Nikola Mirotic et la sélection espagnole, c’est quoi le problème ?

Le futur joueur des Chicago Bulls pourra-t-il un jour défendre les couleurs de l'Espagne au détriment de Serge Ibaka ?

Vincent RicardPar Vincent Ricard  | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Focus
Nikola Mirotic et la sélection espagnole, c’est quoi le problème ?

Nikola Mirotic est source de bien des interrogations en Espagne depuis le début de la saison. Outre son probable départ vers les Chicago Bulls l'année prochaine, les esprits se focalisent sur le désir du Monténégrin de naissance d'intégrer ou non la sélection espagnole, tandis que la Roja fonde de grands espoirs au moment d'accueillir « son » Mondial. Lancé dans le grand bain par Ettore Messina à 18 ans – l'année où il a acquis la nationalité espagnole – et star incontestée du championnat d'Europe U20 de 2011 disputé sur sa terre d'adoption, l'intérieur ne s'est jamais dépucelé au niveau international malgré son envie de revêtir le maillot rouge. Pourquoi donc ?

L'ombre de Serge Ibaka

Fait connu de tous, l'Espagne ne peut aligner qu'un joueur naturalisé lors de rencontres officielles. Déclaré citoyen espagnol en 2011 par le conseil des Ministres – comme cela avait été le cas pour l'illustre Wayne Brabender sous Franco – Serge Ibaka a les faveurs de la Fédération depuis 2011. Choix tactique ? Prime au plus âgé ? Oui, mais pas que. De par ses aptitudes physiques, l'ailier fort du Thunder est le pendant parfait de l’indéboulonnable trio Pau Gasol-Felipe Reyes-Marc Gasol. A la suite de la prise de recul de Fran Vazquez, l'Espagne manquait d'un grand habitué des basses besognes. Avec le natif de la République du Congo, la Roja a trouvé la perle rare : un intérieur au profil défensif et doté de capacités athlétiques lui permettant de suivre le rythme dicté par les Etats-Unis ou la France, deux des trois dernières nations à l'avoir mise en déroute (contre sa volonté) jusque-là. S'étendre davantage sur les différences d'apports entre le technique Nikola Mirotic et l'athlétique Ibaka n'a en fait que peu d'intérêt, car le point-clé se situe ailleurs. En bons franchouillards, nos discussions avec nos homologues espagnols autour du cas Serge Ibaka ont souvent commencé par ses origines plus proches de l'Hexagone que du pays de la paëlla. Yeux noirs, ton grave, la réponse de nos interlocuteurs n'a jamais dévié : « Ibaka est Espagnol ! ». Pour comprendre l'attachement réciproque entre Serge Ibaka et l'Espagne, il faut revenir à son arrivée sur le Vieux-Continent, au milieu des années 2000. A l'époque le désormais NBAer vient de fuir son pays natal et cherche un point d'ancrage où il pourra développer ses qualités déjà évidentes. Un représentant de U1rst Sports – agence à l'origine de nombreuses arrivées en Espagne de jeunes talents étrangers – tombe sous le charme et s'empresse de présenter sa perle aux dirigeants du CB L'Hospitalet, petit club de la banlieue barcelonaise. Seulement, l'affaire n'est pas simple. Ibaka, qui s'entraine avec Prissé-Mâcon, est retenu par la Fédération congolaise et les tractations financières trainent en longueur. La Fédé espagnole s'en mêle et la FIBA finit par statuer en faveur du joueur, libre de signer où il l'entend. Pris sous l'aile bienveillante de son agent et de L'Hospitalet, Serge Ibaka apprend l'espagnol à vitesse grand V et profite du savoir-faire des équipes catalanes en matière de formation pour exploser aux yeux de tous. Le joueur d'OKC se sent encore aujourd'hui redevable de cette ténacité et n'a de cesse de répondre présent aux rassemblements de la Roja, même lorsque la Fédé espagnole de basket (FEB) ne l'invite pas vraiment.

Le lock-out piège la Fédé espagnole

En 2011 déjà, la FEB nourrissait l'espoir d'aligner ses deux naturalisés, avant de se faire rattraper par les règles FIBA et de trouver un compromis logique : à Mirotic l'Euro U20, à Ibaka l'Eurobasket lituanien. Sauf que le lock-out NBA passe par là et que les cartes s'en trouvent redistribuées à l'approche des Jeux olympiques. Serge Ibaka rejoint, plus ou moins à court de forme, le Real Madrid et se voit contraint de jouer les utilités derrière Mirotic. L'Hispano-Monténégrin en sort grandi, la FEB s'emballe et lui promet une place pour Londres. Mais voilà, la NBA reprend ses droits, Ibaka termine meilleur contreur d'une saison tronquée et atteint les Finales contre le Miami Heat. La Fédé se sent en position de force et veut mettre ses deux jeunes ailiers à l'épreuve lors de la campagne qualificative. Patatras... Nikola Mirotic se sent trahi et refuse ne serait-ce que d'être pré-sélectionné. Une trahison qui ne passe toujours pas aujourd'hui, comme l'ont prouvé, entre les lignes, les récents propos tenus par le Madrilène dans le quotidien Marca en mars dernier.
« Je veux jouer pour la sélection espagnole et que personne ne doute de moi. J'espère que la Fédération espagnole se positionnera publiquement pour dire si elle souhaite m'avoir moi ou Serge Ibaka ».
Le décor est planté et aucun nouveau compromis ne peut être trouvé. Un compromis que la FEB avait d'ailleurs tenté d'obtenir en 2013 en laissant Ibaka à la maison alors qu'il n'était pas forcément contre une nouvelle campagne sous le maillot rouge. La suite est connue, Nikola Mirotic ne se pointe pas, Ibaka ronge son frein et la tension monte, tandis que l'intérieur du Thunder n'attend qu'une chose : se mesurer à Mirotic en préparation. Cette situation n'est qu'un secret de Polichinelle en Espagne et les envolées médiatiques (savamment orchestrées) dans certains journaux madridistes n'ont eu d'autres effets que de faire pencher la balance en faveur d'Ibaka, le « vrai » espagnol, au détriment du « naturalisé » Mirotic dans l'esprit des aficionados. Aujourd'hui, après l'annonce de la venue d'Ibaka, la FEB se retrouve dans une situation compliquée mais qui lui va bien : soit Mirotic vient et l'Espagne gardera le meilleur des deux, soit Mirotic reste en retrait et passe pour le vilain petit canard. Autre solution, qui est la position "officielle" de la Fédération : militer pour l'évolution des règles FIBA. Le Président, José Luiz Saez, le dit depuis des années, son but est de rehausser le quota maximal de naturalisés à deux, tel que ce fut le cas par le passé. Une vision jusqu'ici refusée par la FIBA ainsi que par les Fédérations continentales (FIBA Europe, FIBA America...) au moment où les naturalisations arbitraires pleuvent au Qatar ou en Europe orientale. Reste la dernière proposition en date : exclure les joueurs formés localement des naturalisés, ce qui aurait le mérite de faire passer Nikola Mirotic et une flopée de jeunes africains ou serbes actuellement présents dans les canteras pour des Espagnols pur souche.
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