Mais à quoi jouent les Phoenix Suns ?

Les Phoenix Suns ont échangé une dizaine de joueurs le soir de la deadline. Des moves en pagaille qui chamboulent complètement l'effectif de la franchise.

J+5 après le chambardement complet qui a impliqué plus de la moitié des équipes NBA. Une trentaine de joueurs – 37, précisément – et des tours de draft en pagaille ont été échangés en l’espace d’une vingtaine de minutes le soir de la deadline et, quelques jours plus tard, on se remet à peine de nos émotions. C’est donc le moment idéal pour se pencher à nouveau sur certains des transferts qui ont été effectués pendant ce court instant de folie. Nous avons déjà détaillé les gagnants et les perdants de cette deadline mais nous avons souhaité scruter plus en détails la situation des Phoenix Suns, l’une des organisations les plus actives sur le marché ce soir-là. Récapitulons tous les échanges effectués par Ryan McDonough, un GM dont nous soulignions les décisions plutôt convaincantes depuis son arrivée à la tête de la franchise en 2013. Arrivées : choix de draft au premier tour en 2017 (via le Miami Heat, protégé 1-7 pendant deux et non protégé à partir de 2019), choix de draft au premier tour en 2021 (Miami Heat, non protégé), Danny Granger (Miami Heat), John Salmons (New Orleans Pelicans, coupé dans la foulée), Brandon Knight (Milwaukee Bucks), Kendall Marshall (Milwaukee Bucks, coupé dans la foulée), choix de draft au premier tour des Cavaliers en 2016 (Boston Celtics, protégé 1-10 pendant trois saisons), Marcus Thornton (Boston Celtics) Départs : Goran Dragic, Zoran Dragic (envoyés au Miami Heat), Miles Plumlee, Tyler Ennis (Milwaukee Bucks), choix de draft au premier tour des Los Angeles Lakers en 2015 (Philadelphie Sixers, protégé 1-5 en 2015, 1-3 en 2016), Isaiah Thomas (Boston Celtics) [superquote pos="d"]"On a récupéré le meilleur joueur échangé le soir de la deadline." Ryan McDonough au sujet de Brandon Knight[/superquote]Goran Dragic a menacé ses dirigeants de quitter Phoenix lors de la prochaine free agency si jamais ces derniers ne le transféraient pas avant la deadline. Les rapports entre le meneur slovène et la franchise se sont dégradés progressivement depuis septembre dernier, période à laquelle il faisait encore veux d’allégeance aux Suns. Entre temps, les dirigeants lui ont mis Isaiah Thomas, un autre meneur, dans les pattes. Le front office espérait encore le convaincre de prolonger lorsque Dragic a commencé à se plaindre de son utilisation auprès de son coach, Jeff Hornacek. La décision du joueur de 28 ans était déjà prise et les Suns ont fini par céder après qu’il ait déclaré publiquement « ne plus faire confiance » à l’encadrement de la franchise. Mais les Suns ne se sont pas contentés de se séparer de l’un de leurs meilleurs éléments : ils ont changé subitement le tiers de leur effectif. Des choix assez surprenants dont se félicite Ryan McDonough.
« J’entends dire que l’on a transféré notre meilleur joueur mais Eric Bledsoe et Markieff Morris portent toujours l’uniforme des Suns », confie le GM. « On a le sentiment d’avoir récupéré le meilleur joueur parmi tous ceux qui ont été échangés ce soir-là, à savoir Brandon Knight. Chacune de nos décisions a pour but de nous faire devenir une meilleure équipe. »
L’une de ces deux affirmations est à nuancer. Eric Bledsoe et Markieff Morris ont effectivement été les joueurs les plus performants de Phoenix depuis le début de la saison. En revanche, considérer Brandon Knight comme un meilleur joueur que Goran Dragic ou même Isaiah Thomas – comme le sous-entend Ryan McDonough – semble plus difficile à justifier. Brandon Knight : 17,7 points à 43% aux tirs et 40% à trois-points, 4,1 rebonds et 5,4 passes en 32 minutes, 4,4 Win Shares, PER : 18,37 Isaiah Thomas : 15,5 points à 42% aux tirs et 39% à trois-points, 2,4 rebonds et 3,8 passes en 26 minutes, 4 Win Shares, PER : 19,84 Goran Dragic : 16,3 points à 50% aux tirs et 35% à trois-points, 3,5 rebonds et 4,1 passes en 33 minutes, 4,2 Win Shares, PER : 16,83 Ramenées sur 36 minutes, les statistiques d’Isaiah Thomas sont légèrement supérieures à celles de Brandon Knight. Quant à celles de Goran Dragic, elles sont trompeuses. Le Slovène jouait souvent sans le ballon au sein du système « mega small ball » des Suns, un rôle qui ne lui permet pas d’exploiter au mieux ses qualités de slasheur. Il a été élu dans le troisième meilleur cinq NBA l’an passé (20 pts et 6 pds de moyenne) et il était alors considéré comme l’un des quatre ou cinq meilleurs meneurs de la Conférence Ouest (de la ligue ?) sur la saison écoulée (et seulement sur la saison, calmons-nous).

Brandon Knight : vrai joueur d'impact ou joueur à statistiques ?

[caption id="attachment_130354" align="alignleft" width="300"] Brandon Knight n'a pas joué plus de deux ans dans la même équipe depuis le lycée.[/caption] Brandon Knight n’a jamais joué plus de deux saisons dans la même équipe depuis son départ du lycée. Il n’est resté qu’une seule saison à Kentucky avant d’être drafté en huitième position par les Detroit Pistons en 2011. Malgré son jeune âge, la franchise du Michigan a préféré l’échanger contre Brandon Jennings à l’aube de la saison 2013-2014. Un an et demi plus tard, les Bucks l’ont sacrifié alors qu’ils occupaient la sixième place de la Conférence Est, moins de six mois après avoir terminé avec le plus mauvais bilan NBA (15 victoires la saison précédente). C’est un combo-guard qui se cherche encore sa place.
« Je n’aurai pas été échangé contre trois joueurs (Ennis, Plumlee et Michael Carter-Williams) si je n’étais pas bon », se console Brandon Knight, qui a reconnu ne pas s’attendre à un transfert.
Rares sont ceux qui auraient pu prédire un trade du joueur de 23 ans. Knight était considéré comme un potentiel All-Star pour une partie du public. Il convient de nuancer cette idée. La faiblesse de la Conférence Est offre des opportunités à des joueurs qui ne seraient doute jamais nominés à l’Ouest (Kyle Korver, DeMar DeRozan l’an passé). La volonté d’envoyer Knight au ASG a été motivé par les bons résultats des Bucks mais il n’était pourtant pas un élément indispensable de l’équipe et ce trade le prouve en partie. Khris Middleton comptait plus de Win Shares que Brandon Knight. Ce dernier était le meilleur marqueur, éventuellement le meilleur joueur, mais pas le principal facteur du succès de son équipe. L’explosion de Giannis Antetokounmpo, la défense de fer mise en place par Jason Kidd et l’apport du banc – le plus prolifique de la NBA – sont des éléments qui nous semblent plus pertinents pour expliquer le bon parcours de Milwaukee cette saison. [superquote pos="d"]"Je n'aurais pas été échangé contre trois joueurs si je n'étais pas bon." [/superquote]Il n’empêche que le natif de Miami a progressé chaque saison depuis son arrivée en NBA. Il flirte désormais avec la barre des 40% derrière la ligne à trois-points. Sa vitesse d’exécution et ses talents de slasheur devraient permettre à Phoenix d’aligner un backcourt composé de deux anciens Wildcats athlétiques et légèrement plus complémentaires que ne l’étaient Eric Bledsoe et Goran Dragic. Il a inscrit 20 points et distribué 4 passes lors de son deuxième match disputé avec les Suns. Son association avec Bledsoe est intéressante même si elle présente certaines lacunes. [caption id="attachment_144371" align="alignleft" width="300"] Tyler Ennis a été sacrifié dans le cadre du transfert de Brandon Knight.[/caption] Brandon Knight est un bon joueur – à défaut d’être un très bon meneur – mais ce n’est pas une star dans cette ligue. Il devrait pourtant en toucher le salaire d’ici quelques mois. Ce n’est pas tant son niveau qui nous inquiète mais plutôt les assets sacrifiés par les Suns en échange de ses services. Tyler Ennis n’a pas eu l’occasion de se mettre en valeur lors de sa demi-saison passée avec Phoenix mais il est l’un des meneurs les plus prometteurs de cette cuvée de rookies. Il a encore du temps pour se développer – tout comme Knight par ailleurs. Miles Plumlee n’était plus le bienvenu dans l’Arizona depuis l’explosion d’Alex Len alors qu’il était encore titulaire l’an passé. On ajoutera que les Suns ont surtout lâché un choix potentiellement dans le top 10 de l’une des deux prochaines drafts (à priori en 2016)… tout en prenant le risque de voir Brandon Knight quitter la franchise cet été. Il sera restricted free agent et a déjà refusé une première offre des Bucks à hauteur de 9 millions de dollars annuels en octobre dernier. Les dirigeants de Milwaukee l’ont peut-être même transféré parce qu’ils ne se voyaient pas lui offrir le pactole pendant la free agency. Autrement dit, les Suns ont échangé un jeune meneur prometteur, un intérieur de devoir et un top 10 pick potentiel pour deux mois ou quatre saisons à 15 millions annuels de Brandon Knight. Risqué.

Une alchimie à retrouver

[caption id="attachment_240061" align="alignleft" width="300"] Le rapport qualité/prix d'Isaiah Thomas était intéressant mais il a tout de même été transféré.[/caption] Les Suns ont perdu leurs cinq dernières rencontres et ils sont désormais dixièmes à l’Ouest. Le Thunder semble avoir lancé la machine alors que Jeff Hornacek doit désormais intégrer ses nouveaux joueurs. Phoenix peut presque déjà faire une croix sur les playoffs, l’objectif avoué de la franchise. Ils ont perdu Isaiah Thomas, leur sixième homme attitré, alors que les dirigeants l’ont signé cet été. Son contrat (28 millions sur quatre ans) est dégressif jusqu’en 2018 alors que le Cap devrait exploser d’ici 2017. La valeur marchande de Thomas aurait sans doute augmenté d’ici une ou deux saisons. Les Suns auraient pu se montrer patients mais ils ont préféré se séparer soudainement de trois des quatre meneurs présents au sein de l’effectif. On pensait que Ryan McDonough ambitionnait de recruter un intérieur afin de pallier aux lacunes de l’équipe dans la raquette. Pourtant, seuls des arrières/ailiers ont été récupérés et aucun d’entre eux ne devrait avoir un rôle significatif dans l’Arizona. En revanche, le dirigeant a empilé les tours de draft susceptibles d’être à nouveau échangés d’ici un an… lorsque le front office se cherchera une nouvelle identité et décidera à nouveau de se séparer de la moitié de son effectif ?