EDF : Le bilan complet après trois matches

Notre envoyé spécial à Montpellier fait le point sur les forces et les faiblesses de l'équipe de France après les trois premières journées de l'Eurobasket.

EDF : Le bilan complet après trois matches
C'est (bientôt) une nouvelle compétition qui commence. Quatre jours après le début de l'Eurobasket et après trois victoires décrochées en autant de rencontres, l'équipe de France a assuré sa qualification pour les huitièmes de finale. Elle évoluera donc - si seulement on pouvait en douter - au stade Pierre Mauroy à la fin de la semaine. Les Bleus courent désormais après la première place du groupe A, objectif intermédiaire non dissimulé dans la quête de l'Or européen.
"Notre victoire ce soir (propos recueillis après le match contre la Pologne - NDLR) est un grand pas vers la première place", notait Rudy Gobert. "Maintenant, il faut que l'on assure."
Assurer, c'est le mot d'ordre repris par Nicolas Batum, lui aussi satisfait de l'entrée en matière des Français dans la compétition.
[superquote pos="d"]"Il y a cinq équipes à éviter en huitièmes." Boris Diaw[/superquote]"Trois victoire, c'était le but", confiait l'ailier des Charlotte Hornets au Figaro. "Maintenant il faut terminer premier. A nous d'assurer contre la Russie et Israël."
Les champions d'Europe en titre peuvent valider pour de bon leur première place du groupe A en cas de victoire contre la Russie, ce soir (21 heures), conjuguée à une défaite d'Israël contre la Pologne un peu plus tôt dans la journée. Le classement de la poule n'est pas à prendre à la légère étant donné que les qualifiés croiseront le fer avec les quatre têtes de série du groupe de la mort, la poule B, où Espagne, Allemagne, Turquie et Italie s'arracheront les trois derniers tickets derrière la Serbie.
"Il y a cinq équipes à éviter", faisait remarquer avec humour Boris Diaw lors du point presse tenu hier. "La Serbie devrait terminer dans les deux premiers du groupe B. Il reste donc l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie et la Turquie. Ce sont des équipes fortes quoi qu'il en soit."
Après la défaite de l'Espagne contre l'Italie hier soir (98-105 grâce aux excellents Danilo Gallinari et Marco Belinelli), Pau Gasol et ses camarades occupent la quatrième et dernière place qualificative dans le groupe B. La Serbie est en tête de la poule, devançant ainsi l'Italie et la Turquie. Si les huitièmes de finale débutaient aujourd'hui, les Bleus affronteraient donc leurs "meilleurs ennemis" dès le premier tour à élimination directe.

Les Bleus, les hommes à abattre

[caption id="attachment_292657" align="alignleft" width="318"] Boris Diaw : "C'est un championnat d'Europe, pas une promenade de santé."[/caption] L'équipe de France a gagné ses trois matches dont deux dans la douleur. Le premier, en ouverture, contre une surprenante formation finlandaise surexcitée à l'idée de jouer les favoris de la compétition. C'est d'ailleurs la même rengaine à chaque match : les adversaires de Boris Diaw et leurs coéquipiers sont encore plus motivés qu'à l'accoutumée lors de chaque confrontation contre les tenants du titre.
"Toutes les équipes essayent de jouer leur meilleur basket contre nous. Elles jouent à fond et heureusement que l'on arrive tout de même à contrecarrer leurs plans et à gagner les matches dans la douleur. C'est un championnat d'Europe, pas une promenade de santé !"
Tel est le quotidien des favoris d'une compétition. Un statut que les Bleus doivent désormais assumer depuis leur sacre en Slovénie il y a deux ans. Avec un effectif complet, une star planétaire, d'autres joueurs estampillés du label "NBA", des anciens, des plus jeunes... on serait (trop) facilement tenté de penser que l'EDF - déjà présentée comme l'une des plus fortes de tous les temps - devrait dominer tous ses adversaires. Mais la réalité est bien évidemment plus complexe, comme tend à le rappeler Tony Parker.
[superquote pos="d"]"On n'est pas les Etats-Unis, on ne va pas gagner tous nos matches de 20 points." Tony Parker[/superquote]"C’est à nous d’être intelligents et patients, ne pas vouloir écraser tout le monde de 20 points. On ne pourra pas, on n’est pas les États-Unis. Ce n’est pas parce que j’ai dit qu’on a une équipe très talentueuse qu’on va dominer tout le monde, ce n’est pas vrai. On n’a pas une marge comme les États-Unis."
Même sans gagner de 20 points à chaque match - la Bosnie-Herzégovine en a tout de même pris 27 dans la truffe - TP et ses ouailles ont montré de belles choses des deux côtés du parquet depuis le début de la compétition. On a vu quelques très belles séquences de jeu en attaque lors de chaque rencontre (un peu moins contre la Pologne, la fatigue était un facteur non négligeable) conclues par des paniers faciles de près ou de loin. On a eu le droit a du spectacle - dunks de Rudy Gobert, alley-oops, feintes de Boris Diaw et Tony Parker - et à de l'efficacité. Avec 247 points inscrits en trois rencontres (soit 82,3 pts par match), les Bleus disposent de la troisième meilleure attaque du tournoi derrière l'Espagne (272/90,6) et l'Italie (263/87,6). Si Parker est une nouvelle fois le scoreur le plus prolifique parmi les tricolores (16,7 pts), il nous semble exagéré d'avancer la notion de "dépendance" au meneur des San Antonio Spurs, comme ce fut le cas par le passé.

More solutions, more problems

[caption id="attachment_290791" align="alignleft" width="318"] Mike Gelabale a pesé en attaque contre la Pologne (12 points en sortie de banc).[/caption] Les Bleus ont joué d'autres cartes offensives au cours des trois premières rencontres. Mike Gelabale et Boris Diaw ont ainsi fait parler leur puissance et leur technique dos au panier contre la Pologne. Nicolas Batum a connu quelques coups de chauds, notamment dans le troisième QT contre la Bosnie. Joffrey Lauvergne a apporté de l'adresse à mi-distance et du touché près du cercle face à la Finlande et la Bosnie (il était un peu moins inspiré face aux Polonais). Rudy Gobert demeure une arme intéressante sur pick&roll même si son impact est nettement plus quantifiable en défense. Sans oublier, bien sûr, Nando De Colo qui a brillé lors des trois rencontres. Plus de solutions pour les Bleus et plus de problèmes pour les adversaires. Néanmoins, lorsque l'équipe de France semble vraiment en difficulté, Parker est encore le premier joueur recherché par ses coéquipiers. Un réflexe presque naturel. Il est le patron de cette équipe. Le meilleur marqueur de l'histoire de l'Eurobasket. Il est donc logique qu'il soit servi dans les moments les plus chauds. Si la France nous a offert de belles séquences, Vincent Collet se montre lui plus pointilleux sur ses attentes : il veut plus de jeu écarté, plus de mouvement, plus de patience et aussi plus d'adresse extérieure.
[superquote pos="d"]Vincent Collet réclame plus de patience en attaque [/superquote]"On manque de patience", regrettait le coach tricolore après la large victoire de son équipe contre la Bosnie-Herzégovine. "Trop souvent, on veut trouver des décisions immédiates et individuelles."
Un discours repris par Tony Parker, lui aussi conscient de la précipitation de ses coéquipiers sur certaines séquences.
"On peut être un peu plus patients. On veut tous montrer ce qu'on sait faire à la maison, mais il faut jouer sur les points faibles de l'équipe adverse. À nous d'être intelligents."
[caption id="attachment_292501" align="alignleft" width="318"] Léo Westermann a planté trois tirs primés contre la Bosnie.[/caption] La France se hisse parmi les dix équipes à distribuer le plus de passes décisives par match (neuvième avec 18,7 caviars par rencontre) mais elle peut et doit faire encore mieux. Les joueurs de Vincent Collet ont mieux alterné jeu intérieur/extérieur lors du match contre la Pologne mais ils ont manqué de réussite.
"On a pris des bons tirs", notait Tony Parker.
Ils n'ont simplement pas trouvé leur cible (45% de réussite sur cette rencontre). Les Bleus ont justement souffert pendant presque toute une mi-temps face à la zone mise en place par le coach Mike Taylor (sélectionneur de la Pologne). Marcin Gortat et ses compères ont verrouillé la raquette, contraignant les Bleus à tenter leur chance à mi et longue distance.
[superquote pos="d"]La zone de la Pologne a fait mal eux Bleus [/superquote]"Il faut que l'on shoote plus à trois-points pour trouver plus d'espace", remarquait Vincent Collet en conférence de presse.
Pour l'instant, seuls Léo Westermann (42%), Evan Fournier (40%) et Nando De Colo (40%) affichent un pourcentage de réussite à trois-points supérieur à 40%.

Parole à la défense

[caption id="attachment_191971" align="alignleft" width="318"] Vincent Collet s'est déjà plaint plusieurs fois des prestations défensives de ses joueurs.[/caption] Paradoxalement, c'est en défense que les Bleus ont "déjoué". L'EDF est réputé pour sa défense physique.
"L'équipe de France doit commencer ses matches en défense, elle ne peut pas se permettre de ne faire que des bons matches offensifs", martelait le coach après la victoire douloureuse contre la Finlande.
Les Bleus possèdent la huitième meilleure défense de l'Eurobasket après trois rencontres (69 points encaissés en moyenne). Mais ils sont branchés sur courant alternatif de ce côté du parquet. Il y a encore trop d'oublis, trop d'erreurs de communication - principalement sur les pick&roll - trop d'inattention. Toutes ces fautes donnent droit à des paniers faciles - de près ou à trois-points - accordés à l'adversaire.
[superquote pos="d"]"L'EDF doit commencer ses matches en défense." Vincent Collet[/superquote]"On manque de constance en défense", répétait encore Vincent Collet après le premier match.
Les deuxièmes et troisièmes QT contre la Bosnie-Herzégovine ont pu rassurer le sélectionneur. La prestation globale de ce côté du parquet contre la Pologne aussi. Petit à petit, les Bleus tendent à se ressaisir en défense.
"On apprend à mieux se connaître et à mieux jouer ensemble", rappelait Rudy Gobert après la troisième victoire.
Véritable rempart dont l'activité défensive a été soulignée de tous, notamment par son coach, le pivot du Jazz est un atout considérable de ce côté du parquet. Peut-être même au point où ses coéquipiers se reposent un peu trop sur sa présence.

Rudy Gobert, de plus en plus haut...

[caption id="attachment_290862" align="alignleft" width="318"] En attaque comme en défense, Rudy Gobert fait souffrir ses adversaires directs.[/caption] A titre individuel, Rudy Gobert est l'une des satisfactions de ce début de compétition. Parfois en difficulté contre la Finlande - Joffrey Lauvergne a même pris sa place dans les moments importants ce soir-là - le géant est monté en puissance match après match, tirant ainsi la défense française vers le haut.
"On a retrouvé Rudy à un grand niveau de performance contre la Pologne. Il lui est même arrivé de défendre sur deux joueurs en même temps sur des pick&roll", saluait Vincent Collet.
[superquote pos="d"]"Rudy Gobert me fait penser à Tim Duncan." Boris Diaw[/superquote]Moins à l'aise face aux intérieurs capables de s'écarter du cercle, Gobert a joué avec une énergie contagieuse les deux matches contre la Bosnie et la Pologne. Ses blocks électrisent la foule de la Park&Suites Arena de Montpellier, découragent sans doute les adversaires tout en rassurant ses coéquipiers. Mobile, le pivot couvre le porteur et l'intérieur sur chaque pick&roll avec son jeu de jambes et ses longs bras. Il masque ainsi certaines lacunes des défenseurs extérieurs français tout en protégeant le cercle. Avec un Rudy Gobert à ce niveau sur l'ensemble de la compétition, les Bleus peuvent viser haut, très haut. Aussi haut que lorsque ses longue tentacules s'élèvent vers le ciel.
"Son impact me fait un peu penser à ce que nous vivons aux Spurs avec Tim Duncan. Je mesure d’autant plus l’importance que ça a sur notre défense", ajoutait même Boris Diaw.

Nando De Colo, le génie au service de l'équipe

[caption id="attachment_292328" align="alignleft" width="318"] Points, rebonds, passes, défense... Nando De Colo brille aux quatre coins du terrain.[/caption] Rudy Gobert a changé le visage de l'équipe de France en défense et Nando De Colo celui des tricolores en attaque. Complet, décisif, appliqué, le joueur du CSKA Moscou est sans doute le meilleur joueur de l'équipe depuis le début du tournoi. Ses statistiques - 13,3 points à 51,7% et 40% à trois-points, 7,3 rebonds (meilleur rebondeur de l'EDF), 3 passes et 1,7 interception - parlent d'elles-mêmes. De Colo est au-dessus du lot. Il est capable de s'adapter à plusieurs situations sur le parquet. Il peut aussi bien apporter de la création en prenant les commandes de l'équipe qu'évoluer dans un rôle de deuxième arrière capable d'étirer la défense en zonant derrière la ligne à trois-points. Aligné d'entrée de jeu avec Tony Parker, il a pour coutume de mener le deuxième cinq avec Evan Fournier ou Léo Westermann. Élu dans le meilleur cinq de la première journée, le joueur de 28 ans dégage une facilité déconcertante sur le parquet.
[superquote pos="d"]De Colo est sans doute le meilleur français après trois matches[/superquote]"Avec Nando, on peut se partager le travail de création, je ne suis pas obligé de monter la balle tout le temps", remarquait Tony Parker, ravi de pouvoir compter sur le soutien de son coéquipier pour le décharger d'une certain pression dans la création.
De Colo est sans doute le complément idéal pour TP dans le backcourt. A ce rythme, ça sent le retour rapide en NBA pour Nando.

Evan Fournier et le coup de la panne

[caption id="attachment_290790" align="alignleft" width="318"] Evan Fournier se met-il trop de pression ? Son réveil est attendu.[/caption] Il y a aussi des joueurs dont on attend plus, ou plutôt dont Vincent Collet attend davantage. On pense évidemment à Evan Fournier. Après trois matches, le joueur du Magic tourne à 4 points à 25% de réussite aux tirs.
"Je pense qu’Evan est quelqu’un qui peut vraiment nous apporter, c’est un booster. En sortie de banc, il a les capacités pour dynamiser notre attaque. Mais pour l’instant, il ne le fait pas bien, il le fait maladroitement. Il va tout droit et en Europe, on ne peut pas faire ça. (…) Il a beaucoup d’agressivité, mais il ne la place pas dans le bon tempo, il faut arriver à le gérer car il a des vraies qualités de puncheur", résumait Vincent Collet.
[superquote pos="d"]Evan Fournier veut-il trop bien faire ?[/superquote]Il faut se montrer patient avec Evan Fournier. Le gars ne manque pas d'envie, c'est évident. Il est le premier à s'échauffer. Il se donne à fond. Il doit simplement canaliser son énergie. Il a connu le même problème lors de la Coupe du Monde en Espagne lorsqu'il avait mal démarré avant de se montrer décisif en sortie de banc en huitièmes contre la Croatie. Peut-être qu'il se met trop de pression. Seul lui le sait. Peut-être qu'il veut trop bien faire, d'où cette précipitation, ce manque de patience rabâché par Vincent Collet. Fournier va finir par trouver le juste équilibre. On lui souhaite. Vraiment. [caption id="attachment_290025" align="alignleft" width="318"] Nicolas Batum a alterné le bon et le moins bon depuis le début de l'Eurobasket.[/caption] A un degré moindre, on attend aussi davantage de Nicolas Batum, branché sur courant alternatif au cours des trois premières journées. Batman est parfois très bon - Cf. son troisième QT contre la Bosnie - et d'autres fois nettement moins bon - Cf. sa première période contre la Bosnie.
"Nicolas a fait un très bon retour en fin de match (contre la Pologne - NDLR). Il a le meilleur différentiel de l'équipe ce soir et ce n'est pas le fruit du hasard. Il ne faut pas s'affoler. Nico est présent même s'il a des problèmes d'adresse. J'attend davantage de lui. C'est l'un de nos joueurs majeurs et on attend qu'il monte en température", soulignait le coach de l'EDF.
Avec Batum, tout est une question de point de vue. Comme l'a justement fait remarquer Vincent Collet, le joueur de 26 ans termine régulièrement avec le meilleur différentiel de l'équipe (+24 contre la Bosnie, +9 contre la Pologne). On - la presse, les fans - a tendance à lui demander d'évoluer contre nature. Nic' est un joueur NBA et on s'attend donc à ce qu'il plante 20 points à chaque rencontre. Mais ce n'est pas son rôle. Pas son style non plus.
"Je connais Nico depuis longtemps et il n'a jamais été un shooteur pour moi", affirmait Collet.
Nicolas Batum est un joueur complet, capable d'influer des deux côtés du parquet. C'est exactement ce qu'il fait depuis le début de la compétition, même s'il peut avoir un impact encore plus important. Car les Bleus ne cherchent pas à être bons, mais à être grands. Ils sont les favoris de l'Eurobasket, un rang qu'ils ont tenu lors de ces trois premiers matches. A eux désormais d'élever leur niveau de jeu sur la route de Lille.