La carrière de Sam Bowie analysée dans un doc ESPN

Sam Bowie, celui qui restera à jamais le joueur qui a été drafté devant Michael Jordan en 1984, a eu droit à son documentaire sur la chaîne sportive américaine.

Benoît JametPar Benoît Jamet  | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Focus
La carrière de Sam Bowie analysée dans un doc ESPN
Dans la mystique sportive, des noms surgissent ainsi et provoquent la même réaction chez tous les fans, que ce soit de l’incrédulité, de l'admiration, de la tristesse ou de la joie. Michael Jordan, par exemple, est considéré par (presque) tous comme le "Greatest Of All-Time" tandis qu'un joueur comme Greg Oden représentera, sans doute à tout jamais, le symbole d'un joueur au potentiel infini dont la carrière aura été totalement anéantie par les blessures. Mais, bien avant l'ex-pivot d'Ohio State, un autre joueur drafté par les Blazers avait connu sensiblement le même destin : celui d'une star universitaire dont la carrière pro n'aura clairement pas été a la hauteur de son statut de 2ème choix de la draft, en tous cas aux yeux du grand public. Ce joueur, c'est Sam Bowie, un pivot de 2m16 et 107 kgs, dont la vie a changé car, en 1984, les dirigeants des Portland Trailiblazers ont décidé d'en faire leur premier choix de draft devant le plus célèbre #23 de l'histoire, Michael Jordan. Sam Bowie, un nom, une histoire et dorénavant un documentaire ESPN, "Going Big", pour retracer le parcours de ce "mythe" des années 80. Ce doc fait partie de la série "SEC Storied" qui se concentre sur des athlètes ayant marqué l'histoire des universités de la SouthEastern Conference (SEC) universitaire, comme l’équipe des Arkansas Razorbacks, champions universitaires en 1994, et de leur slogan "40 minutes of Hell". Moins sexy que celui sur Lolo Jones (qui fut élève à LSU), "Going Big" est aussi passionnant car il analyse, avec le recul, l'un des plus grands "Et si...?" de l'histoire du basket. [superquote pos="g"]"Je peux me souvenir d'eux prenant un petit marteau et me tapotant le tibia gauche et de moi leur disant 'je ne sens rien'."[/superquote]Lebanon High School, en Pennsylvanie, c'est ici qu'a débuté Sam Bowie. Avec ses 28pts et 18 rebonds, il fut la star lycéenne la plus demandée par les plus grandes universités NCAA, devant des joueurs comme Dominique Wilkins, Isiah Thomas, James Worthy ou Ralph Sampson. C'est finalement Kentucky qui fut choisi en 1979 par le grand Sam pour aller y exercer son talent, indéniable. Sa carrière à Lexington fut des plus correctes, à tel point que son maillot trône même au plafond de la Rupp Arena. Dès son premier match avec les Wildcats, il devint une véritable attraction, scorant 22pts face à Duke et son pivot, Mike Gminski, qui était alors l'un des meilleurs universitaires.   [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=d3a3Fsl5cbA[/youtube]   Mais le ver était déjà dans le fruit puisque ses deux dernières saisons sur le campus furent entachées de multiples blessures aux tibias, qui se révélèrent être fatales à sa carrière professionnelle. Sam Bowie a d'ailleurs révélé, dans une interview précédant la diffusion du documentaire, qu'il avait menti aux médecins des Blazers lors de la traditionnelle visite médicale pré-draft.
"Je peux me souvenir d'eux prenant un petit marteau et me tapotant le tibia gauche et de moi leur disant "je ne sens rien". Mais, au plus profond de moi, ça me faisait mal. Vous pouvez appeler ça mentir et trouver que c'est mal mais, au bout du compte, quand vous avez des proches dans le besoin, alors je pense que n'importe qui aurait fait pareil." a déclaré Sam Bowie.
Malgré ces blessures antérieures, et sans doute à la suite de cette visite médicale (qui n'avait pas du être très poussée non plus, malgré les 7h passées), les Blazers finirent par sélectionner Sam Bowie, en deuxième position de la draft 1984, un cran derrière (H)akeem Olajuwon mais juste devant Michael Jordan. Le documentaire donne la parole à certaines personnes remettant en contexte ce choix, qui est souvent désigné comme "le pire choix de draft de l'histoire". Pour être juste envers les dirigeants des Blazers de l’époque, Michael Jordan n’était encore qu'un joueur universitaire de grand talent, mais dont on ne pouvait pas encore discerner le potentiel mythique, tandis que Portland possédait déjà un arrière exceptionnel en Clyde Drexler et avait alors besoin d'un pivot, puisque les franchises NBA s'armaient alors en centimètres (d'ou le titre "Going Big" du documentaire), à l'image des Rockets qui possédaient déjà la première Twin Tower, Ralph Sampson, avant d'en drafter une autre cette même année, avec (H)akeem Olajuwon. Jack Ramsay, le coach des Blazers d'alors, en parle d'ailleurs avec franchise.
« Je ne me rappelle pas avoir entendu le nom de Michael Jordan mentionné." Jack Ramsay à propos du rookie de North Carolina.   "Ce qu'on aurait dû faire, c'est trader Clyde Drexler et le choix de draft pour récupérer un pivot et sélectionner Michael Jordan. Mais, en y repensant, je pense que j'aurais encore choisi Sam." Jack Ramsay, pas très clair dans ses explications dans "Going Big".
Dans le même temps, Rod Thorn, le GM des Bulls de l’époque, déclare que Chicago n'aurait pas sélectionné Bowie en 3ème position, en raison de ses multiples blessures passées. Charles Barkley, lui, a sa propre opinion, assez explicite comme d'habitude, sur le choix fait par les dirigeants des Blazers.
"Ils avaient Clyde Drexler, un Hall of Famer. Drafter un autre joueur pour jouer exactement au même poste, cela aurait été vraiment stupide." Charles Barkley dans "Going Big"
  [youtube]http://www.youtube.com/watch?v=tjzCsbVixUg[/youtube]   Finalement, le 19 juin 1984, la face de la NBA fut sans doute changée par cette phrase prononcée par David Stern au Madison Square Garden lors de la 38ème draft.
"Portland choisit Sam Bowie, Université du Kentucky" David Stern, 19 juin 1984
Apres avoir joué 76 des 82 matches lors de sa première saison dans l'Oregon, prouvant ainsi que son physique était à la hauteur des exigences du calendrier NBA et de ses déplacements (qui n’étaient pas alors aussi confortables qu'ils le sont maintenant), c'est un coup reçu à la jambe de la part d'un coéquipier qui fut l’élément instigateur du lent, mais sûr, déclin du physique de Bowie. Finalement, Sam Bowie connut une carrière plutôt longue puisqu'il passa 10 années dans la Ligue, au cours desquelles il disputa 511 matches et connut 3 franchises différentes. Ses chiffres en carrière (10,9 pts, 7,5 rbds, 2,1 passes et 1,7 contre en moyenne) pourraient même être comparés très favorablement avec ceux d'autres choix faits après 1984, et même avant si l'on veut prendre l'exemple de Larue Martin (#1 en 1972 par les Blazers), de Kent Benson (#1 en 1977 par les Bucks) ou de Joe Barry Carrol (#1 en 1980 par les Warriors).  Hasheem Thabeet (#2 en 2009), par exemple, a des moyennes de 2,3 pts et 2,7 rbds sur ses 3 premières années en NBA.  Darko Milicic (#2 en 2003), en 9 saisons, n'a tourné qu'a 6pts et 4,2 rebonds, tandis que Kwame Brown (#1 en 2001) traîne ses 6,7pts et 5,5 rbds depuis plus de 11 saisons maintenant. Et si ces noms semblent être ceux de joueurs qui furent beaucoup plus draftés pour leur potentiel que pour leurs accomplissement passés en NCAA, au contraire de Sam Bowie, le nom de Danny Ferry sera sans doute celui mettant fin au débat. Le Dukie, ayant mené ses Blue Devils à 3 Final Four en 4 ans, fut sans doute l'un des plus grands joueurs de cette université. Il fut, lui aussi, sélectionné en 2ème position en 1989 par les Clippers, devant des joueurs Sean Elliott, Glen Rice ou bien encore Tim Hardaway. Ses moyennes en NBA ? 7pts et 2,8 rbds en 186 917 matches disputés. Sam Bowie aura donc surtout eu la malchance qu'une des franchises les plus maudites de la Ligue ne le drafte une petite place devant le plus grand joueur de l'histoire. C'est donc, en partie, pour réhabiliter son nom que Sam Bowie a accepté de participer à ce documentaire, pour remettre les choses au point, sans animosité aucune mais dans un souci d’atténuer la noirceur avec laquelle est regardée sa carrière professionnelle. Ce qu'il veut que les téléspectateurs retirent de ce témoignage, c'est qu'il fut un joueur n'ayant jamais renoncé.
"J'aimerais que les gens se disent que ce gars, Sam Bowie, ne s’arrêtait jamais et qu'il ne baissait jamais la tête et n'abandonnait jamais. Et je ne pense pas que ce soit quelque chose qu'on puisse vous apprendre. Quand on parle de don de la nature, c'est une qualité qui n'est jamais mise en avant. On parle de la vitesse ou bien de la hauteur à laquelle on peut sauter ou combien un athlète est monstrueux. Mais vous avez le gène de "l'acharnement" ou bien vous ne l'avez pas." Sam Bowie, à propos de sa carrière et du documentaire la décrivant.
Sam Bowie, un destin incroyable pour celui qui est maintenant un éleveur de chevaux à succès dans le Kentucky, où son maillot reste accroché au plafond d'une des salles les plus vénérées du basketball universitaire et qui, pourtant, aura vu sa carrière être qualifiée comme l'une des plus décevantes de l'histoire au seul regard de celle du joueur sélectionné une place derrière lui.
Afficher les commentaires (14)
Atlantic
Central
Southeast
Pacific
Southwest
Northwest