Utah Jazz, la mélodie endiablée

Utah Jazz, la mélodie endiablée

Le Utah Jazz a surmonté tous les obstacles mis sur sa route depuis 6 mois. Voilà le groupe de Quin Snyder plus que jamais dans la course aux playoffs grâce à une somme d'ingrédients savamment dosés.

Shaï MamouPar Shaï Mamou  | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Focus
Généralement, lorsque l'on se penche sur une équipe en plein boom et invaincue depuis un certain temps, la série s'arrête brutalement dans la foulée. Qu'importe. Ce qu'il se passe dans l'Utah ces derniers mois et particulièrement ces derniers jours mérite un focus. Le Jazz ne jouera peut-être pas les playoffs après y avoir repris goût la saison passée. Mais dans un Ouest toujours relevé, cette équipe mérite que l'on chante ses louanges. Et si on devait se transformer en fans pour le sprint final, la franchise de Salt Lake City aurait nos faveurs. C'est le lot des organisations où le travail est bien fait et où on ne se plaint pas des coups d'arrêt et des coups du sort. Le Jazz aurait pu avancer que le départ de Gordon Hayward pour Boston, les blessures fâcheuses de Rudy Gobert et l'absence de marché pour un gros free agent étaient des freins justifiant du tanking. Au lieu de ça, Dennis Lindsey, le General Manager, et Quin Snyder, le coach, ont montré qu'ils étaient bien des protégés de Gregg Popovich et Mike Krzyzewski, deux des pointures du milieu. Après un début de saison logiquement poussif, refonte du roster et blessures obligent, le Jazz est, à l'approche de la trêve du All-Star Game, l'équipe la plus en forme du moment. C'est aussi celle qui offre le spectacle le plus appréciable en termes d'intelligence de jeu, d'efforts et de dynamique collective. La 10e victoire consécutive d'Utah, glanée à domicile contre les San Antonio Spurs, est anecdotique. C'est la manière dont s'est construite cette série et ce qu'elle implique comme promesses pour l'avenir proche et à moyen terme qui compte.

Donovan Mitchell et une addition de paris

Evidemment, on pourrait se contenter de dire que c'est grâce à un coup de génie lors de la Draft que le Jazz est aujourd'hui à la lutte pour une place en playoffs. Récupérer Donovan Mitchell au 13e rang après avoir simplement accepté de lâcher Trey Lyles et le 23e pick (Tyler Lydon) tient du génie. L'ancien meneur de Louisville est un rookie d'un genre assez exceptionnel. Mitchell est le premier rookie à être en tête au scoring pour une équipe qui a enchaîné 10 victoires depuis Wilt Chamberlain. C'est aussi une boule d'énergie contagieuse qui dunke, saute, crosse, arrache, shoote et passe avec une intensité démentielle. Sans les statistiques flatteuses de Ben Simmons, l'ex-protégé de Rick Pitino pourrait déjà faire une place pour le trophée de Rookie of the Year sur son étagère. On a presque l'impression que Donovan Mitchell, 19.4 points de moyenne à 44%, est là depuis 5 ans et prépare un run pour être désigné All-Star. Le garçon n'a que 21 ans et profite de l'état d'esprit et de l'éthique de travail d'un groupe lui aussi très performant. Discrètement, Rudy Gobert a lui aussi transformé le Jazz. Après deux stops très contrariants pour soigner son genou, le voilà redevenu une force de dissuasion défensive majeure en défense. Le Français n'a pas besoin de scorer plus que de raison, ni de se muer en Dikembe Mutombo sur le plan statistique. Depuis son retour, Utah affiche un bilan de 11 victoires et 2 défaites, sans être distrait par des discussions autour d'un titre de meilleur défenseur ou de All-Star potentiel. Gobert à ça en lui, mais ce sont les objectifs collectifs qui priment depuis le début de l'année. A ses côtés dans le cinq, d'autres joueurs se révèlent ou montrent qu'ils avaient un niveau supérieur caché en eux. Ricky Rubio, libéré d'un partenariat improductif avec Rodney Hood, parti depuis à Cleveland, est plus agressif offensivement que jamais et n'est plus constamment enquête d'un chiffre rond à la passe. L'Espagnol est épanoui depuis le début de l'année, alors qu'on était prêt à abandonner toute perspective de grandeur pour lui en NBA. Le cas de Joe Ingles est aussi intéressant. Déjà en vue l'année dernière et porté par un état d'esprit revanchard après avoir été mené en bateau par les Clippers, le Boomer est une bête de scène cette saison. L'ancien Barcelonais prouve soir après soir qu'il n'est pas uniquement un shooteur efficace. Non seulement Ingles est encore dans le top 3 des snipers au pourcentage le plus élevé (45.3%), mais il impacte en défense et à la création. Une sorte de couteau-australien indispensable qui n'apparaît subitement ni surpayé (14 millions), ni uniquement là pour faire plaisir à Gordon Hayward. Depuis le début du mois, Joe Ingles tourne à 16.3 points de moyenne à 59% (!) et 54.1% à 3 points et est un élément moteur de ce groupe. A cette heure, aucune équipe à l'Ouest n'a envie d'opposer l'un de ses meilleurs joueurs à l'agressif et efficace Ingles, en défense comme en attaque. Il y a aussi ces paris pris par Dennis Lindsey et qui ont des résultats au-delà des espérances. Royce O'Neale, non drafté à sa sortie de Baylor en 2015 et passé par Ludwigsburg en Allemagne et Gran Canaria en Espagne, a été arraché au Zalgiris Kaunas avant le début de la saison. Un coup qui paraissait anodin à l'époque, mais qui a offert à Quin Snyder un excellent joueur de rotation. O'Neale est capable de jouer sur trois postes (1, 2 et 3) avec l'intensité et l'efficacité d'un type outré de ne pas avoir eu sa chance plus tôt. O'Neale fait un peu de tout et est le roi des fameux intangibles qui rendent un joueur indispensable. Le Texan de 25 ans est l'une des révélations sans strass ni paillettes de la saison et touchera à peine plus d'un million de dollars la saison prochaine... C'est lui a réussi le stop décisif et symbolique contre les Spurs pour parachever cette série de victoires la nuit dernière.

Le King Quin

Tous ces ingrédients ne seraient évidemment pas aussi savoureux sans un chef digne de ce nom pour les associer. Quin Snyder n'est pas qu'un coach agité et peigné comme un bad guy des Feux de l'Amour. Au fil des ans, celui qui est longtemps passé pour un super assistant est devenu un super coach. Sur la durée, comme on aime tant le faire dans l'Utah, l'ancien Dukie façonne son groupe et lui fait refuser la médiocrité. Désormais à une victoire de la 8e place, le Jazz est prêt à déloger tous ceux qui flancheront ou sous-estimeront le danger que représente ce groupe de sans-grades. Aucun All-Star, un seul ancien top 5 de Draft (Rubio), des éléments revanchards auxquels s'est joint Jae Crowder, mais surtout un noyau cohérent et sans le moindre joueur de plus de 32 ans (Thabo Sefolosha est blessé). La NBA a pris note, le Jazz prend rendez-vous.
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