Kobe Bryant est parti, mais son héritage est toujours en nous

Voilà un an que Kobe Bryant, sa fille Gianna Maria et sept autres personnes ont perdu la vie lors d'un tragique accident d'hélicoptère.

Kobe Bryant est parti, mais son héritage est toujours en nous
Je me souviens où j’étais quand j’ai appris la mort de Kobe Bryant. Comme beaucoup d’entre vous. D’entre nous. Ça fait partie de ces moments indélébiles que l’on garde en tête, telle une image gravée dans la mémoire. On peut presque le revivre avec des flashs qui défilent. Je pourrais dire la même chose de l’attentat du World Trade Center, même si les dimensions sont complètement différentes et absolument incomparables. Kobe Bryant, adieu légende Mais pour moi, pour nous, passionnés de basket, la disparition du Black Mamba fut vraiment un choc. Un tremblement de terre interne. Avec évidemment une vraie difficulté à accepter que c’était réel. Je vais être honnête : je n’aime pas vraiment le pathos, les confessions et les thérapies collectives où chacun y va de son témoignage. Même si je comprends l’intérêt que ça peut avoir. Je comprends l’envie pour chacun de partager. De raconter son Kobe. Je pense à lui parfois. Souvent au début. Un peu moins maintenant. Mais j’y pense encore. Des pensées anodines la plupart du temps. Quelque part, d’une certaine manière, il fait encore partie de moi, de nous, aujourd’hui. Parce qu’il a forgé ma jeunesse, notre jeunesse, sans être mon joueur préféré. Mais un an après, j’aimerais surtout parler de son héritage. Je lis souvent, même partout, qu’il est toujours présent. En chacun de nous, oui, sans doute. Il est toujours là pour ceux qui l’ont suivi, ceux qui l’ont aimé et même ceux qui l’ont détesté. Parce qu’il ne laissait personne indifférent. Oui il est là. Mais son héritage ? Je n’en suis pas si convaincu. Alors, bien sûr, il y a des joueurs qui tiennent à perpétuer la Mamba Mentality, un état d’esprit à la fois abstrait, un peu bidon et pourtant très fort à la fois. Bien sûr, il y a des joueurs qui veulent devenir comme lui. Qui suivent son exemple. Bryant était, est toujours et sera encore une source d’inspiration en NBA comme ailleurs. Y compris pour moi. Y compris pour nous. Il y a des joueurs qui se voient en successeur, en héritier, comme Kawhi Leonard ou encore Jayson Tatum et Devin Booker, avec qui il a travaillé plus étroitement. Mais ils ne seront jamais Kobe. Son héritage, c’est l’amour du jeu. Mais du jeu en lui-même. Du basket dans sa forme la plus pure et la plus complexe. Un héritage transmis par Michael Jordan à son plus grand fan. Et cet héritage, je pense, il a commencé à disparaître avant même que Kobe Bryant ait quitté notre monde. Cet héritage, aujourd’hui, il est menacé par les tweets, les flops, les rumeurs, les contenus indiscrets et tous les à-côtés d’une ligue qui fait plus parler d’elle… quand elle ne joue pas. En tenant absolument à devenir un championnat qui alimente l’actualité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an, la NBA, en tant que business et produit marketing, a réussi à s’éloigner, paradoxalement, du jeu. Au moins en partie. Et ça, ça agaçait terriblement Kobe. Il avait peur. Peur que le basket passe au second plan. Peur que son art soit de moins en moins compris car de moins en moins expliqué. Et c’est exactement pour ça qu’il avait lancé « Details », des vidéos dans lesquelles il décortiquait jusque dans les moindres… détails des aspects de son sport qu’il aimait tant. Aujourd’hui, la NBA fait plus de buzz, plus de bruits et plus d’audiences – et nous sommes bien placés pour le savoir – pendant l’intersaison. Les news qui marchent le mieux sont celles qui ne traitent finalement pas du basket. Les analyses les plus poussées, elles, sont moins lues. Parfois nettement moins lues. Souvent nettement moins lues. Alors, bien sûr, ça ne concerne pas tout le monde. Une poignée d’irréductibles continuent de se passionner pour les systèmes, pour les mouvements, pour ce qui se passe sur le terrain. Sur pourquoi et comment il se passe ça ou ça. Ce qui, justement, animait Kobe au plus profond de lui-même, au point de transmettre cet amour à sa fille Gianna Maria, elle aussi décédée dans ce foutu accident d’hélicoptère il y a un an. Mais je pense que Kobe avait tort. Et je pense qu’il savait qu’il avait tort. Ou plutôt qu’il s’est rendu compte qu’il avait tort. Parce que le basket et la NBA tout particulièrement, ce n’est pas que le jeu. C’est beaucoup plus que ça. Ce sont des Hommes, avec un grand H. Ce sont des histoires, là aussi avec un grand H. Des Histoires d’Hommes. Kyrie Irving, celui qui se revendique le plus de Kobe Bryant, même sans le dire, répète souvent qu’il aimerait que les médias se contentent de traiter le jeu. Le terrain. Mais dans le même temps, il se décrit volontiers comme un artiste dont le cadre dépasse largement celui des limites du parquet. C’est ça, aussi, qui fait le charme de notre sport. Notre passion. D’ailleurs, les audiences NBA sont en baisse saison après saison alors que la ligue semble intéresser de plus en plus de monde. Et ce constat dépasse le basket mais s’applique aussi au foot, aux autres sports et même à la société en général. Notre consommation de l’information a changé et continue de changer. Ce ne sont pas juste les matches qui, souvent, dans le fond, sont accessoires. Ce sont plutôt leurs acteurs. Ces hommes qui nous influencent. Qui nous montrent qui ils sont et qui, à travers eux, nous aident aussi à comprendre qui nous sommes. Pendant toute la première partie de sa carrière, voire même une majeure partie de sa carrière, Bryant montrait un visage tronqué de lui-même. Il essayait de se faire passer pour quelqu’un qu’il n’était pas. Et ça ne marchait pas d’ailleurs. Il voulait être jugé uniquement sur le jeu. Puis il a compris. Il a ôté le masque. Ne masquant plus sa personnalité, si riche. En n’ayant plus peur de dévoiler un côté « connard », en ne le refoulant pas, il a pu enfin se révéler aux yeux de tous. Au final, lui aussi aimait l’humain. Les liens. Les Histoires. C’est en montrant ce visage plus humain, je pense notamment après sa terrible blessure au tendon d’Achille, en acceptant de raconter son aventure, que le public s’est mis à le regarder autrement. Et c’est à ce moment-là qu’il est vraiment devenu une icône. Kobe Bryant, en tant que joueur, me faisait peur et me rendait admiratif à la fois. Si fort. Tellement insupportable quand il claquait des cartons sur la tête de mes Blazers ou des Spurs. Mais c’est l’homme que j’ai aimé. Si intelligent, si brillant, si intéressant et si charismatique. Si sa mort a touché bien au-delà du monde du sport, bien au-delà des simples passionnés, c’est bien parce que la NBA et le basket sont bien plus qu’un simple jeu.