Qu’est-ce que le trouble bipolaire, la maladie dont souffrirait Ben Gordon?

Depuis quelques années, la parole s'est libérée en NBA concernant la santé mentale, avec notamment des témoignages de Kevin Love et Demar Derozan. Également atteint par des problématiques de santé mentale, l'ancien arrière des Bulls Ben Gordon a confié dans un texte il y a quelques années souffrir d'un trouble bipolaire de l'humeur. Mais quelle est réellement cette maladie et comment cela a-t-il affecté sa vie ?

Le parcours de Ben Gordon

Les plus jeunes d'entrevous ne s'en souviennent pas, mais Ben Gordon a été un joueur marquant des années 2000. Pas vraiment une superstar, il a néanmoins eu un parcours plus qu'honorable dans la ligue en plus d'avoir été sacré champion NCAA en 2004 avec UConn.

Sélectionné la même année en 3ème position à la draft par les Chicago Bulls, il a formé un trio performant avec Kirk Hinrich et Luol Deng et a même été sacré Sixth Man of the Year lors de son année rookie. Ces Bulls ont un temps représenté l'espoir d'un retour de la franchise de l'Illinois au plus haut niveau après la retraite de MJ (spoiler: ce retour a été quelques années plus tard par l'équipe de D-Rose, Thibodeau, Jooks et consorts mais sans titre NBA). Après quelques saisons prolifiques avec une pointe à 20.7 points de moyenne en 2008-2009, il a signé aux Pistons où sa production statistique n'a plus été la même. Il a fini sa carrière NBA en 2015 au Magic d'Orlando après un passage aux Bobcats de Charlotte dans un rôle plus mineur.

C'est plusieurs années après la fin de sa carrière que l'Anglais a de nouveau fait parler de lui, pour de mauvaises raisons, avec notamment 3 arrestations en 9 mois entre 2022 et 2023. Ces arrestations ont eu pour motif divers troubles à l'ordre public comme lors de son arrestation à Harlem  où il  essayait d'attaquer plusieurs personnes avec des aiguilles à coudre de manière erratique.

Le trouble bipolaire de l'humeur

Le trouble bipolaire peut être grossièrement défini comme une alternance, chez les personnes atteintes, d'épisodes dits "dépressifs" et "maniaques" ou "hypomaniaques". La réalité est moins simple que cela et il existe bon nombre de classifications différentes pour tenter de distinguer différentes formes de trouble bipolaire, tant la maladie peut s'exprimer différemment selon les personnes. Les troubles débutent typiquement entre 15 et 25 ans mais la maladie est difficile à diagnostiquer tant elle peut se confondre avec d'autres pathologies, comme des épisodes de dépression. Le délai de diagnostic de ce trouble excède 15 ans pour 20% des patients.

Cet article ne paraissant pas dans une revue scientifique, nous nous en tiendrons à la définition grossière ci-dessus afin de simplifier. Les épisodes dépressifs peuvent présenter les symptômes suivants: fatigue ou manque d'énergie, sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée. Troubles de la concentration, pensées de mort, troubles d l'appétit...

Les épisodes maniaques ou hypomaniaques présent entre eux les mêmes symptômes mais à une intensité différente:   augmentation de l'activité ou de l'énergie, de l'estime de soi, idées de grandeur, réduction du besoin de sommeil, désir de parler constamment, fuite des idées, distractibilité (attention trop facilement attirée par des stimuli sans importance), agitation psychomotrice, achats inconsidérés, conduites sexuelles inconséquentes, investissements commerciaux déraisonnables, délires...

Là encore, les symptômes sont variables d'un individu à un autre, voire d'un épisode à un autre chez un même individu au cours du temps. Ces définitions sont volontairement incomplètes afin de pouvoir traiter plutôt de l'aspect basket, même si je me rends compte que je viens de vous proposer une belle "tartine de jargon psychiatrique indigeste", mais indispensable pour éclairer l'histoire de Ben Gordon. Donc désolé d'aller trop en profondeur, ou pas assez en profondeur. Au choix...

Les difficultés de Ben Gordon

D'après la description des symptômes ci-dessus, et en suivant la confession de Ben Gordon dans le player's tribune, il est possible d'imaginer que les épisodes de trouble de l'ordre public ont été précipités par une symptomatologie d'épisode maniaque, tant ceux-ci peuvent être spectaculaires et être vecteurs d'agitation chez la personne atteinte.

Ce trouble est bien sombre pour l'ancien Bull, mais heureusement, il existe actuellement des traitements médicamenteux qui, alliés à un bon encadrement par des professionnels de santé, permettent de diminuer la survenue et l'intensité des épisodes de trouble de l'humeur, voire d'empêcher leur survenue en cas de réponse très positive. Ces traitements peuvent être lourds, et pourvoyeurs d'effets indésirables. Le parcours de malade chronique est difficile, mais il semblerait que Ben Gordon ait regagné de la stabilité dans sa vie et qu'il aperçoive la lumière au bout du tunnel. En effet, si aucun autre incident n'a lieu pour lui d'ici à septembre 2025, les charges de ses précédentes affaires vont être effacées de son casier judiciaire. C'est tout ce qu'on peut souhaiter à ce joueur qui a redonné, l'espace de plusieurs saisons, du baume au cœur des supporters chicagoans bien moroses après la seconde retraite de MJ.

L'objectif de ce "papier" n'est pas de stigmatiser Gordon et les personnes souffrant de trouble bipolaire, au contraire. C'est une maladie qui affecte 1 à 4% de la population et dont des perspectives de traitement existent. Il est pour l'heure impossible d'en guérir, mais une vie épanouissante est possible, de telle sorte que vous connaissez sans doute des personnes souffrant de cette maladie, sans que vous ayez la moindre idée de leur souffrance. Si vous voulez un exemple, fictionnel mais intéressant quand même, de trouble bipolaire dans le milieu du sport, je vous invite à regarder la série "Ballers" et vous intéresser au personnage attachant de Ricky Jerret, joué par l'excellent John David Washington.

 

Sujet hyper intéressant et malheureusement encore méconnu même s'il est de plus en plus évoqué. Merci beaucoup pour cette session !

Et très bonne réf à la fin ! J'aime beaucoup ce personnage
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Merci d'en parler.

Ces dernières années malheureusement, autant les problématiques psy et les mal-être divers et variés augmentent dans la population, autant les médias se contentent de l'appelation fourre-tout "trouble mental", en ne grattant pas plus loin. Ca existe au moins désormais. Oui. Mais on en dit pas plus, on informe pas plus.

Alors pour le public lambda, ca peut vite devenir le fourre tout bien pratique aussi pour celui qui au final sera perçu comme ne faisant pas d'effort. Parce que parfois on ne comprend pas, ne pouvant l'expérimenter soi-même. Pas envie de bosser? Allez hop, dépression, mais bien sûr : à d'autres... Du mal à me contrôler? Ben voyons, il va dire qu'il est bipolaire c'est ça? etc

Mais ce sont de vrais maladies que l'on évoque là pourtant, de la dépression à la bipolarité en passant par les troubles alimentaires. Avec des symptômes difficile à appréhender pour quelqu'un qui n'en souffre pas, qui plus est. Et des traitements qui ne sont pas dénués d'effets secondaires.

Ce serait bien qu'on commence un peu plus à informer sur ces problématiques là, quitte à les évoquer de loin en loin. Merci à toi pour ton article, donc !
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Merci beaucoup pour ton retour!
Je me disais que le sujet méritait d'être un peu plus gratté moi aussi.
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