Pourquoi Stephen Curry a intérêt à cacher sa blessure

Touché au genou il y a un mois, Stephen Curry promet d'être à 100%. Certaines évidences semblent laisser penser le contraire. Alors, s'agit-il d'un coup de bluff ? Analyse.

Pourquoi Stephen Curry a intérêt à cacher sa blessure
A peine un mois s'est écoulé depuis le jour où Stephen Curry a mis un genou à terre sur le parquet des Houston Rockets, laissant envahir un sentiment d'inquiétude auprès de la planète basket et plus particulièrement des Golden State Warriors. Les analyses rendront leur verdict quelques heures plus tard : entorse du genou et plusieurs semaines, deux à quatre, de convalescence pour le double MVP. Si la superstar avait respecté la période de repos la plus longue, elle retrouverait les parquets pour la première fois ce soir, lors du cinquième match des finales de Conférence contre le Oklahoma City Thunder. [superquote pos="d"]Stephen Curry aurait dû rejouer pour la première fois... ce soir ! [/superquote]Seulement voilà, Curry a préféré revenir le plus rapidement possible au sein de la rotation des champions en titre vainqueurs de 73 matches, un record majestueux, en saison régulière. Il a planté 40 points en 37 minutes dès son retour à la compétition contre Portland. Sa blessure au genou et les conséquences pourtant évidentes de celle-ci ont cessé de faire les unes de l'actualité basket. Comme si toutes traces, toutes onces de douleur, avaient simplement disparu dès le premier carton du meilleur joueur de la planète. Dans les faits, pourtant, il ne semble pas à son meilleur niveau et ce serait logique après avoir subi une blessure au genou quelques semaines plus tôt. Marc J. Spears, David Aldridge et les autres journalistes NBA qui ont l'habitude de le suivre tout au long de l'année, et d'être dans la salle, où l'impression laissée par un joueur est complètement différente (ceux qui ont déjà eu la chance de voir un match NBA autrement qu'à travers un écran savent qu'il s'agit presque d'un autre sport), affirment sans hésiter que Curry n'est évidemment pas en pleine possession de ses moyens. Il ne dégage pas la même explosivité, pas la même agilité ou la même vivacité. Il n'est plus aussi tranchant, ce qui, encore une fois, serait justifié pour un joueur ayant subi une entorse du genou moins d'un mois auparavant. Le très sérieux Adrian Wojnarowski de The Vertical cite même une source proche du joueur pour renforcer les spéculations.
"Il est à 70% dans le meilleur des cas."
[superquote pos="d"]Steve Kerr avoue qu'il n'est pas aussi explosif que d'habitude [/superquote]La quantification peut sembler un peu ridicule mais elle confirme ce qui saute aux yeux : le basketteur le plus marquant de la saison est diminué. Il ne parvient pas à prendre de vitesse les intérieurs du Thunder a priori bien plus lents que lui et rate même des layups près du cercle. Ses statistiques sur la série - 24,3 points 42% et 37% à trois-points - sont en deçà de ses standards habituels. Mais que ce soit lui ou son coach Steve Kerr, tous réfutent en bloc toute hypothèse d'une blessure lorsqu'il s'agit d'expliquer les contre-performances du meneur des Warriors.
"Je sais qu'il n'est pas blessé. S'il était blessé, il ne jouerait pas. Est-ce qu'il est gêné un petit peu après avoir passé trois semaines sans jouer le moindre match ? Sans doute mais il n'est pas blessé", assure sans relâche un Steve Kerr qui admet tout de même que sa star n'est pas aussi explosive qu'à l’accoutumée.
Il n'y a pas besoin d'être médecin spécialisé ni même un grand passionné de sport pour comprendre que le genou est essentiel au basket. Il est très difficile de se remettre complètement d'une blessure sans observer un réel temps de repos. Une période que Curry n'a pas pu s'offrir, playoffs oblige.

Le besoin de garder le contrôle

[caption id="attachment_269601" align="alignleft" width="318"] Stephen Curry a envie de croire qu'il est encore en pleine possession de ses moyens.[/caption] Alors, ce débat, il agace. Certains reprochent aux médias de vouloir donner des excuses à un joueur qui a été déjà mis en avant tout au long de la saison et dont les performances ont été décrites à coup d'hyperboles plus fortes les unes que les autres. Une autre partie du public, elle, ne comprend pas pourquoi le joueur et sa franchise. Ils se contentent de l’explication la plus terre à terre : s'il dit qu'il n'est pas blessé, c'est qu'il ne l'est pas. Après tout, pourquoi refuser une excuse toute faite ? Les humains ont tendance à continuellement se chercher des excuses pour justifier leurs erreurs ou leurs échecs alors pourquoi écarter celle qui leur tend les bras ? Ils ont peut-être tous raison. Après tout, il ne s'agit que d'hypothèses et de spéculations. Mais si vous pensez que Stephen Curry est effectivement blessé ou légèrement diminué, alors il est important de comprendre pourquoi l'organisation cherche tant à réfuter cette version. D'abord, le but premier n'est pas de faire croire que la superstar est un champion si grand, si noble et si vertueux qu'il refuse toute excuse. Il y a peut-être, encore une fois peut-être, une explication plus profonde. [superquote pos="d"]Refuser de voir un problème, c'est se persuader que l'on est toujours capable de tout [/superquote]Refuser de voir un problème est une caractéristique de l'esprit. Ceux qui ont déjà traversé des crises de confiance (éventuellement) comprendront peut-être plus facilement cette analyse. Refuser de voir un problème, c'est se persuader que la situation est toujours sous contrôle. C'est se donner envie de croire que tout va bien et que tout reste possible. Dans le cas de Stephen Curry, c'est une façon de se convaincre qu'il est toujours à 100% et donc toujours en mesure de réussir les mouvements spectaculaires auxquels il nous a habitué toute la saison. Il veut croire qu'il en est toujours capable et il sait que, s'il n'est pas à 100%, son équipe a peu de chance de l'emporter. [caption id="attachment_271553" align="alignleft" width="318"] Stephen Curry n'a pas son rendement habituel depuis le début des finales de Conférence.[/caption] Accepter de ne pas être en pleine possession de ses moyens serait peut-être une façon d'admettre que la bataille est perdue d'avance. Sans un Curry à 100%, les Warriors ne remonteront jamais un déficit que seules neuf équipes sont parvenues à effacer dans l'histoire de la NBA. Il a peut-être besoin de se dire que ce n'est pas son genou qui l'embête, qu'il est simplement moins bon et donc capable de rebondir lors du match suivant. Puis celui d'après. Et ainsi de suite. Il a besoin de croire qu'il est en pleine possession de son corps. Car si réaliser un problème est la première étape vers la guérison, cette acceptation a aussi parfois des conséquences psychologiques immédiates... qui pourraient sembler négatives. Accepter un problème, cela met parfois un coup au moral car cela revient à se rendre compte que l'on est humain et que l'on a besoin d'aide. Dans le cas de Curry, cela reviendrait à accepter qu'il a besoin de laisser son genou se reposer.

Les conséquences psychologiques pour les Warriors et le Thunder

Or le timing joue en défaveur des Golden State Warriors. Le Thunder est trop fort pour que la franchise californienne s'en sorte sans son meilleur élément. Et ça, Steve Kerr le sait aussi, d'où le back-up permanent des versions avancées par Curry. Il veut aider sa star à garder son état de confiance. [superquote pos="d"]Stephen Curry et ses performances insufflent une confiance sans limite aux Warriors[/superquote]Il sait aussi que c'est bien Steph et ses performances surréalistes qui insufflent le sentiment d'invincibilité aux Warriors. Il est l'un de ces leaders qui montrent l'exemple. Ses coéquipiers se nourrissent de sa confiance sans limite. Avec lui, ils se sentent capables de tout. Capables de remonter n'importe quel déficit pendant un match. Ou même au cours d'une série. Révéler un état de santé fragilisé de la star reviendrait à frapper sur la tête d'un groupe déjà perturbé par les échecs cuisants contre Oklahoma City. De la même façon qu'il inspire ses troupes, Stephen Curry doit susciter la peur auprès de ses adversaires. C'est ce qu'il a fait tout au long de l'année. Avouer sa blessure serait conférer un avantage psychologique supplémentaire au Thunder, déjà revigoré par sa série de succès contre San Antonio et Golden State. Oklahoma City est à l'affût, prêt à achever la bête blessée, prêt à frapper là où ça fait mal. [caption id="attachment_324257" align="alignleft" width="318"] Les Warriors ont besoin d'un Curry à 100% pour gagner.[/caption] Une autre hypothèse un peu moins évidente mais néanmoins possible rejoint le rapport de Curry aux critiques. Il a souvent été sous-estimé en raison de ses blessures aux chevilles par le passé, des pépins physiques qui lui ont coûté quelques millions de dollars lors de la signature de son dernier contrat. Le garçon est sans doute passé au-dessus des critiques depuis mais il est facile de supposer que les nouvelles vagues de remarques négatives qui accompagnent les déboires des Warriors ne sont pas agréables. Les partisans du "il n'a pas le corps pour faire la différence au plus haut niveau du plus haut niveau" ont repris des couleurs. Encore une fois, il ne s'agit que d'hypothèses. Aucune d'entre elles ne sont des vérités absolues. Et elles n'enlèvent rien au talent du Oklahoma City Thunder, une formation qui a vraiment pris une autre ampleur depuis les demi-finales de Conférence. Nous aurons peut-être une réponse plus précise à toutes ces questions pendant l'été (surtout si Curry venait à se faire opérer du genou... tiens, tiens), une fois la compétition terminée et les Warriors éliminés ou à nouveau champions. Il nous semblait juste important de mettre en lumière quelques points d'ombre qui entoure actuellement le cas du joueur le plus populaire de la ligue.