En continuant à creuser encore un peu plus en profondeur, ce ne sont pas juste des nappes phréatiques mais carrément des reptiliens (pour les amis adeptes des théories du complot) que les dirigeants des Dallas Mavericks vont finir par trouver. Très discrets dans leur sortie officielle – une seule pour Nico Harrison – depuis le transfert de Luka Doncic mais visiblement très bavards en coulisses pour dézinguer leur ancienne superstar auprès des journalistes, le GM de la franchise et son CEO Rick Welts ont finalement tenu une conférence de presse pour évoquer le sujet bientôt trois mois après.
Ce qui en ressort, c’est qu’Harrison ne « regrette rien » et certainement pas sa décision quasiment unilatérale, en tout cas de ce qui est présenté comme tel à ce jour, de se séparer de l’un des meilleurs joueurs de l’Histoire de l’organisation. Il aurait martelé pendant près d’une heure aux médias que « la défense fait gagner des titres » pour justifier n’importe quelle question tournant autour de Doncic.
Alors, il n’y a rien de mal à assumer. Au contraire, non ? C’est généralement bon signe un homme qui reste droit dans ses bottes. Sauf que là, même en gardant la même ligne directrice, Harrison s’est encore une fois enfoncé. Et pas simplement parce qu’il reste dans son entêtement justement. Déjà, pour quelqu’un qui jure être sûr de lui et de ses choix, c’est quand même très paradoxal d’avoir convoqué à la dernière minute certains journalistes, en écartant volontairement une partie de la presse locale, pour une conférence de presse… sans caméras et sans micros ! Interdiction absolument d’enregistrer ! Rien que pour les méthodes, les Mavericks se ridiculisent à nouveau.
Attention, le pire reste à venir. Qu’il assume sa prise de position, OK. Mais dans ce cas-là, autant qu’il la défende avec plus d’arguments qu’un simple « la défense fait gagner des titres ». Déjà, ce n’est même pas tout à fait vrai ! Les deux derniers champions NBA, les Boston Celtics et les Denver Nuggets, s’appuyaient aussi (surtout) sur l’une des cinq meilleures attaques du championnat avec même des ratings offensifs historiques. Il faut être bon des deux côtés du terrain pour aller au bout. Et plus important encore, il faut pouvoir compter sur une superstar. Quasiment aucune équipe n’a remporté une bague sans disposer de l’un des cinq meilleurs joueurs du monde dans son effectif.
Luka Doncic fait partie de ce gratin si particulier. Pas Anthony Davis, le joueur choisi par Nico Harrison, qui a insisté sur le côté « two way player » de ce dernier. La grande ironie, c’est que les Los Angeles Lakers ont affiché un meilleur rating défensif après le trade d’AD et l’arrivée de Luka. Les Mavericks, à l’inverse, ont régressé dans ce domaine. Même si, pour leur défense (c’est le cas de le dire), ils n’ont pas été au complet.
Sinon, il est aussi tout à fait possible de souligner très simplement le fait que Dallas avait déjà l’une des meilleures défenses de la ligue l’an passé – sur la deuxième moitié de saison, après les arrivées de PJ Washington et Daniel Gafford – malgré la présence de Doncic et de Kyrie Irving. Cette équipe est allée en finales NBA ! Pourtant, quand un journaliste lui a fait remarquer, le GM a dégainé la même réponse : « la défense fait gagner des titres. » Les Mavs n’ont encaissé que 109 points sur 100 possessions en finales. Ce n’est clairement pas ça qui les a fait perdre. Puis rajoutons que le seul sacre de l’histoire du club s’est construit autour d’une superstar européenne, Dirk Nowitzki, certainement pas réputée pour sa défense.
La déconnexion est totale. Harrison a confié qu’il n’avait pas pris pleinement conscience de l’attachement de la ville à Luka avant le trade. Comment pouvait-il ne pas s’en douter ? Bref. Il voit désormais une fenêtre de trois ans pour ses Mavericks. Bien ironique vu qu’Anthony Davis a fêté ses 32 balais, Kyrie Irving en a eu 33 et ne rejouera sans doute pas avant ses 34 printemps tandis que Klay Thompson en a 35. La fenêtre ne sera probablement pas aussi longue. Pour l’instant, le dirigeant se réfugie derrière les blessures qui ont empêché le nouveau groupe d’atteindre son plein potentiel. C’est justifiable, bien sûr. Mais des pépins de santé de Davis et Irving, comme toutes les saisons depuis leur arrivée en NBA ou presque, étaient prévisibles. Ça n’a surpris personne. Sauf lui peut-être.
Pour aller encore plus loin dans l’ego, Nico Harrison a rappelé que ses décisions précédentes ont-elles aussi été critiquées par une grande partie de la fan base. « Tous les trades que j’ai faits ont été perçus comme mauvais. Des fois ça prend du temps. Quand j’ai fait venir Kyrie, la décision a été accueillie avec beaucoup de scepticisme. C’était vu comme un mauvais trade et tout le monde en parle maintenant comme un super deal. Quand j’ai fait venir Washington et Gafford, pareil. J’ai entendu que j’avais trop donné. »
C’est incomparable. Incomparable. Il a bâti une belle équipe mais cette équipe n’aurait rien donné SANS Luka Doncic. Et c’est bien ce même Doncic qu’il a balancé aux Lakers en l’échange de Davis, Max Christie et un seul premier tour de draft. Pas de gros package de picks. Pas d’Austin Reaves. La tournure de ses phrases « quand j’ai fait venir » fait ressortir tout son ego et, encore une fois, sa déconnexion des évènements. Mais la pire comparaison reste celle osée par Welts, ancien membre des Warriors, qui a évoqué le moment où les Dubs ont sacrifié Monta Ellis, l’un des chouchous du public, pour Andrew Bogut. Doncic et Ellis dans la même phrase. Waouh.
Le plus dingue, finalement, c’est le timing. Une conférence de presse lunaire qui va beaucoup faire parler alors que les Mavericks s’apprêtent à jouer le match le plus important de la saison. Un choc à élimination directe contre les Kings. Le play-in réservé à l’équipe qui a terminé dixième de sa conférence et pourrait partir en vacances dès ce soir. Il paraît loin, là, le titre. Aussi loin que Nico Harrison.
