Abdul-Jabbar nous livre son analyse sur les difficultés offensives en playoffs

"Trop de joueurs ne comprennent pas les aspects les plus subtiles du jeu"

Abdul-Jabbar nous livre son analyse sur les difficultés offensives en playoffs
  Dans un très intéressant papier pour ESPN, la légende nous livre son point de vue sur les raisons qui expliquent les difficultés des équipes actuelles à livrer des matches de haute intensité offensive. Entre souvenirs et anecdotes et avec la finale 1985 Lakers-Celtics comme point de comparaison, le meilleur marqueur de l’Histoire de la ligue nous offre ici une analyse pertinente. Le constat de départ est simple : les équipes, aujourd’hui, marquent moins, beaucoup moins et moins régulièrement :
« Prenez par exemple les finales de 1985. Dans la défaite des Celtics du game 6, ils n’ont marqué que 100 points, le plus faible total pour chacune des équipes dans cette série. Dans le game 1, les Celtics avaient établi la marque référence pour les tirs à 3 points, prenant 9 tirs et  convertissant 7 d’entre eux (77.8 %). Les deux équipes se concentraient sur la création et sur la prise de tirs à haut pourcentage, ce qui permettait de garder les tentatives de tirs à 3 points à un niveau bien plus bas que ce qu’on peut voir aujourd’hui. Au contraire, dans beaucoup de séries cette année, voir une équipe atteindre les 100 points est une rareté, quand les tentatives de tirs derrière l’arc à deux chiffres sont la norme. »
Expliquer pourquoi les attaques éprouvent des difficultés ne représente pas une tâche aisée, mais l’homme aux 6 titres de MVP de la saison régulière veut bien s’y risquer :
« On me demande souvent pourquoi le scoring a baissé. Il y a certains changements de règlements (la zone, par exemple, qui est maintenant acceptée) et aussi les évolutions du coaching et de la préparation. Mais l’explication la plus importante, dans mon esprit, est à chercher avant même que les joueurs arrivent en NBA. »
Pour Kareem Abdul Jabbar, si les joueurs actuels éprouvent des difficultés à être performants  et réguliers en attaque, ce n’est pas vraiment une question de talents, mais plutôt de travail spécifique, physique aussi bien que mental, en amont du grand saut dans la grande ligue :
« Les équipes NBA de mon époque étaient remplies de joueurs qui avaient passé un temps significatif à l’université avant de passer pro(…) j’ai personnellement travaillé avec un joueur qui n’arrivait pas à faire l’ajustement entre ‘penser une grande rencontre’ et ‘jouer une grande rencontre’. Le joueur dont je parle avait toutes les capacités physiques imaginables, mais il avait une compréhension très réduite de comment utiliser ses compétences chez les pros
Vous l’aurez compris, Jabbar, sans militer ouvertement pour des mesures contraignantes à l’égard des lycéens qui font le choix de sauter la case NCAA, n’en reste pas moins un fervent défenseur des années universitaires. Pour lui, ce sont ces années qui permettent la formation de personnes responsables et abouties mais aussi et surtout de joueurs accomplis :
« Quand je suis arrivé dans la ligue, un joueur ne pouvait pas rejoindre la NBA avant que sa classe d’âge du lycée n’ait finit l’université.(…)Quand les joueurs de cette époque allaient à l’université, ils devaient gagner du temps de jeu et devaient essayer de concurrencer les anciens devant eux sur la liste des joueurs ayant un temps de jeu significatif. Les joueurs devaient également prendre le temps d’apprendre les schémas de jeu de leurs coachs en attaque et en défense avant d’être considérés comme apte à jouer. Lorsque j’étais à UCLA, les ‘première année’ n’étaient pas autorisés à jouer en université. Cette règle fut changée en 1972, trois ans après l’obtention de mon diplôme.(…)Après le combat légal de Spencer Haywood en 1971, seuls les joueurs pouvant prouver qu’ils étaient dans le besoin étaient autorisés à partir plus tôt pour la NBA. »
Rappelons que Spencer Haywood est le joueur à l'origine de la modification des règles d'éligibilité en NBA. Pour Abdul-Jabbar, ce changement n’est pas nécessairement un bien. Ni pour les athlètes en question et l’évolution de leur jeu, ni pour les fans donc et la qualité du jeu qui leur est proposée :
« Ajoutez à cette hiérarchie le fardeau consistant à devoir aller en classe pour continuer les cours indispensable pour continuer à être éligible et vous avez un système qui faisait à coup sûr en sorte que les joueurs qui entraient en NBA étaient des connaisseurs du jeu. En plus de cela, les responsabilités qu’ils devaient assumer pendant leur passage universitaire aidaient à les rendre plus mature et prompt à avoir développé une éthique de travail pendant ces années. Faire la transition pour le monde professionnel était bien moins risqué pour ces joueurs. »
En sus, s’il ne cite aucun joueur ou personnalité, il en profite pour fustiger ouvertement l’adoption de règles qui détériorent la qualité de la formation universitaire en même temps qu’une partie de la valeur du championnat :
« Le basketball universitaire n’est pas vraiment plus qu’un échauffement avant la NBA pour les plus talentueux qui ne font qu’une saison. Trop de joueurs ne comprennent pas les aspects les plus subtiles du jeu et leurs indéniables capacités athlétiques hors du commun tend à les desservir lorsqu’ils éprouvent toutes les peines à apprendre le jeu professionnel dans des situations à haute pression. »
Mais son analyse prend une toute autre dimension lorsqu’il prend le cas d’un joueur confirmé en l’espèce de Dirk Nowitzki :
 « Un jeune homme peut entrer en NBA juste parce-qu’il a du potentiel, mais si ce potentiel ne se manifeste pas, il sera échangé ou coupé par un manager soucieux des finances de l’équipe. Et même ceux qui passent ce premier écueil n’arrivent pas toujours à la hauteur de leur potentiel. Un bon exemple est Dirk Nowitzki. A 2.13 m, il avait l’opportunité de jouer en université aux Etats-Unis, mais des personnes proches ont dit que Dirk a évité de jouer en université américaine parce-qu’il aurait eut d’abord à défendre et prendre des rebonds et jouer avec les big men. Dirk a été un exceptionnel attaquant, mais ses statistiques NBA en carrière montrent qu’il a des qualités limitées en défense, au contre et au rebond. On ne saura jamais combien il aurait été bon en ayant passé plus de temps à travailler ses aptitudes avec un coach universitaire de renom. »
Il en profite pour rendre hommage à certains grands noms du coaching universitaires sans qui certains joueurs ne seraient probablement jamais sortis :
 « J’ai mentionné un peu plus tôt les playoffs de 1985 et les rencontres offensives, intéressantes et agréables à regarder. Le coaching de grande qualité dont beaucoup de joueurs ont bénéficié plusieurs années durant y aura certainement contribué. Cedric Maxwell a joué à Charlotte pour Bill Foster, qui a gagné plus de 500 matches universitaires. Kevin McHale (Jim Dutcher à Minnesota), Byron Scott (Ned Wulk à Arizona State) et Magic Johnson (Jud Heathcote à Michigan State) ont tous appris sous les ordres de coaches qui connaissaient le jeu et l’ont enseigné pendant des années. Deux autres légendes furent également bien représentées : Dean Smith de North Carolina par Bob McAdoo, Mitch Kupchak et James Worthy ; et John Wooden, qui a coaché Jamaal Wilkes et moi-même à UCLA. »
Pour finir, il explique que seul son intérêt pour le jeu parle et que son but n’est nullement d’allumer les joueurs ou les entraineurs. Pour lui, dans l'intérêt de tous, la qualité du jeu doit primer pour offrir un spectacle de qualité aux nombreux fans autour du monde :
 « Je crois sincèrement que les fans n’obtiennent pas la même satisfaction que par le passé parce-que la NBA n’attire pas le même genre de joueurs à l’éducation aboutie. En 1985, le plus faible total de points sur une rencontre était de 211. Pour l’instant, dans les playoffs, seulement trois matches en trois tours –tous durant la dernière semaine écoulée- ont atteint ce total. »
A trois semaines de la draft, nul doute que ce débat fera à nouveau couler beaucoup d'encre.