'un Game 7 et à se qualifier en finales aux dépens des Cavs en six matches. Leur très bon bilan de la saison régulière (67 victoires, le record de la franchise de l'époque), leur statut de champion en titre et leur parcours jusqu'à ces finales parlaient pour eux. Mais leur star devait encore franchir une étape.

La faille

Les Blazers connaissaient ses difficultés à trois-points. Si bien qu'ils lui ont (logiquement) laissé plus d'opportunités derrière l'arc qu'à mi-distance et en pénétration lors du Game 1. Ils ont eu tort. À Chicago, dès le premier quart, il inscrit 18 points. Dont trois trois-points. Les Bulls mènent 33-30. Le show ne fait que commencer. En face, les Blazers s'inquiètent : et si cette stratégie ne suffisait pas à l'arrêter ?
« La plupart du temps je ne m'inquiète pas quand il shoote à trois-points, mais ce soir c'était comme si ils allaient tous rentrer », déclare Terry Porter après la rencontre.
Michael Jordan, lui, a su s’engouffrer dans la faille. Il raconte :
« Je ne suis vraiment pas concentré sur les trois-points cette année. Je ne voulais pas shooter à trois-points ce soir, mais ce sont les shoots qu'ils m'ont permis de faire. Je me suis senti à l'aise et j'ai commencé à prendre feu. »
Terry Porter craignait qu'il réalise un sans faute. Mais ils ne rentreront pas tous. Quatre, précisément, lui échapperont. Mais, sur sa lancée, l'arrière en inscrira également trois autres lors du deuxième quart-temps. Inscrire six trois-points en une mi-temps : personne d'autre n'a su réaliser une telle performance en finales dans l'histoire. Michael Jordan l'a fait. Alors que l'on croyait que l'on tenait là sa faille...

La délivrance

C'est après sa sixième réalisation qu'il a fait part de son étonnement. Quand son public se levait pour acclamer le héros qui venait de porter le score à 66-49, lui haussait simplement les épaules. Et prouvait que comme chaque spectateur, il était surpris par son aisance du soir derrière l'arc. Il fixe alors du regard les commentateurs de NBC. Leurs noms : Magic Johnson, Mike Fratello, Marv Albert. Lors du dernier trois-points de MJ, ce dernier savoure :
« Jordan pour un nouveau trois-points...yes ! Vous avez-vu ce regard ? Michael dit qu'il ne peut pas y croire ! »
À cet instant, le joueur des Bulls lâche :
« Je suppose que tout va rentrer. »
Jordan, mais après le match :
« Personne ne s'y attendait. Je ne comprenais pas ce qu'il se passait, mais je continuais à shooter. Le premier avait l'air tellement bien que je devais en prendre en plus. Je ne pouvais pas rater. Les trois-points étaient aussi faciles que des lancers-francs. Je ne savais pas ce qu'il se passait. »
https://www.youtube.com/watch?v=NLDNxhFCXPs Tout le monde est sous le choc. Son coéquipier John Paxson raconte :
« Je pense que même Michael ne pouvait pas l'expliquer. Je l'ai regardé à plusieurs reprises et il haussait les épaules comme s'il ne comprenait pas ce qu'il se passait. »
Avec ce geste, qu'il a donc répété à plusieurs reprises durant le match, Michael Jordan offrait l'une des images les plus mémorables du sport nord-américain et de sa carrière. Le « Shrug Game » était né.

La vengeance

Mais Michael Jordan n'a pas brillé qu'à trois-points lors de cette rencontre. En inscrivant 35 points en première mi-temps, il a tout simplement établi le record du nombre de points inscrits lors d'une période d'un match de finales. Sa feuille de stat à l'issue de la rencontre : 39 points, à 16/27 au shoot, 11 assists, 3 rebonds, et seulement une perte de balle en 34 minutes de jeu. Le score final : 122-89. Trente-trois points d'écart, les Blazers sont terrassés. MJ s'est même offert un deuxième record avec le plus grand nombre de trois-points réussis en une période lors des finales. Et ainsi égalé le record de Michael Cooper avec les Lakers et de Bill Laimbeer avec les Pistons, qui avaient inscrit six trois-points lors d'une rencontre des finales.
« Laimbeer ? Si vous me l'aviez dit plus tôt, j'aurais continué à shooter », a-t-il lâché au Chicago Sun-Tumes lorsqu'on lui a rappelé ce record, prouvant de nouveau l'amour qu'il a voué à Detroit toute sa carrière
Ce soir-là, Michael Jordan prouvait (encore) qu'il aurait très bien pu être le dauphin d'Hakeem Olajuwon lors de la Draft huit ans auparavant. Mais les Blazers avaient choisi Sam Bowie, qui a ensuite rejoint les New Jersey Nets en 1989. Lors de la rencontre, le diffuseur affiche un tableau afin de remémorer ce choix de Portland, mais également celui de Chicago un an avant qui était passé outre Clyde Drexler, drafté en quatorzième position par les Blazers, pour sélectionner Ennis Whatley en treizième position. Rappelant ainsi qu'entre les deux équipes, les erreurs lors de la Draft n'étaient pas l'apanage de Portand. Après avoir réalisé l'une des plus grandes performances de l'histoire des playoffs face à la franchise qui l'avait snobé, Michael Jordan a continué à mener les Bulls vers un deuxième titre consécutif. Le deuxième de ses six titres. Il inscrit 33 points lors du Game 6 et les 12 des 17 derniers points des Bulls pour grandement participer à leur come-back, eux qui avaient été menés de quatorze points durant le match. Comme Scottie Pippen, il terminait la rencontre à 2/3 à trois-points. Clyde Drexler, lui, finissait à 1/3 le dernier match de la série. Les moqueries sur les tirs derrière l'arc de Jordan ? Le débat Jordan-Drexler ? Du passé...

Les highlights de Michael Jordan lors de « The Shrug »

https://www.youtube.com/watch?v=dASHnEHnQ7Q
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