Evan Fournier, l’héritier

Rayonnant dans ce Mondial tant sur le terrain qu'en tant que leader, Evan Fournier suit parfaitement les traçes de la légende Tony Parker sur cette compet'. Il est tout simplement l'une des clés de ce France - Team USA

Evan Fournier, l’héritier
"Avant, on donnait la balle à Tony. Maintenant, c'est à Evan". Cette phrase de Nicolas Batum au sortir du traquenard contre l'Allemagne résume parfaitement le jeu offensif des Bleus sur ce Mondial. Comme si Vincent Collet et son capitaine admettaient pour la première fois que Tony Parker avait un semblant d'héritier, chose qui a toujours été exclu de leur discours. Oui, il est vraisemblable qu'Evan Fournier n'aura jamais l'immense carrière de TP. Oui, son passé avec les Bleus a été l'objet de quelques imbroglios, notamment en 2016 où il n'avait pas été  invité à la grande messe des JO. Mais aujourd'hui, le vrai boss des Bleus, c'est lui. Comme l'a été Parker. Sur le banc et dans les vestiaires également, Evan a changé de statut. "On n'est pas méchants, il faut aller la chercher !", criait-il à ses coéquipiers dans un temps mort contre les Boomers. Même Batum n'a jamais vraiment eu ce rôle d'aboyeur après la retraite de TP, Boris Diaw ou Flo Piétrus. Pas dans son caractère. Evan l'a et c'est ce qu'on attend aussi d'un leader qui l'est déjà par l'exemple qu'il donne sur le terrain. Nando De Colo est certes bien plus qu'un lieutenant et il n'est pas loin de nous faire penser à Papaloukas dans son rôle en sortie de banc. Mais Evan Fournier est la clé de voûte de cette attaque tricolore, celui qui dicte le tempo, fait la pluie et le beau temps. Sa façon de débuter les rencontres de manière agressive, sa capacité à aller au cercle avec une facilité déconcertante, son toucher dans la raquette... Tout ça nous rappelle clairement le TP qui n'avait pas encore trente ans.

Intenable sur pick and roll

Ce état de fait semble être entré dans la tête de Vincent Collet, lui qui a articulé pendant sept ans ses schémas autour du désormais jeune retraité. Il y a clairement des ressemblances dans ce que met en place le coach des Bleus. Evan Fournier a ce jeu, cet état d'esprit de vouloir punir l'adversaire avec une rage caractéristique. Il est le joueur du Mondial, en dehors du naturalisé coréen Guna Ra, qui prend le plus de tirs avec 16,6 tentatives de moyenne. Sur les deux matches du second tour, ça grimpe à 22,5 ! Presque une aberration dans le basket FIBA. À la manière de ce que faisait Tony Parker, Evan Fournier mise sur sa lecture du pick plus que sa vitesse et son contrôle des lay-up. Que ce soit avec Rudy Gobert (principalement) ou Vincent Poirier et Matthias Lessort, le joueur du Magic se régale à lire ce que la défense lui donne. Face aux Australiens qui ne sortaient pas, il a sanctionné à mi-distance. Pareil contre la Lituanie et Jonas Valancicunas. Si le défenseur sortait, il transperçait ses adversaires avec cette sensation que personne ne peut le tenir.

Vincent Collet revisite des anciens systèmes de TP pour lui

Les systèmes de Vincent Collet reposent surtout sur ce pick de Fournier, la très grande majorité du temps en tête de raquette, ou à 45 degrés à gauche. Un positionnement éloigné de la ligne à trois points (environ 2m) qui lui permet de rentrer dans l'axe sur sa main forte, soit de prendre le tir. Longtemps, Tony Parker faisait de cet atout son arme létaleen FIBA, comme en NBA d'ailleurs. On ne voyait plus trop, même avec Nando, cette obsession du pick pour un seul joueur. Ses 3,4 passes par match prouvent qu'il peut créer pour les autres. Avec l'âge, il lira mieux les couloirs de passes, lui qui n'a que 26 ans. Il est déjà un meilleur shooteur que le #9 légendaire. TP a dû lui attendre 27-28 ans pour devenir une vraie arme régulière à longue distance.

Evan Fournier a la clé face à Team USA

Cet après-midi face à Team USA, Evan Fournier vivra le match international le plus important de sa carrière. Plus encore que celui contre l'Espagne en 2014. Les Américains le connaissent et il va se heurter à une défense collective d'un tout autre niveau. Plus physique, plus agressive, plus sur les lignes de passes. Evan Fournier sait qu'il sera surveillé comme le lait sur le feu. Son niveau de confiance est tel, qu'il a la capacité de nous emmener vers l'un des plus beaux exploits de l'histoire du basket français. Sa défense, très mésestimée à côté de ses prestations offensives, est largement au-dessus de la moyenne. Combien de fois l'a-t-on vu couper un retour de passe, s'arracher sur les écrans loin du ballon ou gagner son duel en un contre un depuis le début du tournoi ? Cette saison en NBA, son coach Steve Clifford, spécialiste défensif, lui filait systématiquement le meilleur joueur adverse. Les Harden, LeBron, Durant et cie, il en a mangé. Là, ce sera Donovan Mitchell, Jayson Tatum, Jaylen Brown ou Khris Middleton. Collet réservera Kemba Walker, trop petit pour Fournier, à ses meneurs chiens de garde Ntilikina et Albicy. Evan à l'habitude de ces duels. Le contexte FIBA change un peu la donne mais est à son avantage car il a son deuxième rideau derrière, en l'occurence Rudy Gobert. C'est une clé non négligeable si les Bleus veulent imposer un combat de rue, à la manière de France-Espagne en 2014. Avec cette fois Evan Fournier en principal architecte.