En NBA, il est temps de célébrer la défaite

Contrairement à l'idée reçue, le tanking en NBA, qui s'annonce féroce cette année avec la perspective de recruter Victor Wembanyama, n'est pas néfaste. Bien au contraire.

En NBA, il est temps de célébrer la défaite

Pour certaines équipes, chaque défaite est une victoire. Si cela peut sembler paradoxal, même absurde, la NBA est faite de telle sorte que les plus mauvaises soient les mieux récompensées. Un système qui pousse les franchises au vice, les encourageant à perdre autant de matches que possible pour obtenir un meilleur choix à la Draft. Cette pratique, le « tanking », a aujourd’hui divisé la ligue en deux parties distinctes. En haut du tableau, une majorité qui vise le titre dans une course perpétuelle à la victoire. En bas, une minorité qui préfère laisser les autres gagner pour recruter les jeunes joueurs les plus prometteurs.

Cette année, ce constat est devenu plus frappant que jamais. L’arrivée imminente du Français Victor Wembanyama et d’une génération dorée met le monde du basket dans tous ses états et réveille la rage de perdre d’un nombre record d’équipes. Une situation qui exaspère certains spectateurs et agace vraisemblablement le patron de la grande ligue. « C’est un problème sérieux », a jugé Adam Silver, le commissioner de la NBA, lors d’une conférence au début de la saison. « Nous avons averti les équipes. Nous allons accorder une attention particulière à cette question cette année. »

Toutefois, cette tendance n’a rien d’un « problème ». Au contraire, il s’agit d’une évolution. D’abord une évolution dans le sens darwiniste du terme : les équipes se sont adaptées aux changements du système, décidés par la ligue elle-même, pour survivre. Aussi une évolution dans le sens du progrès : le basket se porte nettement mieux ainsi et a tout intérêt à maintenir ce cap.

Le paradoxe : la médiocrité forme la jeunesse

Au fil des années, le tanking a permis la création de véritables laboratoires à talents, dans lesquels sont conçues les futures stars du monde du basket. Detroit, Indiana, Houston, Oklahoma City et Orlando montrent aujourd’hui la voie en la matière. Ces équipes réunissent des jeunes particulièrement prometteurs et les mettent dans les meilleures conditions pour réaliser leur plein potentiel.

Dans la plupart des sports, les petits nouveaux resteraient certainement cloués au banc tant qu’ils n’ont pas atteint le niveau de leurs coéquipiers plus expérimentés. Dans le basket, cette concentration de jeunesse leur permet de trouver un maximum de temps de jeu et à des carrières de se lancer malgré quelques erreurs ou des caractéristiques atypiques qui les auraient plombées ailleurs. Le résultat des matches importe peu. Victoire ou non, il s’agit d’un spectacle fascinant, qui ouvre une fenêtre sur l’avenir de la NBA et incite au rêve.

Contrairement aux apparences, ces équipes qui collectionnent les défaites n’abaissent pas le niveau de la compétition, c’est tout l’inverse. Elles l’élèvent en mettant les jeunes dans le cadre idoine pour progresser plus rapidement et plus efficacement. Mises sur le devant de la scène, les nouvelles générations brillent de plus en plus tôt. En parallèle, ceux qui ont besoin de plus de temps pour s’épanouir peuvent compter sur la patience des structures qui laissent de côté le bilan collectif. Des profils plus originaux, souvent plus techniques, émergent ainsi et apportent un vent de fraîcheur dans la ligue.

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Ces équipes élèvent aussi le niveau en rendant indirectement la concurrence meilleure. Qui dit plus de jeunesse pour les uns dit en effet plus d’expérience pour les autres. Les vétérans se regroupent alors là où ils peuvent gagner, constituent de grosses écuries qui s’affrontent dans des Playoffs plus intenses. La compétition ne perd jamais son attrait, ni pour les franchises qui se tiennent déjà au sommet ni pour celles qui construisent un collectif pour l’atteindre, elle alterne simplement entre les deux cycles.

Finalement, les seules équipes à souffrir de cette évolution sont celles qui occupaient jusqu’ici le milieu de tableau. Une espèce en voie de disparition, qui ne sera pas regrettée. Les dirigeants ont très bien compris que, quitte à passer à côté du titre et à ne pas remplir leur salle, ils auraient plutôt intérêt à en tirer du positif. Mieux vaut manquer les Playoffs avec 20 victoires et une graine de star qu’avec 40 victoires et des joueurs qui n’auront jamais les épaules pour devenir champions, c’est une évidence.

Tout le monde est égal face à la défaite

La soif de défaites n’est plus incompatible avec l’ambition. Les équipes qui perdent aujourd’hui gagneront demain, lorsque la chenille se sera enfin métamorphosée en magnifique papillon. Pendant ce temps, celles qui stagnent dans l’entre-deux dépassent rarement le stade du cocon. En fin de compte, tout le monde semble avoir réalisé que ramper de la dernière place à la première permet généralement d’aller plus loin que de rester immobile à mi-chemin.
Sans les éradiquer pour autant, le système de lottery atténue au passage les inégalités entre les 30 équipes de la NBA. Oklahoma City ne deviendra sûrement jamais aussi attractif que Miami, sa vie nocturne et ses plages. Indiana et Detroit, dont le nombre d’habitants se compte en centaine de milliers, ne pourront sans doute jamais concurrencer les mégapoles de Los Angeles et New York. Malgré cela, toutes les franchises peuvent perdre suffisamment de matches pour récupérer une future star. Tout le monde est égal face à la défaite et face à la Draft.

Le système n’est pas parfait. Il ne le sera jamais, d’ailleurs. Voir son équipe favorite enchaîner les revers peut se montrer frustrant, mais c’est un mal pour un plus grand bien. Il faut prendre du recul et saisir pleinement les enjeux du tanking pour comprendre que le dispositif actuel rend la NBA meilleure sous bien des aspects. Dans ces défaites, il n’y a que des gagnants.