Et si Kevin Séraphin avait raison ?

Si l'on ne peut que regretter qu'il ne rejoigne pas l'équipe de France cet été, Kevin Séraphin a peut-être bien pris la meilleure décision… financièrement. Explications.

Benoît JametPar Benoît Jamet  | Publié  | BasketSession.com / NEWS / Équipe de France
Et si Kevin Séraphin avait raison ?
Depuis quelques jours, Kevin Séraphin, le pivot des Washington Wizards, se retrouve au centre d'une belle polémique sportive, une polémique dont l'écho même pourrait rendre jaloux Jérôme Cahuzac. D'accord, on exagère un peu mais s'il y a bien un thème sur lequel ces deux polémiques se retrouvent, c'est qu'elles trouvent toutes les deux leurs origines dans l'argent versé sur un compte en banque. Si l'ex-Ministre du budget avait un compte caché en Suisse, le joueur de Washington possède également un compte à l'étranger, mais à Washington, et totalement légal, lui. Le problème, c'est qu'un joueur comme Kevin Séraphin ne l'a, pour l'instant, pas assez garni pour avoir toutes les cartes entre les mains et décider quoi faire de ses étés, au contraire de ce que peuvent maintenant se permettre Tony Parker, Boris Diaw ou Nicolas Batum. Et si l'on ne peut que regretter qu'il ne rejoigne pas l'équipe de France cet été, contrairement à ce qu'ont pu faire les trois joueurs pré-cités lors de leurs premières saisons NBA, on peut aussi se demander s'il n'a pas pris la meilleure décision... financièrement. Explications. [superquote pos="d"]Kevin Séraphin, sans être à plaindre (loin de là, bien évidemment), n'a pas encore atteint les sommets financiers qu'un joueur NBA peut espérer et qui lui permettront d'avoir l'esprit plus libre quand les Bleus auront de nouveau besoin de lui.[/superquote] Arrivé en NBA en 2010 (drafté en 17ème position par les Bulls de Chicago), Kevin est encore pour une saison sous un régime rookie, assez contraignant d'un point de vue financier depuis que la NBA cadre assez strictement les salaires versés à ses jeunes recrues. Au terme de la saison prochaine, il aura accumulé 7,81 millions de dollars sur ses 4 années de carrière NBA, une moyenne de 1,95 million par saison. Jouant aux Washington Wizards, ce salaire est soumis aux taxes du District of Columbia qui se montent a 8,5% de son salaire (d'après cette page recensant les différentes impositions selon vos revenus et votre lieu de résidence). La NBA a également ceci de particulier que les joueurs paient des taxes (la fameuse "Jock Tax", "l'impôt des athlètes") dans les Etats où leurs franchises vont jouer. Enfin, un agent NBA reçoit entre 4 et 10% du salaire d'un joueur comme rétribution. Au bout du compte, Kevin Séraphin, sans être à plaindre (loin de là, bien évidemment), n'a pas encore atteint les sommets qu'un joueur NBA peut espérer et qui lui permettront d'avoir l'esprit plus libre quand les Bleus auront de nouveau besoin de lui. Alors quel type de contrat peut attendre Kevin Séraphin, à son âge et avec les stats qu'il présente cette saison (9,1 pts, 4,4 rbds et 1,6 turnover en 21 min) ? Rappelons que le joueur français a changé cette année d'agent, quittant Bouna N'Diaye pour rejoindre l'écurie de Rich Paul, qui vient récemment d'être largué par LeBron James (amis des Feux de l'Amour, bonjour...). Si l'on prend les stats pures et dures, Kevin Séraphin est, cette année, au niveau d'un Javale McGee (9,1 pts et 4,8 rbds mais 57% de réussite en 18 min contre seulement 46% pour le Français), d'un Jonas Valanciunas (8,9 pts et 6 rbds mais 55,7% de réussite en 23 min) ou bien encore d'un Chris Kaman (10,5 pts et 5,6 rbds à 50,7% de réussite en 20 min). Si le contrat actuel de Valanciunas ne peut être pris en compte puisque, lui aussi, est actuellement sous un régime rookie, les contrats signés par Kaman et, surtout, McGee peuvent être une indication de ce que pourrait gagner Kevin Séraphin à la loterie NBA. Chris Kaman, les pieds un peu collés au sol maintenant, a récolté 8 millions de dollars (contrat d'un an) de la part des Dallas Mavericks lors de la dernière intersaison. Mais il avait pour lui cette expérience (9 ans de NBA) dont ne peut pas encore se targuer Kevin Séraphin. De plus, l'Allemand naturalisé tourne depuis plus de 8 saisons à plus de 10 points par match (dont une pointe à 18,5 pts et 9,3 rbds en 2009-2010) et, ça, Séraphin va devoir prouver qu'il peut y parvenir sur la durée, année après année. Les 8 millions touchés par Kaman ressemblaient donc à une sorte de discount accordé aux Mavs, accepté par le joueur dans l'espoir de se relancer et d'aller monnayer un dernier gros contrat ensuite. Le cas Javale McGee est, lui, un peu plus intéressant pour éclairer la situation de Séraphin. Plus vieux (25 ans et 5 saisons deja en NBA), le joueur des Nuggets est un phénomène physique. Séraphin l'est aussi mais dans la masse et la force brute, plus que dans la verticalité que McGee apporte à son équipe, en attaque comme en défense (2 blocks de moyenne cette saison, 8ème de NBA, Séraphin tourne à 0,8 ndlr). Néanmoins, la technique supérieure du Français, dont un petit hook dos au panier pas piqué des hannetons, le met sur un presque pied d'égalité avec le joueur des Nuggets, tout au moins au niveau du potentiel de jeu. Kevin Séraphin fait sans doute moins de claquettes smashées mais son QI basket semble supérieur à celui de McGee, un vrai atout auprès des GM's souvent à la recherche d'un joueur puissant et intelligent. Alors, si l'on prenait en exemple le contrat qu'a reçu Javale McGee de la part du GM des Nuggets en 2012 (44 millions sur 4 ans), on pourrait attendre pour le Français qu'Ernie Grunfeld, le GM des Wizards, lui propose un contrat du même acabit, tout du moins aux alentours des 40 millions de dollars sur 4 ou 5 ans (moyenne de 10 a 8 millions de dollars). Kevin Séraphin vaut-il actuellement ces 8 millions de dollars ? Dur de se faire l'avocat du Français là-dessus tant un joueur de 2,06 m et 125 kg devrait avoir un meilleur pourcentage que ce pauvre 46%. Néanmoins, difficile de nier aussi le potentiel que le Guyanais possède, et qu'il avait pu démontrer en Euroleague lors du lockout 2011 (9,6 pts et 5 rbds de moyenne sous le maillot du Saski Baskonia a.k.a. Caja Laboral a.k.a. Tau Vitoria). [superquote pos="d"]En prouvant son potentiel à son GM lors des workouts estivaux auxquels il va participer et en cherchant à éviter le risque d'une éventuelle blessure ou contreperformance en compétition, Kevin Séraphin va sûrement passer de 1,9M de dollars par an à 8-10 millions dès 2014.[/superquote] Au bout du compte, Kevin Séraphin, en prouvant son potentiel à son GM lors des workouts estivaux auxquels il va participer (envisageant même de travailler avec la référence Olajuwon), et peut-être aussi en cherchant à éviter le risque d'une éventuelle blessure ou contreperformance en compétition, va sûrement passer d'un revenu de 1,9 million de dollars par an à celui de 8-10 millions de dollars par an dès 2014, assurant par la même sa sécurité financière pour le restant de ses jours (rappelons que les contrats sont garantis en NBA) et se mettant même dans la position d'en recevoir un autre du même ordre en 2018 ou 2019. En cette année d'Euro ou de grandes stars sont absentes (Pau Gasol, Dirk Nowitzki), Kevin a pu se demander légitimement si la bonne solution pour lui n'était pas de renoncer à l'équipe nationale et de penser à ses intérêts personnels. Sa décision aura, en tout cas, été largement commentée ces dernières heures dans des termes peu flatteurs par des acteurs importants du basket français, comme Jacques Monclar dans sa nouvelle émission sur RMC, ou bien encore des observateurs attentifs, comme Fabien Friconnet le rédacteur en chef de BasketNews, tout cela faisant suite au post "ironique" de l'international français se justifiant de ne pas participer au prochain Euro (4-22 septembre en Slovénie). Du côté de l'équipe de France, son directeur, Patrick Beesley, s'est contenté de "ne pas fermer la porte" au pivot pour l'aventure slovène. Si le risque est réel que le Wizard perde sa place au profit des appelés de cet été (Ludovic Vaty, Alexis Ajinca sont cités mais de plus jeunes, comme Rudy Gobert ou Mouhamadou Jaiteh, pourraient être candidats), il aura, au moins, pour lui la satisfaction d'avoir validé financièrement son début de carrière prometteur.
Afficher les commentaires (72)
Atlantic
Central
Southeast
Pacific
Southwest
Northwest