Derrick Rose, c’est trop beau et en plus c’est vrai

Derrick Rose, c’est trop beau et en plus c’est vrai

Derrick Rose a délivré le meilleur match de sa carrière aussi incroyable qu’improbable en claquant 50 points contre le Jazz cette nuit.

Antoine PimmelPar Antoine Pimmel | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Blog
Je suis peut-être fragile mais j’avais les yeux bien humides en regardant Derrick Rose, ému aux larmes, répondre aux questions d’une journaliste après avoir inscrit 50 points contre le Jazz cette nuit. Son record en carrière. Et quelle carrière… atypique, fantastique, romancée, triste. Tellement d’adjectifs à la fois. Si j’ai été autant touché, c’est peut-être parce que j’ai adoré D-Rose, comme beaucoup de passionnés qui ont suivi ses débuts en NBA. J’ai vibré en pleine nuit devant ses premiers exploits aux Chicago Bulls. Et je suis arrivé à REVERSE au moment où il était le plus attendu. 2013, après sa grave blessure au genou et la saison blanche qui a suivi. Je me souviens que la superstar était de passage à Paris avec adidas. Et j’en profite pour remercier mes rédacteurs en chef qui m’ont donné l’opportunité d’aller le rencontrer à cette occasion, justement parce que j’étais un grand fan du bonhomme. Voilà pour la partie blog, il fallait que je le pose quelque part. https://twitter.com/Timberwolves/status/1057826037227171841 Je ne pense pas avoir été le seul à rester sans voix devant son interview d’après-match cette nuit. Il a marqué toute une génération. En commençant par ses propres pairs, prompts à réagir à cette performance époustouflante sur les réseaux sociaux. De Vince Carter à Chris Paul en passant par Dwyane Wade, C.J. McCollum ou Evan Fournier. Avec un mot clé : « inspirant ». Parce que l’histoire de Rose, c’est celle d’un homme qui n’a jamais lâché tout en étant tout proche de craquer, de partir en vrille, pour finalement se relever. Ça me parle plus que bien d’autres destins NBA. Parce qu’il est humain. Avec ses forces et surtout ses faiblesses. Parce qu’il n’a pas eu peur d’afficher ses larmes au micro de la journaliste cette nuit. Sa carrière est tellement atypique. Elle pourrait être scénarisée. Avec du drame mais aussi du bonheur. Enfin un peu de bonheur. Derrick Rose est arrivé en NBA avec une énorme pression sur les épaules. Déjà parce qu’il avait le statut de premier choix de la draft 2008. Ensuite parce qu’il s’est retrouvé aux Chicago Bulls, la franchise de sa ville natale. Enfin parce que les mythiques taureaux, si dominants avec Michael Jordan dans les 90’s, squattaient les profondeurs du classement (avec une légère période de mieux depuis 2004) depuis la retraite de Sa Majesté. Le peuple de Windy City s’attendait à ce que le prodige local fasse jumper et rêver les foules. Et ramène Chi-Town au sommet. Le pire, c’est qu’il l’a (presque) fait.

Trop haut, trop vite

Il a donné aux gens ce qu’ils attendaient. En tout cas au début. En conquérant le cœur de jeunes ballers comme moi, comme toi, comme nous. Sa carrière a décollé à une vitesse vertigineuse, un peu à l’image de ses drives dans la raquette et de ses dunks supersoniques. Sa première campagne de playoffs, en 2009, a été le théâtre de l’une des séries les plus mémorables de l’Histoire contre les Boston Celtics (défaite 3-4 des Bulls). Ce n’était que le début. Deux ans plus tard, à 22 piges, il devenait le plus jeune MVP de tous les temps après une saison sensationnelle. Il était alors le nouveau visage de la ligue. Un avenir encore plus glorieux lui tendait les bras. La chute n’en fut que plus vertigineuse. Tout a déraillé depuis ce moment. Le jeune homme, déjà sujet à des blessures à répétition, s’est éclaté le genou lors d’une rencontre de playoffs en 2012. Plus qu’une rupture dans son ascension. Le début de la descente aux enfers. Toute une nation attendait son retour triomphal après des longs mois de rééducation. Il n’est d’abord pas revenu du tout, malgré des campagnes publicitaires axées sur « The Return ». La communication des Bulls et du joueur ont été désastreuses. Ils ont laissé la ville et les supporteurs du bonhomme dans l’attente, sans donner d’informations claires sur l’état de santé du meneur. Il a eu le feu vert des médecins en février ou mars 2013. Toujours pas de retour. Avril. Pas de retour. Puis il est venu à Paris l’été. Encore naïf, j’ai cru qu’il reviendrait à son meilleur niveau dans la foulée. C’est ce que tout le monde espérait.

De MVP à retraité, real quick

Il n’a joué que dix matches sur la saison 2013-2014. Nouvelle blessure. Pressantes, les attentes sont devenues agaçantes. Et les rapports de plus en plus froids entre le joueur, son entourage et la direction des Bulls ont noirci un tableau déjà flou. Atteint physiquement mais surtout mentalement, le jeune homme s’est parfois perdu dans ses déclarations au point de se déconnecter de sa base de fans (moi inclus). Il avait besoin d’un nouveau départ. Loin de Chicago. Il a donc été transféré à New York en juin 2016. Il faut savoir qu’à l’époque, il ne montrait que des flashs du niveau qui était le sien avant ses diverses opérations aux genoux. Mais ses sessions vintages étaient suffisamment nombreuses pour que la planète basket continue à croire qu’il redeviendrait un All-Star un jour. Sa première (et unique) saison aux Knicks est perturbée par un procès. Il est accusé d’agression sexuelle. Il s'en sort blanchi, juridiquement parlant. Mais dans la tête, il n’y est plus. A tel point qu'un jour, Rose craque et s’évapore dans la nature alors qu’il est attendu pour un rendez-vous d’équipe. Aucune nouvelle. Il finit par refaire surface quelques heures plus tard, mais manque le match de NY. Il va mal. La franchise de la Grosse Pomme ne le conserve pas. Lui qui voulait négocier un contrat maximum à l’expiration de son deal – une nouvelle annonce qui a fatigué ses supporteurs de moins en moins nombreux – se retrouve indésirable. Sans club pendant de longues semaines. Jusqu’à ce que les Cleveland Cavaliers finissent par lui donner sa chance… au salaire minimum. L’expérience a là encore tourné à la catastrophe. Son jeu est démodé. Plus en accord avec la NBA actuelle. Parce qu’il ne défend pas. Parce qu’il ne shoote pas à trois-points. Mais ce sont surtout les blessures, et surtout celles dans son esprit, qui l’empêchent de se relever. Il n’a joué que seize matches avec Cleveland avant d’être envoyé au Jazz. La franchise de Salt Lake City le coupe immédiatement. Quelques semaines avant, Derrick Rose avait même envisagé de tout arrêter. A 29 ans seulement. Dégoûté, il était passé proche de prendre sa retraite anticipée.

Ce qui compte ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage

Personnellement, il m’a vraiment gonflé. Je ne croyais plus du tout en lui. Mais alors plus du tout. Il était numéro un sur ma liste des joueurs susceptibles de rejoindre la Chine. C’était écrit. C’était la suite logique après une telle descente. Mais Tom Thibodeau, son mentor de toujours, lui a donné sa chance aux Minnesota Timberwolves. Quelques bons matches en playoffs ont convaincu ses dirigeants de le conserver. Plus personne ne s’attendait alors à revoir un jour "l'ancien Derrick Rose". Et c’est depuis ce moment que ça va vraiment mieux pour lui. Débarrassé de toute cette pression injuste, il a retrouvé le plaisir de jouer au basket. Et il était bon depuis le début de la saison. J’avais même écrit un court article sur le fait qu’il revenait en pleine forme, ainsi que la joie que cela procurait de le retrouver avec un vrai rôle sur un terrain. Avec cette pointe à 50 points, la plus belle de sa carrière.

« J’ai bossé dur, mec. Je l’ai fait pour cette franchise et pour les fans », lâchait-il, en larmes après sa prestation historique.

Il revient de tellement loin. Tout ce qui compte, ce n'est pas la chute. C'est l’atterrissage. Et il parvient à se poser en douceur alors qu'il était promis à un énorme crash. C’est plus qu’un match à 50 points. D’où l’émotion. Derrick Rose a gagné un duel bien plus important que tout ça : à 30 ans, il a fait la paix avec lui-même. Et c’est ça, sa plus grande victoire.
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