En NBA, il faut dépasser les chiffres pour comprendre les contrats

Les contrats en NBA, à l’image de celui que vient de signer Jaylen Brown, ne peuvent pas être réduits à une somme d’argent. Voilà pourquoi.

En NBA, il faut dépasser les chiffres pour comprendre les contrats

Parler du « plus gros contrat de l’Histoire » n’a pas vraiment de sens en NBA. Il y en aura un nouveau chaque année ou presque. Les 304 millions de dollars offerts par Jaylen Brown aux Celtics constituent une somme colossale. Certains diront « démesurée » et, à échelle humaine, c’est assurément le cas. Mais quand il est question de construire un roster, ce n’est pas là-dessus qu’il faut se focaliser.

Aux yeux des Celtics, Brown ne représente pas 304 millions de dollars. Il ne s’agit pas, pour eux, d’un engagement historique. Il équivaut à 35 % du salary cap, de la même manière que plusieurs autres stars, telles que Nikola Jokic, Bradley Beal, Devin Booker et Karl-Anthony Towns, qui complètent le top 5 des plus gros contrats de la ligue.

Les chiffres, exprimés en dollars, en disent plus sur l’évolution du salary cap — calculé en fonction des revenus de la NBA — que sur l’investissement de l’équipe signataire. Les nouvelles extensions au maximum constituent, de toute façon, presque toujours un record. 14 contrats différents sont à mettre sur un pied d’égalité avec celui de Jaylen Brown, car ils représentent 35 % du cap, qui a doublé depuis 2014-2015. Celui de l’ailier n’est « le plus gros » que parce qu’il est aussi le plus récent.

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Jaylen Brown a-t-il « braqué » les Celtics ?

Les sommes sont plus impressionnantes et plus éloquentes que les pourcentages, évidemment. Mais il est essentiel de les remettre dans leur contexte quand on parle de l’impact d’une signature sur une franchise.

Un contexte temporel

Comparer les contrats signés à différent point dans le temps est rarement pertinent. À moins de prendre des pincettes. 25 millions aujourd’hui n’ont plus le même poids dans un roster que quelques années plus tôt.

Lors de sa dernière saison en NBA, en 2015-2016, Kobe Bryant était le joueur le mieux payé de la ligue avec 25 millions de dollars. Mais son salaire est incomparable avec les 25 millions que touchera Brook Lopez l’année prochaine. Bryant gagnait 35 % du cap, contre 18,4 % pour Lopez.

Un parallèle plus pertinent serait les 47,6 millions de dollars de Nikola Jokic en 2023-2024. Les deux joueurs prennent la même proportion du salary cap, qui a simplement explosé, et posent donc le même niveau de contrainte dans la construction de leur effectif respectif. 35 % du cap représenteront, d’après les projections, 72,8 millions de dollars en 2028-2029 — dernière année du contrat de Jaylen Brown lors de laquelle il en touchera 69,1, soit 33,25 % du cap.

25 = 47,6 = 72,8*. C’est contre-intuitif, mais c’est la manière dont une équipe peut voir les choses. En une quinzaine d’années, les salaires des joueurs payés au maximum auront triplé. Mais ce phénomène est strictement lié à la hausse des revenus de la ligue et du salary cap.

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Dans l’autre sens, le contrat de Dillon Brooks, de 86 millions de dollars sur quatre ans, a été très critiqué. Mais plus que son salaire à 22,6 millions de dollars en 2023-2024, ce sont les 16,6 % du salary cap qu’il prend qui devraient se retrouver au centre de la discussion. Car si la recrue des Rockets avait signé pour le même pourcentage quelques années plus tôt, il aurait gagné 15,6 millions en 2016-2017 ou 10,5 en 2014-2015.

Un contexte mercantile

Les contrats maximum sont, dans l’esprit collectif, destinés aux superstars. Jaylen Brown en est-il une ? Et qu’est-ce qu’une superstar, finalement ? Des débats complexes, qui n’ont en réalité pas tant d’importance sur la table des négociations.

Le marché de la NBA répond aux principes de l’économie, comme ceux de l’offre et de la demande. L’attractivité d’une équipe et d’un joueur — qui dépend en majeure partie de ce qui se passe sur le terrain, bien sûr — compte plus que le niveau sportif. Lorsque plusieurs franchises sont intéressées par un joueur, celui-ci peut faire monter les enchères. Lorsque plusieurs joueurs sont intéressés par une franchise, celle-ci peut les pousser à diminuer leurs exigences salariales.

C’est la raison pour laquelle les agents libres acceptent régulièrement des sommes plus faibles aux Lakers ou chez un contender. C’est aussi ce qui explique que les Pacers aient dû débourser 22 millions de dollars pour s’attacher les services de Bruce Brown. Un contrat ne peut pas être décorrélé du contexte dans lequel se trouvent les deux parties signataires.

Le fait que Karl-Anthony Towns et Giannis Antetokounmpo aient tous les deux signé une extension pour 35 % du cap ne signifie pas qu’ils jouissent du même statut dans la ligue. Ni que les Wolves ont fait une erreur. Cela signifie seulement que Minnesota, dans sa situation actuelle, n’est pas en mesure d’attirer une star beaucoup plus intéressante que KAT, qui aura des opportunités ailleurs.

Les Celtics ont besoin de Jaylen Brown et ne peuvent pas se permettre de le perdre. Ils ne disposent d’aucune option pour le remplacer. Et, dans leur quête du titre, ils veulent aussi s’assurer qu’il ne soit pas affecté mentalement par ces questions salariales, afin de compter sur lui à 100 % de ses capacités. Une équipe forme un écosystème fragile que l’on ne peut pas compromettre pour 1 ou 2 % du salary cap. Que Brown soit une superstar ou non, le front office de Brad Stevens a fait la seule chose qu’il y avait à faire compte tenu des circonstances.

Lorsqu’il est question de sport, en particulier dans une ligue fermée et limitée par un salary cap, on ne peut pas simplement réduire les contrats à des dollars et des années. Une analyse ne peut omettre le contexte (le cap, le marché, l’impact d’une décision sur une équipe). C’est pourquoi il faut revoir la manière dont on appréhende les salaires en NBA, si on veut en parler avec justesse.

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* : Cette relation est évidemment incorrecte sur le plan mathématique. L’utilisation du signe ≡, qui désigne une équivalence, serait ici plus adaptée.