David Harrison : de la NBA à employé de McDo, histoire d’une chute

David Harrison : de la NBA à employé de McDo, histoire d’une chute

Au milieu des années 2000, David Harrison a joué chez les Pacers. Accro à la drogue lors de sa dernière année de contrat, les galères ont ensuite continué pour l'ancien NBAer, qui fête ses 40 ans aujourd'hui.

Guillaume RantetPar Guillaume Rantet | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Portrait

Il voulait simplement un Happy Meal. Pour son fils de quatre ans. Mais sa carte bancaire a refusé le paiement. La faute à un compte en banque aussi vide que le désert de Gobi. David Harrison, 30 ans à ce moment-là, a quitté la Grande Ligue et les Indiana Pacers depuis déjà cinq ans quand le manager d'un McDonald's d'Indianapolis lui donne finalement le menu enfant qu'il était venu chercher. Et l'ancien pivot des Pacers se voit même offrir un autre cadeau : un poste chez le géant du fast-food. Qu'il accepte. Car après avoir joué à Indiana, puis baroudé en Chine, le jeune trentenaire est fauché.

« J'ai littéralement dilapidé 95% de mes économies » raconte-t-il dans le portrait qui lui est consacré sur Yahoo Sports.

Déjà...

« Une carrière NBA, c'est fragile »

Une voiture en vente. Une maison saisie par les huissiers. Aucun revenu. Bienvenue dans le quotidien de David Harrison. Un joueur qui a gagné 4,4 millions de dollars dans une franchise NBA, puis qui a dû reprendre du service chez McDo pour faire vivre sa famille. A aujourd'hui 40 ans, il raconte son passage des parquets NBA à un job souvent réservé aux étudiants (moins outre-Atlantique qu'en France néanmoins) :

« J'étais gêné vu où j'aurais pu être à la place. Tout le monde doit travailler et gagner sa vie quelque part. J'ai deux enfants. Ils se fichent du lieu où je travaille. Ils veulent juste manger. »

Comment David Harrison a-t il pu en arriver là ? Une mauvaise gestion financière ? Des dépenses excessives ? Pour son ancien coach chez les Pacers durant trois de ses quatre années de contrat, Rick Carlisle, il subit le revers de la médaille que bien d'autres joueurs NBA ont expérimenté avant lui :

« Une carrière NBA, c'est fragile. Il n'y a qu'un pas entre un chemin et un autre. Beaucoup de joueurs ont goûté à ça. »

Ironie du sort : en 2001, avant d'être drafté en 29è position par les Pacers, le pivot disputait le McDonald's All-American Team, du nom d'un sponsor devenu ensuite son employeur. Un match d'exhibition disputé par les meilleurs lycéens du pays, une caste dont il faisait alors partie. Car jeune, David Harrison faisait beaucoup parler.

« Je ne me suis jamais senti autant impuissant qu'en défendant face à lui » raconte son ancien coéquipier chez les Pacers Chris Copeland. « A l'université, c'était incroyable. C'était un athlète extraordinaire. Il était très incompris. Un gars intelligent, très réfléchi. Quand tu es autant intelligent et profond dans tes pensées, parfois les gens se demandent d'où tu viens. »

David Harrison, génie incompris ? Peut-être. Mais d'autres éléments permettent de mieux cerner le pourquoi de sa carrière. Et de sa vie.

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« On m'a dit de ne pas trop attendre de lui »

Un an de liberté conditionnelle. 250 dollars d'amende. Surtout, 85 000 dollars versés à son avocat et de frais de justice. Le 19 novembre 2004 a coûté cher à David Harrison. Un peu à son porte-feuille, beaucoup à sa réputation. Il est vrai que l'incident n'a pas impliqué que lui : neuf joueurs ont été suspendus par la Ligue suite au fameux « Malice at the Palace ». Pas lui. Le rapport de police indique certes que David Harrison a reçu des coups ce soir-là. Mais aussi qu'il a frappé un homme de 67 ans qui se trouvait sur son passage lorsqu'il se rendait aux vestiaires.

De cette énorme échauffourée provoquée notamment par le jet d'un verre d'un fan des Pistons à l'encontre de Ron Artest, le pivot ne regrette rien. Maladroitement.

« On essayait de se protéger. Mais ce n'est pas ce que la Cour a jugé. »

L'incident, qui a conduit la Ligue a faire de la politique de la tolérance zéro son leitmotiv, a marqué David Harrison. Lequel raconte encore des situations devenues aujourd'hui anachroniques :

« On était dans le bus et ils nous ont dit de nous allonger parce que certaines personnes avaient été aperçues armées dans l'enceinte. »

La baston, et l'envie de se faire justice soi-même, David Harrison connaît : en 2008, il est suspendu un match par les Pacers pour avoir fait irruption dans le vestiaire des Spurs afin de régler ses comptes avec Matt Bonner, auteur d'une faute offensive qui avait laissé des traces sur le visage du pivot.

Mais à côté de certains déboires, durant ses trois premières saisons en NBA, David Harrison a donné satisfaction à son coach. Rick Carlisle en a même fait son titulaire. Sans regret.

« J'ai adoré coacher David Harrison. C'est un grand compétiteur. C'était un gamin complexe, mais ouvert à la communication et extrêmement intelligent. »

Un « gamin complexe » : le mot est lâché. Pourtant, Rick Carlisle fait partie des adeptes d'Harrison. Ce qui n'est pas le cas de Jim O'Brien, qui n'a pas pu (voulu?) faire avec le personnage. Et apparemment, le dernier coach NBA du pivot avait été prévenu.

« Quand j'ai reçu le job on m'a dit de ne pas trop attendre de lui, qu'il avait un passé difficile et que ce n'était pas un gars sur lequel tu peux compter pour bâtir une équipe. »

Alors Jim O'Brien n'a jamais accordé sa confiance à David Harrison. L'a critiqué. Beaucoup. Et ne l'a guère fait jouer. Le début de la fin.

« J'ai vécu les pires moments de ma vie quand Jim O'Brien a pris la tête de l'équipe. J'ai demandé d'être tradé ou envoyé en D-League, mais ce n'est pas arrivé. Je ne peux pas le pointer du doigt, mais il ne voulait pas que je réussisse. »

Pourquoi ? Une question à laquelle il est bien difficile de répondre. Tout comme celle sur l'origine de la disparition des millions de dollars de l'ancien Pacer. Ego démesuré ? Immaturité ? Incapacité à assumer une telle ascension ? Craquage psychologique ? Sûrement tout à la fois.

Malheureux, le joueur se réfugie dans la drogue. Il fume de la marijuana. Tous les jours. Même avant et après l'entraînement. Résultat : cinq matches de suspension infligés par la Ligue.

« Il avait beaucoup de choses enfouies en lui avant même que l'on se croise. C'était un bon athlète en tant que pivot, mais il ne pouvait pas faire le travail. On ne pouvait pas tourner autour du pot. Je lui ai beaucoup parlé. Larry Bird (le président des Pacers, ndlr) lui a beaucoup parlé pour voir comment utiliser son talent. » regrette Jim O'Brien.

Si les propos de ce dernier paraissent aujourd'hui plus crédibles, c'est parce que David Harrison lui a donné raison. Après trois années passées en NBA, Harrison déchante. Il a alors 24 ans. Trop jeune pour faire face, explique-t-il.

« La fierté, c'est ce qui m'a le plus foutu en l'air. J'avais trop confiance en mes capacités, j'étais têtu. Toute cette histoire d'herbe, c'était une vraie guerre. C'est quelque chose qui m'a occupé l'esprit. C'était moi contre ma cure de désintoxication. Quelque chose contre lequel je devais me battre à nouveau. Au final, j'avais 24 ans quand c'est arrivé. »

« En regardant tout ça en arrière, à 32 ans, je n'aurais pas fait certaines choses que j'ai faites à 24. Mais je les ai faites. »

Alors il faut rebondir.

« Il y aurait eu 40 minutes de queue »

Rebondir ? David Harrison a d'abord pris la direction de la Chine pour relancer sa carrière. Sans succès. Lors de la saison 2008-2009, il joue avec les Beijing Ducks. Les deux saisons suivantes, avec les Guangdong Southern Tigers. Enfin, lors de l'exercice 2011-2012, il retrouve les parquets du pays de l'Oncle Sam. Mais en D-League, avec les Reno Bighorns. Et pour huit matchs...

« Je veux jouer, mais je ne pense qu'il y ait de porte ouverte pour moi » regrette-t-il.

Celle ouverte par les Dallas Mavericks, lors de la Summer League de 2012, s'est vite fermée. Donc David Harrison a fait son deuil : il ne sera plus basketteur professionnel. Mais il sait qu'il peut gagner sa vie en dehors des parquets :

« J'ai confiance en mon intelligence. J'ai confiance en moi et j'ai les capacités pour réussir. »

Il y eu ces deux semaines passées chez McDonald's devenues le symbole d'une carrière gâchée. Problème : les clients étaient fascinés par le physique de l'ancien pivot (2m13 pour 113 kilos).

« J'ai fait deux semaines de formation. Ils m'ont dit que j'aurais été une distraction à cause de ce que j'ai été, et qu'à chaque fois que quelqu'un aurait commandé, il y aurait eu 40 minutes de queue parce qu'ils me posaient trop de questions. »

Ce ne sera pas la restauration. Tant pis. Peut-être la finance : David Harrison dit s'être mis à l'achat et la vente d'actions. Il investit dans des petites entreprises. A même postulé chez Edward Jones. En vain. Le hic ? Pas sa taille, mais ses diplômes. Il manque en effet seize crédits à Harrison pour obtenir un diplôme universitaire.

L'ancien NBAer a beau avoir approché l'université du Colorado pour dénicher le précieux sésame, proposant ses services en tant que coach assistant, là encore, ce fut un échec. Personne ne veut de David Harrison ? Il se débrouillera tout seul pour monter une société spécialisée dans les applications de jeux sur smartphones. Histoire de refaire de sa vie un jeu.

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