Tim Duncan, tu es une légende

On vous propose de replonger dans l'histoire de Tim Duncan, l'icône des San Antonio Spurs et de l'un des plus grands champions de la NBA.

Tim Duncan, tu es une légende

Tim Duncan fête ses 47 ans aujourd'hui. L'occasion de vous reproposer cet excellent portrait qu'en avait fait Antoine Pimmel en 2016. 

On imagine le bourdonnement infernal entre les oreilles de Tim Duncan. Une tempête intérieure interminable. American Airlines Arena, septième manche des finales NBA 2013. L’un des meilleurs joueurs de l’histoire du basket vient de manquer un panier tout cuit à moins de trois mètres du cercle et à moins de quarante-cinq secondes de la fin du match.

Un tir à une main qu’il a inscrit des milliers de fois au cours de sa carrière. Un panier qui aurait pu ramener les San Antonio Spurs à égalité avec le Miami Heat. Accroupi, en colère contre lui-même, il frappe sur le parquet. Il hurle, se tient le crâne dégarni. La suite appartient désormais à l’histoire.

« Ce match me hantera toujours », déclarait alors un Tim Duncan au bord des larmes après la défaite cruelle de ses San Antonio Spurs.

Tim Duncan, les origines

C’est une autre tempête, le phénomène météorologique cette fois-ci, qui amène Tim Duncan à la balle orange. Natif de Sainte-Croix, l’une des Îles Vierges américaines, le seul garçon d’une famille de quatre enfants commence par la natation. Il est même destiné à participer aux Jeux Olympiques de Barcelone en 1992. Pas avec la Dream Team légendaire de Michael Jordan, Larry Bird, Magic Johnson et leurs compères mais avec la sélection US de natation.

« Il a très vite été très bon en sport. Il était plus jeune mais il se mesurait déjà aux plus grands et aux plus rapides. Il était timide mais il restait toujours très concentré », expliquait Debbie Sun, son ancienne coéquipière au sein du club de natation de Christiansted.

50, 100 ou 400 mètres nages libres, Duncan est prometteur. Attentif en classe, il s’entraîne après l’école. Jusqu’au jour où le dévastateur ouragan Hugo ravage l’île de Sainte-Croix en 1989.

« La tornade a emporté notre piscine, ce qui a cassé les habitudes de Tim. Lorsque notre mère est décédé, il a perdu la motivation », note Tricia Duncan, sa sœur.

La piscine olympique de l’île a elle aussi été emportée par l’ouragan. Le club de natation est alors contraint de s’entraîner au beau milieu de l’océan Atlantique, ce qui décourage le jeune homme, apeuré par les requins. Un jour avant son quatorzième anniversaire, sa mère décède des suites d’un cancer du sein. Un énorme coup dur, évidemment, mais aussi un point de rupture entre Tim Duncan et la natation. Dévasté intérieurement et démotivé, il se tourne vers le basket, initié par son beau-frère. Ricky Lowry, le mari de Cheryl Duncan, a joué en NCAA pour Capital University, dans l’Ohio. Il décide d’enseigner les fondamentaux de la balle orange au frangin de sa fiancée.

« Timmy, allons faire des shoots ! Tu as déjà vu combien de nageurs conduire une Porsche ?"

Duncan mesure alors 1,80 m. Lowry lui apprend donc les bases nécessaires aux arrières et aux ailiers. Des fondamentaux qui démarqueront le géant des autres intérieurs et qui feront sa marque de fabrique tout au long de sa carrière. Le panier installé dans le jardin familial devient le terrain de jeu du jeune adolescent de 14 ans.

« Je pensais me remettre à la natation une fois la saison de basket terminée… mais la saison ne s’est jamais finie ! »

C’est donc tout naturellement que Tim Duncan, qui a pris une bonne dizaine de centimètres, décide de s’inscrire au sein de l’équipe de basket de son lycée à Sainte-Croix. Il n’est pas le plus doué mais il apprend vite et progresse jour après jour, séance après séance, auprès de ses premiers coaches et premiers compagnons de jeu.

« Mon attrait pour le basket n’a pas arrêté de grandir. Je jouais tous les jours et, lorsque je rentrais, j’étais impatient de rejouer. J’aime être connecté aux autres. Je trouve ça génial d’avoir des coéquipiers avec lesquels on peut partager la pression. J’ai commencé à jouer tard mais j’ai pu apprendre vite grâce aux gens autour de moi. »

DUNCAN Wake Forest

La stat qui montre que Larry Bird et Tim Duncan étaient des champions uniques

De Sainte-Croix à Wake Forest

Lors de sa saison senior, il tourne à plus de 25 points par match et commence à attirer l’attention de quelques universités. Mais nous sommes bien loin du tapage médiatique qu’ont pu susciter récemment d'autres jeunes talents au moment de s’inscrire à la faculté. Duncan est originaire des Îles Vierges et les basketteurs n’y sont pas légions (NDLR : seul trois joueurs natifs des Îles Vierges ont déjà joué en NBA : Charles Claxton, Tim Duncan et Raja Bell). C’est donc à reculons que Dave Odom, le coach de Wake Forest, se rend à Sainte-Croix.

L’entraîneur des Demon Deacons occupe la place sur le banc de l’université de Caroline du Nord depuis trois ans et il n’a encore jamais atteint le Sweet Sixteen. Il a eu vent des exploits de Duncan via l’un de ses anciens poulains, Chris King, drafté au second tour en 1992. Lors d’une réunion de rookies dans les Îles Vierges, ce dernier a eu l’occasion de voir le jeune Timmy à l’œuvre face à Alonzo Mourning, deuxième choix la même année. King contacte donc Odom et l’invite à se déplacer jusqu’à Sainte-Croix. Sous les yeux du coach de Wake Forest, Tim Duncan fait du Tim Duncan : il domine ses adversaires de bout en bout.

« J’étais là, assis à le regarder, et je me suis dit que si ce gamin jouait dans  l’un des 48 autres états, il y aurait une guerre pour le recruter », raconte Dave Odom.

La guerre n’a pas lieu et Tim Duncan rejoint Wake Forest en 1993. En parallèle de son cursus « d’étudiant-sportif », il suit des cours de psychologie et d’anthropologie.

« C’était l’un de mes élèves les plus intellectuels. Sa taille mise à part, il ressemblait à tous les autres étudiants de Wake Forest », se rappelle Deborah Best, responsable du département psychologique.

Sur le parquet, l’adaptation est plus difficile. Alors que Dave Odom pense couver Duncan, il est contraint de l’envoyer en première ligne suite au départ de Makthar N’Diaye vers Michigan. Tim est dans le grand bain dès sa saison freshman, à une époque où – on le rappelle – les meilleurs joueurs restaient plus d’une saison à l’université. Les freshmen avaient tendance à ronger leur frein sur le banc avant d’exploser par la suite.

Le géant issu des Îles Vierges n’affole pas les compteurs. Il finit certains matches sans marquer le moindre le point. Mais la plupart du temps, il se contente de faire simple et efficace. Solide. Il flirte même avec le double-double de moyenne à l’issue de sa première saison avec les Demon Deacons (9,8 pts et 9,6 rbds). Mais on sent déjà l’immense potentiel chez ce joueur de 2,13 m qui se distingue par ses fondamentaux et son tir avec la planche.

Tim Duncan et l’art perdu du bank shot en NBA

Un "vrai" premier choix de draft

Il poursuit son ascension la saison suivante et compile près de 17 points et 12 rebonds. Il est alors déjà pressenti pour être drafté en première position au mois de juin 1995. Mais Tim Duncan fait savoir qu’il compte bien effectuer un cursus complet à l’université, comme il l’a promis à sa mère avant que cette dernière ne rejoigne les cieux. Joe Smith est sélectionné en première position par les Golden State Warriors et Duncan rempile à Wake Forest. Il s’impose comme l’unique leader de l’équipe suite au départ de Randolph Childress pour la NBA en 1996.

Il termine son cursus avec plusieurs distinctions de meilleur joueur universitaire du pays, meilleur défenseur de sa conférence, etc. Il est aussi le premier joueur de l’histoire de la NCAA à cumuler plus de 1500 points, 1000 rebonds, 400 blocks et 200 passes décisives. Surtout, il obtient son diplôme et est en mesure de se présenter à la Draft après avoir fait languir les dirigeants des franchises NBA pendant plusieurs années.

« Peu importe qui a la chance de le drafter, il fera de n’importe quelle équipe un prétendant immédiat au titre », remarque Larry Brown, alors aux Philadelphie Sixers.

La loterie pré-draft est un événement chaque année en NBA. Encore plus en 1997. Comme l’a souligné le coach Hall Of Famer, la franchise qui récupère Tim Duncan s’assure plusieurs années sur le devant de la scène. Les Sixers sont en bonne position. L’équipe de Pennsylvanie a terminé avec le quatrième plus mauvais bilan de la ligue. Mais les deux principaux cancres sont les Vancouver Grizzlies (R.I.P.), installés en NBA depuis seulement deux saisons, et les Boston Celtics, qui ont saboté leur saison en espérant mettre la main sur le prodige de Wake Forest.

« Lorsque vous récupérez quelqu’un comme Tim Duncan, vous obtenez un joueur très, très spécial », notait alors Rick Pitino, entraîneur des Celtics.

Les San Antonio Spurs ont terminé avec le troisième plus mauvais bilan de la ligue après avoir notamment souffert des blessures de David Robinson, le meilleur joueur de la franchise. La suite, c’est Gregg Popovich qui la raconte le mieux.

« Nous étions dans une grande tente à côté des studios et les responsables sont venus nous voir pour nous demander de venir nous asseoir dans les gradins. Je n’y suis pas allé car il n’y avait aucune chance que nous récupérions le premier choix de draft. Tout le monde est parti et je suis resté dans la tente avec la nourriture et la bière.

J’étais donc en train de regarder ma petite télé en mangeant un hamburger et en buvant une bière. C’était le moment où nous étions censés récupérer notre choix. Mais ce n’était pas nous mais une autre équipe. J’étais tellement choqué que j’ai fait tomber mon hamburger. C’était incroyable. L’un de nous allait récupérer Tim Duncan.

Tous ces gars sont revenus dans la tente pour me féliciter comme si j’avais fait quelque chose. Je n’ai rien fait d’autre que boire une bière et manger un hamburger et ces gars me félicitaient pour le travail que j’avais accompli. »

« Pop est l’homme le plus chanceux sur terre », plaisante alors Doc Rivers.

Les San Antonio Spurs disposent déjà d’une équipe solide avec un pivot superstar comme David Robinson, multiple All-Star, MVP de la ligue en 1995 et meilleur marqueur l’année précédente. Outre « l’Amiral », les éperons peuvent compter sur une armada de vétérans et de joueurs de devoir. C’est l’environnement idéal pour accueillir une jeune star en devenir.

« Duncan – Robinson… intéressant », remarque même David Stern, le commissionnaire, quelques semaines plus tard, lorsque les Spurs ont finalement mis la main sur la star de Wake Forest.

« Ce n’était pas censé se dérouler comme ça. Une équipe aussi talentueuse que la nôtre n’est pas censée gagner la loterie et récupérer un joueur comme Duncan. Mais les blessures nous ont menées ici », explique Jack Diller, le président des San Antonio Spurs à l’époque.

Les Boston Celtics sont dépités. La franchise a mis la main sur le troisième et le sixième choix. Les Verts sélectionnent Chauncey Billups et Ron Mercer. Avoir deux choix dans le top 10 est un luxe. Mais le fossé est tellement béant entre Duncan et les autres prospects que les C’s vont tenter le tout pour le tout.

« Dès que la loterie était terminée, j’ai reçu un appel de Rick Pitino (alors coach des Boston Celtics). Il me demandait de proposer le troisième et le sixième choix aux Spurs en l’échange du premier. Vous vous imaginez faire une telle demande ? Nous aurions pu proposer tous nos choix à venir que Popovich n’aurait tout de même pas accepté », raconte M.L. Carr, un ancien responsable des Boston Celtics.

Les rumeurs fusent. On n’imagine même pas l’activité de la soirée sur la toile si Twitter avait existé en 1997. Les Celtics, comme les autres franchises de la NBA, veulent Tim Duncan. Mais Gregg Popovich coupe court à toute spéculation.

« Nous avons autant de chances de transférer le pick que de faire jouer R.C. Buford sur le parquet. »

« S’il transfère le pick, je me rends chez lui avec mon fusil à pompe » insiste son ancien mentor et nouveau rival, Don Nelson.

Un impact sur les Spurs avant même d'avoir joué en NBA !

A San Antonio, c’est la folie. L’arrivée de Tim Duncan entraîne la franchise dans une nouvelle dimension avant même que l’intérieur ait joué la moindre rencontre.

« On était débordé d’appels. Nous avions des abonnés qui voulaient renouveler leur abonnement pour la saison prochaine, d’autres qui voulaient ajouter des places à leur offre, des anciens abonnés qui voulaient revenir à salle et aussi des gens qui n’étaient jamais venus voir un match », se remémore Russ Bookbinder, vice-président du service marketing des Spurs.

La folie des coulisses gagnent peu à peu les parquets. Pour son premier match officiel en NBA, Duncan inscrit 15 points et capte 10 rebonds. Quelques jours plus tard, il prend 22 rebonds sur la tête de Dennis Rodman. La ligue découvre son futur visage. L’intérieur des Spurs remporte le trophée de meilleur rookie du mois… tous les mois (à noter, qu’au cours de son immense carrière, il n’a été nommé meilleur joueur  du mois qu’à… trois reprises) et les coaches l’invitent au All-Star Game 1998. Le premier d’une longue série. Du haut de ses 21 ans, il a gagné le respect des plus grandes stars de la ligue.

« J’ai vu le futur et il porte le numéro 21. Je ne savais pas qu’il était capable de faire ça. Il est beaucoup plus fort que ce que je l’avais prévu », assure Charles Barkley après une démonstration du rookie.

« Je comprends pourquoi il a été choisi en première position à la draft. Il a énormément de talent et il est très mature. On voit qu’il est resté quatre années à l’université. Il est le rookie de l’année c’est évident mais c’est aussi un candidat au trophée de meilleur joueur de la saison », témoigne même Michael Jordan, alors au sommet de son art.

Les Chicago Bulls remportent leur troisième (et dernier…) titre consécutif cette année-là. En finale, Michael Jordan et ses coéquipiers viennent à bout du Utah Jazz pour la deuxième fois de suite. Quelques semaines plus tôt, Karl Malone et sa bande avaient éliminé les Spurs en cinq manches en demi-finale de la Conférence Ouest. L’ombre du lockout plane sur la NBA. La grève patronale est déclarée et la saison ne reprend qu’en janvier 1999, amputée de 32 matches. Sa Majesté en profite pour prendre sa deuxième (et avant-dernière…) retraite. Scottie Pippen file à Houston rejoindre Hakeem Olajuwon et Charles Barkley. La NBA se cherche un nouveau patron.

La montée en puissance de Tim Duncan

Ce dernier ne met pas longtemps à se mettre en avant. Et comme l’avait prédit « Chuck », le nouveau boss de la ligue porte une tunique des San Antonio Spurs floquée du numéro 21. Rookie Of The Year la saison précédente, Tim Duncan évolue encore à un autre niveau. Après un départ poussif qui a failli coûter la tête de Gregg Popovich, les Texans trouvent leur rythme de croisière et prennent le contrôle de la ligue.

En playoffs, les éperons sont injouables. Une victoire trois manches à une face aux Timberwolves du rival Kevin Garnett pour se mettre en jambes au premier tour (alors disputé au meilleur des cinq matches). Un sweep face aux Los Angeles Lakers de Shaquille O’Neal et Kobe Bryant puis un autre face aux Portland Trail Blazers de Rasheed Wallace. Les Spurs, portés par leurs tours jumelles, disputent leurs premières finales NBA face aux New York Knicks, auteurs d’un parcours héroïque après avoir arraché leur qualification pour les playoffs. Duncan est sans pitié avec Larry Johnson, Allan Houston, Latrell Sprewell, Marcus Camby et les genoux abîmés de Patrick Ewing. Il domine et mène San Antonio sur le toit du monde.

« Il est évidemment le meilleur joueur de la NBA. Pas seulement en raison de ses capacités techniques mais aussi en raison de sa maturité et de sa compréhension du jeu. Ce n’est pas seulement le meilleur joueur, c’est aussi un gars sur lequel San Antonio va pouvoir construire quelque chose sur le long terme en raison de son altruisme », promet alors Jeff Van Gundy, le coach visionnaire des New York Knicks.

« J’ai Tim Duncan et pas toi », dira même Gregg Popovich à son confrère vaincu pour expliquer la victoire de son équipe.

Les Spurs sont alors bien partis pour construire une dynastie et reprendre le flambeau de Michael Jordan et les Chicago Bulls. Mais une vilaine blessure prive la superstar des playoffs après une belle saison régulière (il a notamment été élu co-MVP du All-Star Game à Oakland). San Antonio est éliminé dès le premier tour. Sans Duncan, les Spurs ne trouvent pas la solution face aux Phoenix Suns de Jason Kidd. L’été 2000 s’annonce déjà des plus stressants… Alors que Shaquille O’Neal remporte son premier titre avec les Lakers, Tim est free agent. Il a l’opportunité de signer où bon lui semble.

L'imbroglio Orlando

Les supporteurs de San Antonio s’en souviennent encore. Ceux d’Orlando aussi. A l’aube du troisième millénaire, la franchise floridienne a un grand projet : associer Grant Hill et Tim Duncan. Les Chicago Bulls espéraient faire de même mais ils se retrouvent vite distancés. L’intérieur est annoncé à Orlando puis à San Antonio. Il hésite.

 « Le weekend s’est très bien passé. Tout s’est vraiment très bien passé pour nous. Nous ne lui avons pas seulement vendu la ville d’Orlando, ce qui était assez facile, nous lui avons aussi vendu qui nous sommes » raconte Doc Rivers, fraîchement nommé à la tête du Magic.

« Je pense qu’il est passé très proche de quitter San Antonio. Gregg Popovich marchait sur des œufs. Il était énervé contre notre agent (Lon Babby) car il avait le sentiment qu’il (l’agent) cherchait à ramener Tim et Grant (Hill) ensembles à Orlando. J’ai entendu qu’il allait signer là-bas puis il est resté à la dernière minute », témoigne Malik Rose.

« Un coup je pensais à partir, le coup suivant je restais », expliquera plus tard l’intéressé.

Il décide finalement de prolonger l’aventure dans le Texas. David Robinson, son grand compère, est revenu expressément de ses vacances afin de convaincre son « petit frère » de rester à San Antonio.

TIM DUNCAN POPOVICH

Gregg Popovich - Tim Duncan, un tandem historique

Son vrai-faux départ vient renforcer encore plus ses liens avec Gregg Popovich. Les deux hommes ont une relation unique, qui dépasse largement le cadre « coach-joueur ». Une relation que l’on peut même qualifier d’historique.

« Je ne suis pas sûr que l’on reverra ça un jour. Ce sont deux Hall Of Famers et ils ont trouvé une solution pour laisser leur ego de côté et gagner des titres », assure Jacque Vaughn, ancien assistant de « Pop » désormais sur le banc du Magic.

Les deux futurs Hall Of Famers paraissent toujours sur la même longueur d’ondes. Ils sont en osmose, taillés dans la même roche. Celle des compétiteurs féroces.

« Ce n’est pas exagéré de parler d’âmes sœurs », note R.C. Buford.

Et pourtant, les deux hommes ont eux aussi leur ego et leur caractère propre. Ils leur arrivent d’être en désaccord. Ils leur arrivent de se chamailler. Et Gregg Popovich n’hésite jamais à remonter les bretelles du meilleur joueur du monde, même devant l’ensemble du groupe. Brett Brown, ancien assistant des Spurs désormais coach des Sixers, a une anecdote à ce sujet.

« Gregg a pris un temps mort, a attrapé une chaise, s’est assis en face de Tim Duncan et a commencé à le descendre. J’étais assis là à me dire : ‘Bon ok, je viens d’arriver, c’est ma première année ici. Je n’ai vraiment pas envie de partir mais il semble que je vais devoir encore bouger car on va se faire virer après ce match. »

« On peut penser que lorsqu’un coach s’en prend à sa superstar devant tout le monde, cela va ensuite créer des tensions entre les deux hommes. Mais ce n’était pas du tout le cas (avec Tim Duncan et Gregg Popovich). Quand les autres gars ont vu ce que Pop venait de faire, ils ont su que quel soit leur statut dans l’équipe, ils avaient intérêt à accepter les critiques du coach car le meilleur joueur était capable d’encaisser comme un vrai pro. »

Pop au bord des larmes, TP et Gino au mic : les Spurs ont honoré Tim Duncan

Timmy, un personnage unique

Tim Duncan est assez malin pour comprendre que s’il accepte les remontrances de son coach, ses coéquipiers suivront son exemple. L’ensemble du groupe tire alors dans le même sens et court après le même objectif : le titre. La star et son coach cherchent l’excellence et sont prêts à faire des sacrifices pour mener leur équipe vers les sommets de la NBA. On ne souligne pas assez souvent ce trait de caractère chez le champion. Combien de superstars actuelles accepteraient de subir un tel traitement de la part de leur coach ? Combien de joueurs qui n’ont jamais gagné le moindre titre demanderaient le renvoi de l’entraîneur ? Duncan n’est pas de ceux-là. C’est un joueur à part mais c’est aussi un personnage unique.

« Ne vous faîtes pas avoir, il est bien plus vicieux que ce qu’il en a l’air », prévient Joe Smith.

L’intérieur a beau cumuler les statistiques, il n’est pas aussi glamour que Shaq, Kobe, Garnett, Vince Carter, Tracy McGrady ou Allen Iverson, les autres superstars du début des années 2000. Les Spurs sont considérés comme ennuyeux et Duncan est catalogué comme un joueur peu spectaculaire. La formation texane s’appuie essentiellement sur ses qualités défensives pour gagner des matches. On est bien loin du basket champagne proposée lors des dernières finales NBA. Les Lakers, superstars d’Hollywood, sont bien plus alléchants que les joueurs sans histoire de San Antonio. Tim Duncan représente parfaitement ce basket qui ne plait pas à une large partie du public. Il ne claque pas des 360. Il tire avec la planche. Il ne dit jamais un mot plus haut que l’autre en conférence de presse. Et pour cause, tout cela l’ennuie. Il a toujours l’air blasé. Mais c’est aussi ce qui fait sa force.

« Est-ce que je dois faire un speech ? » Déclarait-il lors de la réunion avec les journalistes qui suivra la remise du trophée de Rookie Of The Year (il s’était rendu à cette conférence de presse en t-shirt).

« Les Spurs ont gagné grâce à Tim Duncan, un gars que je n’ai jamais pu briser. Je pouvais chambrer Patrick Ewing, m’en prendre à David Robinson ou Alonzo Mourning. Mais quand j’essayais ça avec Duncan, il me regardait comme s’il s’ennuyait. Si un fan de Tim Duncan me dit que Tim Duncan est le meilleur de tous les temps, je ne serais pas en désaccord avec lui », reconnait Shaquille O’Neal.

Lors d’un miteux Minnesota Timberwolves – San Antonio Spurs de saison régulière, en 2002, Kevin Garnett s’en prend à Tony Parker. Duncan vient alors à la rescousse du rookie français. « KG » bouillonne. Il insulte la star des Spurs une fois, deux fois, trois fois. Les jurons fusent. L’intérieur des Spurs ne bronche pas. Il sourit. La bataille psychologique est gagnée, de même que la rencontre sur le parquet. Et pourtant, le natif de Sainte-Croix est un mec drôle, en décalage avec son époque. Le soir de son premier match en NBA, il se penche vers Avery Johnson, qui venait de plusieurs lay-ups faciles, et lui demande quel type de musique il écoute. Le meneur est déboussolé par la question mais il y répond :

- Johnson : « Du gospel et du jazz »
- Duncan : « Ok. »

Johnson ne comprend pas tout de suite où le rookie veut en venir et il se demande même pourquoi le jeune homme n’est pas plus concentré sur la rencontre. Mais il reconnaîtra plus tard que la question l’a aidé à se détendre. Le meneur terminera la partie avec 19 points et 5 passes.