Diot, Jackson, bons baisers de la génération 89

Impériaux dans le troisième QT, Antoine Diot et Edwin Jackson, stars de la génération 89, ont porté l'équipe de France vers son premier succès dans la compétition.

Diot, Jackson, bons baisers de la génération 89
En difficulté face à la défense agressive des Serbes, les Français peinaient à trouver les bons tirs dans ce deuxième QT. Déjà défaits par le Brésil moins de vingt-quatre heures plus tôt, les hommes de Vincent Collet se dirigeaient vers un nouveau revers à Grenade. S’il leur restait encore du temps pour inverser la vapeur, la fin de la possession approchait au moment où Edwin Jackson a hérité du ballon. Entré à la place d’Evan Fournier – encore une fois en manque de réussite et d’inspiration – le joueur de l’ASVEL a vu les secondes défiler sur l’horloge. Face au peu de solutions proposées par ses coéquipiers, il n’a eu d’autres choix que de balancer un shoot miraculeux depuis la ligne à trois-points. Dedans. Milos Teodosic lui a répondu dans la foulée par un autre panier primé. On ne le savait pas encore, mais la rencontre venait de basculer. « Je cherchais le déclic et ce shoot m’a mis en confiance », expliquait l’un des héros de la rencontre après la victoire à l’arrachée de l’équipe de France face à la Serbie (74-73).

 Antoine Diot, Edwin Jackson, les détonnateurs

Edwin Jackson et Antoine Diot ont tous les deux connu une saison riche sur le plan individuel. Le premier nommé a terminé meilleur marqueur de la Pro A, une performance jamais réalisé pour un Français depuis Jacques Cachemire, en 1975. Son homologue de Strasbourg a lui été élu meilleur joueur (français) du championnat national suite à ses belles prestations pour sa première saison avec Strasbourg (11 pts et 5 pds de moyenne en Pro A).
« Antoine a toujours été précoce, sa compréhension du jeu était déjà supérieure à la moyenne lorsque nous étions en jeunes », se remémore Edwin Jackson.
Leurs performances ont valu aux joueurs issus de la génération 1989 une invitation pour la Coupe du Monde en Espagne. La présence d’Antoine Diot semblait évidente, notamment en l’absence de Tony Parker. Il était du voyage lors du sacre des Bleus en Slovénie en septembre dernier. Celle de Jackson était un peu plus inattendue. Le fils de Skeeter Jackson, ancien international, a été coupé à l’issue de la préparation pour l’EuroBasket l’an passé. Son profil atypique d’arrière-scoreur taillé dans un corps de meneur n’était pas forcément au goût de Vincent Collet. Le forfait de Parker et la détermination de Jackson ont finalement poussé le sélectionneur à miser sur le jeune joueur de 24 ans.
« Vincent me met en confiance, il me pousse. Il croit en moi et il me demande de shooter. Il me demande d’être un tueur quand je rentre. Il sait que j’ai envie. Il m’a remis très intelligemment dans le troisième QT pour mettre de l’énergie. »
Sélectionner Edwin Jackson était un pari. Le lancer dans le grand bain pour inverser la tendance alors que son équipe prenait l’eau lors de son second match de Coupe du Monde en était un autre.

Started from INSEP, now they’re here

Si Edwin Jackson et Antoine Diot ont connu des trajectoires différentes, leur carrière de joueur professionnel ont débuté au même endroit : à l’orée du Bois de Vincennes, à l’INSEP pour être plus précis. C’est au sein de l’usine à champion française que les deux jeunes hommes se sont côtoyés pour la première fois. Ils y ont passé trois années, le temps d’y remporter ensembles un titre lors du championnat d’Europe junior (U18) en Grèce, en 2006. Six ans après le sacre de Tony Parker, Boris Diaw ou encore Ronny Turiaf à Zadar, en Croatie, la France tient sa relève avec Nicolas Batum, Antoine Diot et donc Edwin Jackson. Les deux joueurs ont signé leur premier contrat professionnel un an plus tard respectivement au Mans pour Diot et à Villeurbanne pour Jackson. [superquote pos="d"]« Je voulais prouver que j’étais capable de défendre dur. » Edwin[/superquote]C’est encore une fois ensembles qu’ils ont fait leur entrée sur le parquet du Palais des Sports de Grenade dès le début de la deuxième période. Vincent Collet a demandé à ses joueurs de défendre avec plus d’agressivité et il a donc modifié son dispositif tactique. Boris Diaw a déjà pris deux fautes et c’est sans son capitaine que les Bleus ont abordé la deuxième mi-temps, avec donc huit points de retard. Diot a pris la place de Thomas Heurtel – un autre natif de 1989 – à la mène. La France a décidé de jouer petit avec un seul intérieur de formation sur le terrain. Jackson, qui n’a joué que cinq minutes dans le premier match face au Brésil, est bien présent.
« Edwin avait marqué ce panier incroyable avant la mi-temps. Je cherchais quelqu’un qui puisse apporter en sortie de banc. J’ai vraiment poussé Evan (Fournier) en première période. Il a eu deux passages sans réussite alors j’ai tenté autre chose. C’était un pari », avouait Vincent Collet en conférence de presse.
Un pari gagnant. Le joueur de l’ASVEL a parfaitement reçu le message relayé par son coach pendant la préparation : « moins de dribbles, plus de shoots en ‘spot-up’ ». Bien servi par ses coéquipiers, le Villeurbannais a inscrit 9 points – dont deux paniers derrière l’arc – dans le troisième QT, à 3/4 aux tirs. Inspiré en attaque, il s’est arraché en défense face au jeune prodige serbe Bogdan Bodganovic.
« Je voulais prouver que j’étais capable de défendre dur », témoignait-il après le match.
Antoine Diot a lui aussi brillé avec 13 points dans la même période, portant son total à 15.

Le pari du présent... et de l'avenir ?

La Serbie était encore devant à l’issue du troisième QT mais le momentum a clairement changé de camp. Les deux joueurs sont revenus avec la même envie dans le quatrième QT. Joffrey Lauvergne et Boris Diaw ont terminé le travail mais tous les joueurs de l’équipe de France ont salué les performances des deux remplaçants après le match.
« Ce soir c’était nous, demain ça sera peut-être Thomas et Evan. On reste solidaire. C’est important que tout le monde apporte sa pièce à l’édifice », assurait Diot.
Le meneur de l’équipe de France n’a pas souhaité tirer la couverture sur lui ou l’un de ses coéquipiers en particulier. Ils ont gagné ce match en équipe, en partie grâce à un collectif retrouvé (21 passes décisives ce soir, 9 seulement face au Brésil hier). Mais le coach n’a pas manqué de féliciter ses deux jeunes joueurs.
« Edwin avait peu joué hier et il est presque le déclencheur de l’insurrection aujourd’hui avec Joffrey et Antoine. C’est une bonne chose pour nous car l’on va avoir besoin que les jeunes joueurs se révèlent. On ne va pas faire un tournoi juste avec les quelques anciens que l’on a dans l’équipe. C’est important que chacun apporte sa contribution. »
Nicolas Batum est aujourd’hui considéré comme l’un des « anciens » au même titre que Boris Diaw ou Florent Piétrus. Il était le patron de cette équipe de France sacrée en Grèce en 2006. Il est aujourd’hui l’un des chefs de l’équipe championne d’Europe en titre... à l’échelon supérieur. Cet après-midi, le joueur des Blazers a pu se reposer sur ses deux anciens lieutenants en jeunes. De quoi renforcer encore un peu plus le relai entre deux générations dorées. En attendant ce passage à témoin, Antoine Diot et Edwin Jackson vous saluent bien.