Ian Mahinmi : « Pas besoin de l’attention des gens »

Ian Mahinmi nous a accordé un entretien dans lequel il évoque son parcours, les légendes qu'il a côtoyées en NBA, son aventure chez les Pacers ou l'équipe de France.

  De passage en France après une saison malheureusement achevée sans qualification pour les playoffs avec les Pacers, Ian Mahinmi nous a accordé un entretien dans la capitale. L'intérieur d'Indiana, posé et réfléchi, y évoque son parcours en NBA, la période compliquée vécue par les Pacers, ou encore son envie de porter à nouveau le maillot bleu. Un garçon qui gagne à être davantage connu au sein du contingent d'expatriés tricolores de la ligue. BasketSession : Ian, tu as un CV assez incroyable en NBA et un titre de champion. Pourtant, on a l’impression que tu es un peu dans l’ombre aux yeux du public… Ian Mahinmi : Si je ne suis pas aussi célèbre que Tony Parker, Nicolas Batum ou Boris Diaw, c’est parce qu’on a eu des carrières assez différentes. Je suis un peu arrivé en NBA par la petite porte,  puis je suis passé par la D-League. Quand on y pense, ça ne fait que 5 ans que je joue vraiment alors que je suis là depuis 8 ans. Avec le titre à Dallas, on a commencé à mieux me connaitre en France. Mais le fait que je ne sois pas un leader des Bleus joue aussi là-dedans. La majorité de mes fans sont Américains et non Français, à part une bonne base à Rouen chez moi. C’est quelque chose qui te dérange ? Le public et la presse française parlent moins de moi, mais je ne m’en plains pas, c’est juste un constat. Je n’ai pas besoin de l’attention des gens ou de savoir ce que pense le reste du monde pour avancer. Ma priorité reste de progresser  chaque année. J’estime avoir encore une belle marge à ce niveau. Du coup, pour la deuxième partie de ta carrière, tu te satisferais de ce rôle de back-up en NBA ou tu aspires à mieux ? Avec l’expérience, on voit les choses différemment et j’ai ressenti une certaine maturation dans mon jeu cette année. Mais quand je joue,  je ne me dis pas : « Allez, je me donne deux saisons pour être starter ». Evidemment, je n’ai pas forcément envie de me cantonner à un rôle de back-up si l’opportunité se présente, mais je suis tellement focalisé sur l’équipe… Je ne regarde JAMAIS les stats. Je joue uniquement pour que l’équipe gagne. Si par rapport au travail que je fournis on me dit que je suis assez bon pour débuter les matches, pourquoi pas. [superquote pos="d"]"Ça a vraiment été bizarre quand Lance Stephenson est parti"[/superquote]Comment tu te sens dans cette équipe des Pacers ? Tu te vois y rester ? Ce qui est bien ici, c’est qu’on apprécie vraiment mon travail, même si c’est un job de l’ombre. Ce que je fais est reconnu, ce qui n’est pas le cas dans toutes les équipes.  Je suis encore sous contrat et j’espère être un Pacer l’an prochain, même s’il y aura du changement dans l’équipe. Entre les joueurs en fin de contrat, ceux qui ont des options et le soir de la Draft où ça devrait bouger, on sait qu’il se passera des choses. On a quand même un groupe et un noyau solides, avec des joueurs qui sont ensemble depuis plusieurs années, ce qui est un avantage. Tout le monde pensait que cette équipe allait disputer au moins une fois les Finales NBA… On a raté le coche…  Surtout la première année lorsqu’on perd le game 7 à Miami. Paul George s’est révélé aux yeux du grand public et ça a déclenché d’énormes espérances pour la suite.  L’an dernier, on est parti tellement bien… Le groupe était encore assez jeune et on a eu du mal à gérer le succès du début de saison, à garder cette constance qui fait la force des grandes équipes. Juste avant les playoffs on a commencé à baisser de pied. On a encore loupé le coup, Paul s’est blessé et ça a été l’avalanche… Le départ de Lance Stephenson a dû faire drôle aussi dans le vestiaire, non ? C’est clair, ça a vraiment été bizarre quand il est parti. Depuis le début, Lance était un projet de Larry Bird qui l’a drafté, l’a aidé à se développer et a réussi à en faire le joueur qu’il souhaitait. C’était un cadre du vestiaire et tout le monde dans l’équipe pensait le voir encore longtemps ici. Il était assis à côté de moi dans le vestiaire… Il y a eu une cassure, ce sont des choses qui arrivent. Je trouve quand même qu’il a été bien remplacé  par CJ Miles et Rodney Stuckey qui ont fait deux grosses saisons. Malgré tout, on s’en est bien tiré. Justement, passer du statut de favori à l’Est à des ambitions complètement différentes cette saison, ça a dû être un challenge assez compliqué… Les gars de cette équipe sont des gagnants, des mecs avec un caractère fort. Malgré tout ce que l’on a vécu, entre départs et blessures, on a continué à gagner des matches. Surtout, les personnes qui ont été responsabilisées par la force des choses ont vraiment assuré. Je pense à Solomon Hill, Donald Sloane ou Lavoy Allen et Chris Copeland sur certaines séquences. Personne ne les attendait et ils ont contribué. On a tous dû « step-up » dans un rôle qui n’était pas le nôtre au départ. C’est aussi grâce au coach qu’on a pu être dans le coup jusqu’au bout. [superquote pos="g"]"Bird ? On ne l'appelle pas Larry Legend pour rien".[/superquote]C’est vrai que Frank Vogel a du mérite avec tout ce qu’il y a eu autour de l’équipe. J’ai de très bons rapports avec lui. Frank est clairement l’un de mes coaches favoris. C’est un très bon meneur d’hommes. Il a toujours cru en nous, même quand c’était dur à imaginer... Il met en confiance tous les gars de l’équipe. Quand Donald Sloane met 30 points dans un match, ce n’est pas une surprise pour moi parce que le coach croit en lui alors que c’est son 3e meneur. C’est ça, sa grande force. Avoir Larry Bird en président ça doit mettre un peu la pression… C’est un président très présent.  Il est là à tous les entraînements et les regarde depuis le banc de touche. Il assiste à tous les matches à domicile et voyage parfois avec nous. Mais attention, ce n’est pas non plus quelqu’un qui va constamment s’immiscer dans le groupe. Il fait sa muscu avec nous de temps en temps et a le contact facile. Il aime blaguer mais c’est aussi quelqu’un de très direct. J’ai eu quelques échanges avec lui, il est très ouvert et veut que les joueurs viennent lui parler. Il aime la conversation. C’est toujours bien de pouvoir dialoguer avec lui. On ne l’appelle pas « Larry Legend » pour rien. Tout ce qu’il dit est instructif, c’est un privilège de l’avoir avec nous. Bird, Popovich, Carlisle, tu n’as côtoyé que des cadors depuis que tu es en NBA. Il y a aussi Mark Cuban ou RC Buford. Avec eux, au niveau du management c’est du top niveau. Je suis aussi très proche de Donnie Walsh (le conseiller de Larry Bird et ex-président de la franchise, NDLR) On discute souvent et en plus d’être l’un des gars les plus influents du milieu, c’est un puits de science. Je me rappellerai toute ma vie de nos conversations sur le basket, elles peuvent durer des heures. Quand tu vois ce que continue de faire San Antonio année après année, tu ne regrettes pas de n’avoir pas pu y rester ? J’ai toujours quelques phrases-clé à l’esprit, notamment celle-ci : chaque chose arrive pour une raison. J’y crois vraiment et je n’ai aucun regret. Il faut bien comprendre que ce qu’il s’est passé pour moi à San Antonio est magnifique. Ce sont les fondations de ma carrière. Personne ne me connaissait, mais on m’a permis de me former. Au début, j’étais contre le fait de jouer en D-League, mais si j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce à ça. Avoir du temps de jeu à 20 ans quand devant vous il y a des types comme Oberto, Elson, Horry… J’ai pu me développer mais dans le style des Spurs, c’est-à-dire mentalement, physiquement et dans l’éthique de travail. Chip Engeland et Chad Forcier ne m’ont pas lâché. Quand je suis arrivé à Dallas, j’étais prêt. J’étais un vrai joueur NBA. [superquote pos="d"]"J'ai réalisé que l'équipe de France m'avait manqué".[/superquote]Qu’est-ce que tu retiens de ces deux années à Dallas ? Un titre, évidemment, mais aussi des actions décisives dans des moments importants. C’était une expérience irremplaçable pour moi de côtoyer des joueurs comme Dirk Nowitzki, Jason Kidd, Jet Terry ou Caron Butler. C’est inoubliable. Au sortir de cette aventure, j’étais presque considéré comme un vétéran à Indiana, à part par Luis Scola et David West. Il y a l’Euro cet été. Tu sens que c’est le moment pour retrouver les Bleus ? L’été dernier, en faisant la prépa pour la Coupe du monde en Espagne j’y ai vraiment repris goût. J’ai réalisé que ça m’avait manqué. Mais je ne regrette rien de ce qu’il s’est passé jusque-là, mes décisions sont toujours pensées et réfléchies, je les assume. J’ai quand même fait quelques campagnes comme en Turquie en 2010 ou l’Euro en Pologne. On verra pour la suite et pour l’Euro. Pour le moment, avec l’équipe de France, nos chemins se sont surtout croisés. Mais en club ou en sélection, je ne veux qu’une chose : aider l’équipe à gagner. En dehors des terrains tu es plutôt du genre hyperactif. C’est vrai que je fais beaucoup de choses, mais ce qui me prend le plus de temps, c’est ma famille. On passe tellement de temps à jouer et à aller dans d’autres villes que quand je ne joue pas, je dédie mon temps à ma femme et à ma fille de 3 ans. Après, j’ai ma ligne de vêtements (French Deal) à gérer et aussi la boîte de production qu’on a lancée avec Boris Diaw, Alexis Ajinça et d’autres athlètes. On a tourné notre premier film l’été dernier à New Orleans, il sort bientôt. A Rouen, j’essaye aussi de tirer le basket local vers le haut. Ce sont beaucoup de coups de téléphone, de réunions, de consultations… Ce sera l’une des choses sur lesquelles je passerai du temps quand j’aurai fini de jouer dans une dizaine d’années. Quand tu diras stop, tu te vois revenir en France ? Je pense partager mon temps entre la France et les Etats-Unis, avec pas mal d’allers-retours. Ma  femme est américaine et mes enfants vont grandir là-bas.