Pourquoi Team USA doit se remettre en question, même avec ses superstars

Attention à ne pas penser que faire jouer les meilleurs talents américains garantirait au Team USA la victoire aux Jeux.

Pourquoi Team USA doit se remettre en question, même avec ses superstars

L’Allemagne championne du monde de basket, est-ce vraiment une surprise ? Ce superbe succès décroché à Manille, en battant la Serbie (83-77) pour conclure invaincue un tournoi que la sélection de Gordie Herbert a finalement maîtrisé de bout en bout, est l’aboutissement d’un travail de fond opéré sur plusieurs années. C’est même une conclusion logique après l’Eurobasket de l’an dernier, où la Mannschaft avait été éliminée en demi-finale en donnant pourtant l’impression d’être la meilleure équipe de la compétition. Mais d’un regard extérieur, pour un public qui se concentre surtout sur la NBA, la victoire d’une formation portée par Dennis Schröder et Franz Wagner, alors même que le Team USA avait envoyé une armada avec plusieurs All-Stars, peut intriguer.

Pour beaucoup, Américains et Canadiens faisaient figure de favoris pour la médaille d’Or après les premiers matches. C’est presque une logique purement mathématique : la première équipe compte 12 joueurs qui évoluent NBA, avec même des cadres de certaines franchises (Anthony Edwards, Paolo Banchero, Tyrese Haliburton, Jalen Brunson, etc.), tandis que l’autre en possède 7, dont Shai Gilgeous-Alexander, nouvelle superstar mondiale.

Incroyable Allemagne, le Canada va être flippant

Il y a bel et bien eu dimanche une affiche entre les deux puissances nord-américaines. Mais, le matin, pour la troisième place et la médaille de Bronze. Une petite finale pourtant présentée un peu à la hâte comme l’affiche ultime pour le titre. Un match remporté en prolongation par Dillon Brooks (39 points) et ses camarades, laissant ainsi les Etats-Unis repartir bredouilles des Philippines.

C’est la deuxième Coupe du Monde de suite ratée par l’escouade à la bannière étoilée. Avec pourtant à chaque fois un effectif étiqueté NBA à 100%. Le Team USA avait déjà été humilié en Chine, en 2019, en sortant dès les quarts de finale, battu par la France (79-89) avant de s’incliner en match de classement contre la Serbie (89-94) pour finir à une très modeste septième place après avoir réagi dans la douleur contre la modeste Pologne (87-74). Les joueurs de Steve KerrGregg Popovich quatre ans en arrière – ont fait un peu mieux en terminant quatrièmes… mais en perdant tout de même 3 rencontres (soit une de plus que la France par exemple).

Alors que ce nouvel échec fait parler, Evan Turner, ancien joueur des Boston Celtics, des Philadelphia Sixers ou encore des Portland Trail Blazers, a tenu en calmer tout le monde en rappelant que les conclusions dramatiques ne servaient à rien puisque les Etats-Unis allaient « gagner les Jeux Olympiques » dans un an. C’est effectivement ce qui s’est passé entre les deux campagnes FIBA ratées : une médaille d’Or olympique décrochée à Tokyo en 2021 par Kevin Durant et ses compagnons.

Pour les Américains, la problématique est très simple (simpliste) : ce ne sont pas les meilleurs agents qui ont sont envoyés à la Coupe du Monde et les superstars prennent le relais pour dominer la planète aux Jeux. C’est vrai que les principales « locomotives » US manquaient à l’appel. Les Stephen Curry, LeBron James ou KD, pour citer les anciens, ou encore évidemment les Devin Booker, Jayson Tatum et autres Ja Morant.

Tyrese Haliburton Team USA Coupe du monde

 

Mais est-ce vraiment la seule donnée à prendre en compte ? Une Team USA emmenée par Edward, Banchero, Brunson, Haliburton, Brandon Ingram – que des joueurs autour des 20 points par match dans la meilleure ligue du monde – devrait avoir suffisamment d’atouts individuels pour l’emporter. Et c’est peut-être justement là que le bât blesse. Le fait de tout miser sur le talent individuel. Encore et encore. En pensant que ce sera une solution suffisante et que même avec une préparation raccourcie, peu de vécu commun, peu de connaissances du basket international, les sélections NBA continueront de marcher sur tout le monde.

Rudy Gay est un peu plus méfiant que certains de ses compatriotes. Pour lui, résumer la désillusion au roster de Team USA – encore une fois, vraiment pas dégueulasse – est une erreur. « Les autres pays ont des joueurs qui seraient prêts à mourir sur le terrain. Nous, on a des gars qui ont été choisis », fait-il remarquer. Une manière de rappeler que les stars américaines ont parfois tendance à se croire en vacances quand elles ne portent pas la tunique de leur franchise, celle qui les payent des dizaines (centaines) de millions de dollars.

L’excuse des absents est particulièrement difficile à avaler. La Serbie est allée en finale sans Nikola Jokic, Milos Teodosic, Boban Marjanovic, Vasilije Micic et bien d’autres encore. La Grèce jouait sans Giannis Antetokounmpo. Le Canada s’est retrouvé sans Jamal Murray, Andrew Wiggins, Bennedict Mathurin, Shaedon Sharpe ou Brandon Clarke ! La France a composé avec le forfait de Victor Wembanyama et la blessure de Frank Ntilikina. Bref.

Faut-il d’ailleurs rappeler aux Américains que cette même équipe tricolore, portée par Rudy Gobert et Evan Fournier, est passée très, très, très près de faire tomber les USA aux JO de Tokyo ? Longtemps au contact, les Bleus n’ont perdu que de 5 points (82-87) et il a fallu un excellent Kevin Durant pour que les joueurs de Vincent Collet ne réalisent pas l’exploit. Envoyer la crème de la crème n’est pas l’assurance de gagner, c’est devenu la seule chance de ne pas perdre.

Les gagnants et perdants de la Coupe du monde

Surtout que les stars, elles ne veulent pas toujours venir. Les saisons NBA sont déjà tellement longues, surtout pour ceux qui vont loin en playoffs, dont a priori les meilleurs joueurs. Passé un certain âge, ils préfèrent se reposer. La venue d’un Stephen Curry ou d’un LeBron James à Paris reste plus un fantasme qu’une vraie possibilité à ce stade. Et peuvent-ils à ce point faire la différence à ce stade de leur carrière ? Ce n’est pas pour rien que les joueurs qui acceptent de venir l’été sont jeunes. Sauf que les jeunes cainris, ils sont de moins en moins forts.

Enfin, non. Ils sont tous très doués individuellement. Encore une fois, c’est le mot clé. Mais ils comprennent de moins en moins le basket. Et pas seulement le basket FIBA. Le Team USA débarque chaque année avec des joueurs qui n’ont pas de vécu commun et monte une équipe sans vrai principe de jeu autre que de « défendre fort en profitant des qualités athlétiques des joueurs en question » et « courir pour marquer en contre-attaque. » Dès que ça coince, c’est du « hero ball. » Et ça, ça ne marche déjà plus en NBA ! Encore moins sur la scène internationale.

Au final, ils pratiquent un basket qui est à l’image de celui de leur pays. La formation américaine a un vrai problème de fond. Elle crée des talents en pagaille en profitant d’un vivier extraordinaire. Elle ne crée presque plus des basketteurs. Ce n’est sans doute pas une coïncidence si les cinq derniers MVP sont Européens et Africains. L’affiche des dernières finales NBA entre les Denver Nuggets et le Miami Heat était perçue comme une surprise mais ça n’aurait pas dû être le cas. Ces deux équipes étaient celles qui pratiquaient le meilleur basket collectif – avec en prime Nikola Jokic, le meilleur joueur du monde, un Serbe, pour les Nuggets – et elles ont pris le dessus sur de nombreuses individualités.

Paolo Banchero Team USA FIBA

Que ce soit au lycée ou en AAU, tout est fait pour que les jeunes joueurs US soient mis en avant. Il n’y a pas d’apprentissage des fondamentaux. Et les meilleurs d’entre eux restent de moins en moins longtemps à la fac, là où les gloires d’antan peaufinaient leur talent. Alors peut-être qu’envoyer l’équipe A prime des Etats-Unis peut suffire… mais pendant encore combien de temps ? Une armada avec Booker, Tatum, Edwards, Haliburton, Jaylen Brown, Bam Adebayo peut-elle vraiment gagner les Jeux ?

Ça fait des années que l’écart s’est réduit et surtout continue de se réduire avec les plus grandes nations européennes. Non seulement ces équipes ont des bases collectives plus solides et des styles de jeu plus ancrés mais elles ont aussi des groupes qui se connaissent mieux, compétition après compétition, tout en surfant sur un nombre accru de talents qui partent se tester en NBA. Que vaudra l’Allemagne quand Wagner, 22 ans, deviendra un vrai All-Star ? Comment contrer la Serbie quand elle trouvera le meilleur système pour utiliser Jokic ? Que donnerait la Grèce avec une génération dorée autour de Giannis ? La France avec Wembanyama ? Combien de temps avant que l’Espagne, qui performe continuellement en jeunes, revienne avec une équipe super talentueuse ?

Le Team USA ne sera peut-être même plus dominateur sur son propre continent, comme le laisse déjà penser le résultat de la petite finale. Le Team Canada présente des caractéristiques similaires à ses voisins, autant pour ses forces que pour ses faiblesses. La différence, c’est qu’il peut compter sur une forme de continuité. Le vivier est moins grand, même s’il s’élargit avec des jeunes prospects draftés de plus en plus haut, et ce sera ainsi plus facile de créer un esprit de groupe. Tout en comptant sur des supers talents comme Gilgeous-Alexander.

La NBA reste le championnat le plus relevé de la planète, avec les meilleurs joueurs, et les Américains n’ont peut-être pas fini de dominer le basket. Mais faire l’autruche et continuer d’ignorer tous les signaux qui s’accumulent depuis des années serait une grosse erreur. Il n’y a pas que l’équipe de France qui doit se remettre en question après cette Coupe du Monde.