Avec Zion, NOLA rêve du Nirvana

Avec Zion, NOLA rêve du Nirvana

Sans surprise, les New Orleans Pelicans ont choisi le phénomène Zion Williamson avec leur premier choix cette nuit. Le début d’une nouvelle ère.

Antoine PimmelPar Antoine Pimmel | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Analyse
« Un talent générationnel » pour Kevin Durant. « Le successeur de LeBron James », selon Steve Kerr. Un phénomène pour tous. Le premier choix incontesté de cette Draft NBA 2019. Les New Orleans Pelicans ont fait ce qui a été annoncé depuis le jour où ils ont remporté la loterie : ils ont sélectionné Zion Williamson en première position. Et voilà que le destin de la franchise peut basculer. Le simple fait d’avoir mis la main sur le first pick – et donc l’assurance de pouvoir piocher le joueur le plus attendu en NBA depuis… toujours ? – a fait exploser les demandes d’abonnement au Smoothie King Center. Tous veulent voir le prodige qui va donc débuter sa carrière avec un maillot des Pelicans. Il n’y a jamais eu autant de « hype » autour d’un prospect. Bon, il est évident que c’est surtout une question d’époque. Le niveau d’excitation était déjà énorme quand LeBron James a débarqué du lycée à la NBA en 2003. Mais les réseaux sociaux n’avaient pas la même ampleur à ce moment-là. Aujourd’hui, ils sont incontournables et ils amplifient les mouvements. C’est d’ailleurs d’abord sur YouTube que Williamson s’est fait un nom. Il était alors un jeune adolescent scolarisé au sein du petit établissement de Spartanburg, en Caroline du Sud. Plus grand et plus fort que ses camarades, il dominait le championnat local en dégageant une facilité assez impressionnante. C’était une machine à dunks et à highlights. Un phénomène internet. Mais le temps a prouvé qu’il était finalement bien plus que ça et c’est ce qui l’a mené à rejoindre James, Kyrie Irving ou Anthony Davis parmi les premiers choix absolument unanimes de l’Histoire de la Draft. Et ce malgré le fait qu’il soit l’un des plus jeunes joueurs de la promotion 2019.

Comparaisons historiques : l’ADN de Charles Barkley et de Larry Johnson

Son âge – il fêtera ses 19 ans début juillet – le rend encore plus excitant et intrigant. Parce que c’est déjà un colosse. Un homme parmi les enfants au lycée. Puis à la faculté. Et peut-être bientôt en NBA. Avec 129 kilos, il est déjà le deuxième joueur le plus lourd du championnat derrière le géant Boban Marjanovic ! Dingue. Il est épais mais incroyablement explosif et ça donne une impression visuelle complètement folle : celle d’un TGV avec des propulseurs. Une boule de muscle qui décolle. Un rock. Une météorite. Certains y verront peut-être un air de Charles Barkley ou de Larry Johnson. Soit un Hall Of Famer et un All-Star. Comme eux, il est un peu petit pour jouer intérieur au sens traditionnel du terme. Il est mesuré à 2,01 (1,98 m pour les deux légendes NBA). Il est sous-dimensionné pour son poste. Même si, encore une fois, le basket a évolué et les références sont du coup bousculées. Comme eux, il est surtout puissant et explosif. C’est même le mot clé, « explosif ». Il a de l’explosivité verticale et horizontale. Rapide sur ses appuis, fort dans les jambes. Ça pourrait presque être un excellent joueur NFL – il avait d’ailleurs une offre d’une université qui voulait le convaincre de se mettre au foot US. Sa vitesse de déplacement pour sa corpulence est terrifiante. Et sa détente… ça donne des actions ultra spectaculaires. Il est déjà réclamé pour le prochain concours de dunks en février prochain. Mais les comparaisons sont injustes – souvent parce que les jeunes prospects sont loin de pouvoir les tenir. Là, c’est encore différent. Elles sont injustes parce que Zion Williamson est un prospect unique avec une combinaison d’atouts peut-être jamais vue en NBA.

Les forces de Zion Williamson

Dans sa vidéo détaillée sur le natif de Salisbury, ESPN avance cinq points clés : son physique, sa création offensive, sa polyvalence défensif, son moteur et sa progression intéressante aux tirs. https://www.youtube.com/watch?v=KexmeHer2Vs&t=5s L’aspect physiologique est prédominant. C’est ce qui se voit en premier et c’est aussi ce qui se voit le plus. Un père ancien joueur de foot US, une mère ancienne sprinteuse et un beau-père ex-basketteur à l’université. Il a un entourage qui connait le monde du sport et il a évidemment les bons gènes. Une vraie force de la nature dont les superlatifs et descriptifs viennent à manquer. Il a le corps pour briller en NBA, le championnat le plus relevé et le plus exigeant du monde. Il doit encore apprendre à s’en servir complètement et à le maîtriser pleinement. N’oublions pas qu’il n’a pour l’instant que 18 ans. Mais son physique devrait l’aider à se frayer un chemin dans les raquettes et à conclure de près malgré les contacts.

L’un des meilleurs joueurs de l’Histoire de la NCAA

Cet atout était à la fois le point le plus enthousiasmant de son jeu mais aussi celui dont découlait le plus d’interrogations : OK, il a largement pris le dessus sur des joueurs très jeunes, mais quid contre des athlètes universitaires mieux entraînés ? Les réponses n’ont pas tardé à venir. Dès août 2018, pour son premier match avec les prestigieux Blue Devils de Duke, Williamson a collé 29 points et 13 rebonds. Ce n’était qu’une rencontre amicale de pré-saison. Pour ses débuts officiels, il est monté à 28 points à 11 sur 13 aux tirs en 23 minutes pour une victoire écrasante (118-84) contre Kentucky. La machine était lancée. Zion a ensuite roulé sur la NCAA. Des cartons, des records et des prix des places en très forte hausse à chacun de ses passages aux quatre coins du pays. L’attraction basket de l’année, toutes ligues confondues. Le plus fort, c’est qu’il justifiait cette « hype » avec un rendement exceptionnel. 33 matches, 30 minutes passées en moyenne sur le terrain, 22,6 points, 68% aux tirs, 33% à trois-points, 64% aux lancers, 8,9 rebonds, 2,1 passes, 2,1 interceptions et 1,8 block. Un PER évalué à 41,4, le plus haut de l’Histoire de la NCAA. Il a raflé quasiment toutes les récompenses individuelles : meilleur joueur de la Conférence ACC, MVP du tournoi ACC, meilleur freshman et même meilleur joueur universitaire de la saison. Seul regret, une élimination contre Michigan State en huitièmes de finale malgré 24 points et 14 rebonds du bonhomme. Et maintenant les mêmes questions qui resurgissent : peut-il faire de même contre des adultes professionnels plus grands et plus costauds ?  

Zion Williamson, un cocktail explosif

Le jeune homme n’a pas toujours été aussi grand et aussi fort. Par contre, il rêvait très tôt de devenir une star… universitaire, comme son beau-père passé par le programme de Clemson. Alors sa mère et son deuxième paternel l’ont entraîné dès le plus jeune âge. Dès 9 ans, il se levait aux aurores pour travailler ses dribbles et il affrontait déjà des joueurs parfois beaucoup plus vieux que lui. Ses parents ont tenu à apprendre les bases du jeu, notamment dans la peau d’un meneur. Conséquence plus ou moins directe, c’est aujourd’hui un athlète très agile ce qui est d’autant plus intéressant et détonnant pour un gabarit aussi puissant. Il n’a évidemment pas le « handle » d’un meneur NBA mais il est à l’aise balle en main. Il a notamment la capacité à changer rapidement de direction mais aussi à change de rythme brusquement ce qui peut poser des difficultés aux défenseurs adverses, notamment quand des intérieurs moins mobiles auront la lourde tâche de le contenir. Zion Williamson a le profil du basketteur qui brille voire excelle en transition dès son arrivée chez les pros. Un peu comme LeBron James, Anthony Davis ou Giannis Antetokounmpo. Il peut pousser le tempo juste après avoir pris un rebond et créer des décalages en prenant la défense de vitesse. C’est d’ailleurs un bon passeur sur jeu ouvert (« open court » en VO). Il peut aussi finir fort en déboulant au cercle. Alvin Gentry, le coach des Pelicans, est un entraîneur qui prône du basket rapide et offensif. Le rookie devrait donc avoir carte blanche pour initier et/ou conclure des contre-attaques.

Des solutions offensives, même sur demi-terrain

C’est un peu le stéréotype des joueurs aux qualités athlétiques exceptionnelles : ils manquent parfois, souvent, de créativité ou technique purement basket. Ce n’est pas nécessairement vrai pour le phénomène de cette cuvée 2019. Il a des qualités à faire valoir même quand le jeu est plus posé. Avec sa détente et sa vitesse, il sera évidemment une cible à alley-oops sur chaque pick-and-roll. Un écran sur le défenseur du porteur de balle, il roule, il décolle et il claque ça dans l’arceau. Mais c’est dans la peau de « driver » qu’il sera peut-être encore plus attrayant. C’est un intérieur capable de créer du jeu balle en main. Mike Krzyzewski ne lui laissait malheureusement que trop peu d’opportunités à Duke, où R.J. Barrett était finalement souvent le dépositaire du flow offensif. Williamson peut initier les picks-and-roll en étant à la baguette afin d’en profiter pour foncer au panier. Les défenseurs prendront sans doute l’habitude de passer sous les écrans pour le forcer à tirer à mi-distance, a priori un point faible pour lui. Mais lui laisser prendre de l’espace revient aussi à prendre le risque de l’aider à se lancer sur quelques mètres. Sa puissance et son explosivité peuvent l’aider à tout de même se frayer un chemin au panier. Gentry a aussi tout intérêt à le placer parfois au poste bas. Selon les statistiques avancées, il était le joueur le plus efficace de la NCAA dos au panier cette saison. Après, ce n’est pas vraiment une question de « moves » à ce stade de son développement. Son bagage technique peut s’enrichir. Il n’a pas – pas encore ? – un jeu de feintes pour faire décoller ses vis-à-vis. Il se contentait de les dégager en puissance, avec tout de même de très bons appuis. Ce n’est pas dit qu’il soit aussi efficace en NBA mais il peut clairement prendre le dessus sur des adversaires plus petits ou moins forts physiquement, et ils seront nombreux !  

« Two way player », la marque des vraies stars

Contrairement à plein de jeunes prometteurs, Zion Williamson ne se contente pas d’être bon en attaque. Il cherche à avoir un impact des deux côtés du terrain. Et là encore, ces atouts physiologiques l’aident à faire la différence. Sa vitesse ne lui sert pas qu’à dépasser ses adversaires. Il l’utilise aussi pour rester face aux porteurs de ballons en défense. Cette même vitesse latérale laisse entrevoir un joueur capable de « switcher » constamment sur les écrans et ce quel que soit le profil en face, ou presque. Un avantage qui colle parfaitement au basket moderne. Un peu comme un Draymond Green, il a la puissance pour contenir un pivot et la vivacité pour ralentir un arrière. Tout en « bonds ». Il sautille d’un coin à l’autre ce qui peut s’avérer être un défaut contre des meneurs intelligents qui sauront exploiter les espaces entre chaque bond. N’empêche qu’il a la vitesse pour recouvrir à temps même après avoir été battu et la détente pour contrer méchamment par derrière. Ainsi qu’un sacré sens du timing. Peut-être pas assez pour être un protecteur de cercle à plein-temps dès ses débuts en NBA. Il reste limité à 2,01, là où un Giannis ou un Kevin Durant pointe à minimum 2,11. Mais sa taille ne doit pas être sous-estimée pour autant. Comme le soulignait le spécialiste ESPN Mike Schmitz, « il joue fréquemment au-dessus des sept pieds » avec son élévation verticale. C’est par exemple un très bon rebondeur. Son énergie et sa détermination l’aident à compenser ce manque relatif de centimètres. Parce qu’il joue avec dureté ce qui est rare pour un joueur aussi béni physiquement parlant. C’est un point important à souligner.

Les faiblesses de Zion Williamson

ESPN, pour garder la même référence, avait ciblé trois défauts : la régularité aux tirs, la discipline défensive et la condition physique. L’aspect défensif sera peut-être le plus facile à régler. Parce que c’est une faiblesse qui découle de l’une de ses forces. Le jeune homme a tellement d’énergie qu’il en devient presque hyperactif. Ou plutôt trop actif. Zion a la tendance – logique – de se jeter sur le ballon. Il est clairement attiré par la gonfle. Il veut tenter des interceptions, des contres. Quitte à parfois sauter n’importe quand et n’importe comment. C’est ce qui empêche parfois un joueur gâté par la nature d’être un stoppeur d’élite. Russell Westbrook en est le parfait exemple. Zion manque de contrôle. Tout simplement parce qu’il manque d’expérience. Les jeunes basketteurs US sont élevés à la sauce AAU où les principes du jeu sont souvent bafoués. Ils n’apprennent pas à défendre collectivement. Lui va devoir s’y mettre. Il a la mentalité et les atouts pour apprendre et répliquer ce qui lui est montré. Et à ce moment-là, il sera sans doute un défenseur vraiment intéressant. Peut-être même un candidat au DPOY à deux blocks et deux interceptions de moyenne dans quelques années si vraiment il prend le pli.  

Le tir, la différence entre un All-Star et une superstar

Le tir. Le nerf de la guerre. Le basket reste un sport d’adresse. Particulièrement en ce moment, suite à la révolution lancée par Stephen Curry et les Golden State Warriors. Le spacing, les trois-points ou juste la menace que peut représenter un joueur derrière l’arc sont des éléments clés du jeu de nos jours. Alors où en est Zion Williamson à ce niveau ? Déjà, il est intéressant de constater qu’il affiche une certaine confiance quand il dégaine derrière l’arc. Il n’a pas hésité à les prendre en NCAA même s’il manque de repères. Parce qu’il manque évidemment de répétition des mouvements : il n’a quasiment jamais eu besoin de tirer pour marquer ou faire gagner. Presque 34% à trois-points (33,8) à Duke, c’est encourageant. Mais 64% aux lancers, c’est déjà plus inquiétant. Les lancers sont considérés comme un bon indice pour évaluer le niveau d’un shooteur. Il est donc encore loin du compte. Sa mécanique est trop approximative – tenue de la balle, appuis, alignement, point de « release ». Il y a du boulot, clairement. Et c’est important. OK, il n’en a pas vraiment eu besoin pour l’instant. Ça ne l’empêchera pas non plus d’être un bon joueur à l’échelon supérieur. Mais c’est souvent ce qui fait la différence entre les stars et les superstars : cette capacité à se créer son propre tir. Notamment dans des situations compliquées avec une défense resserrée. Il lui faut un ou plusieurs « go-to-moves ». Sinon, il va se heurter aux mêmes problèmes que ceux que rencontrent actuellement Antetokounmpo et Ben Simmons. Ou même James par le passé. Il doit devenir un joueur terrible sur demi-terrain pour vraiment s’affirmer comme une première option offensive en playoffs, au-delà du deuxième tour.

Comment les Pelicans doivent construire autour de lui ?

Quand un joueur comme lui ne développe pas un tir fiable, ça devient compliqué de lui passer la balle dans les fins de matches tendues. Les Milwaukee Bucks, qui doivent trop souvent se reposer sur Eric Bledsoe ou Khris Middleton, en savent quelque chose. Cela demande alors des extérieurs décisifs et très talentueux. Alors qu’idéalement, le dernier tir revient au meilleur joueur. « Hero ball ». De ce fait, il sera important pour New Orleans de l’entourer de shooteurs, surtout en attendant un éventuel développement. Il y a un vrai questionnement sur sa complémentarité avec l’effectif actuel des Pelicans, du moins ce qui se met en place. Son association avec Lonzo Ball fait saliver parce qu’il promet quelques beaux alley-oops. Ils seront les deux principaux playmakers du roster. C’est toujours agréable de jouer avec le deuxième choix de la draft 2017 parce qu’il fait circuler la gonfle assez rapidement. Mais il serait idéal qu’il passe un cap sur sa créativité balle en main – agressivité, vitesse, aisance – pour mieux percuter et ainsi mieux compléter Williamson. Le spacing potentiel des Pelicans fait aussi un peu peur. Si le staff a vraiment l’intention d’aligner Ball, Zion Williamson, Brandon Ingram et Jrue Holiday ensemble, ça peut poser problèmes. La plupart ont besoin de la balle. Ça manque de tireurs d’élite. Il faudrait qu’au moins deux de ces quatre joueurs passent la barre des 37% de réussite à trois-points avec un nombre conséquent de tentatives. Ingram est un « slasheur » qui plafonnait à 33% en moins de deux tirs à trois-points par match ! Il n’est pas le meilleur « fit » au côté du premier choix de la draft. Même pourcentage pour Lonzo, mais en 5 tirs, dont les difficultés dans ce domaine sont bien documentées. Holiday était lui à 32%...  

Zion Williamson, le prochain visage de la NBA ?

La présence de Josh Hart dans le cinq, s’il retrouve sa régularité de loin, peut aider. Avec pourquoi pas un groupe « small ball » qui joue très vite. Mais quels que soient les joueurs à ses côtés, il est amené à jouer poste quatre et poste cinq en NBA. C’est peut-être même l’avenir de la ligue : un pivot « small ball » à la Draymond Green, stratégie clé des trois titres des Golden State Warriors. Créateur balle en main, capable de « switcher » sur tous les attaquants ou presque, puissant et vif. Optimisé une fois entouré de snipers. Ça c’est pour le futur proche. Pour l’instant, il est un jeune prospect doué sur plein de domaines mais qui n’a pas encore une spécialité définie, si ce n’est sa domination physique. Il ne faut donc pas s’attendre à ce qu’il soit de suite l’un des meilleurs joueurs NBA. C’est d’ailleurs le défi qui est face à lui, avec toute cette « hype », il doit, selon lui, « vivre aux attentes de tout le monde. Ils me voient déjà comme une superstar et non pas comme un rookie. » Il a le temps. Il sera sans doute un excellent joueur dès ses premiers matches. Avec un impact certain. La suite dépendra de lui. Dans le pire des scénarios, on l’image faire une carrière solide, un All-Star. Dans le meilleur des cas, Zion Williamson deviendra le prochain visage de la NBA.
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