Cam Thomas, lumière née de l’ombre

Cam Thomas, lumière née de l’ombre

Le contexte défavorable des Nets a grandement profité à Cam Thomas, qui a parfaitement su saisir sa chance de rayonner.

Benjamin MoubèchePar Benjamin Moubèche  | Publié  | BasketSession.com / MAGAZINES / Analyse

Kyrie qui ? Les exploits de Cam Thomas éclipseraient presque l’actualité mouvementée de son équipe. Le meneur, profitant de l’obscurité jetée sur les Brooklyn Nets par le transfert de Kyrie Irving et la blessure de Kevin Durant, brille nuit après nuit par ses performances invraisemblables.

Il a fallu se frotter les yeux, la première fois, pour s’assurer que les 44 points du sophomore face aux Wizards étaient bien réels. "Je pourrais tout le temps faire ce que vous avez vu ce soir", avait-il alors averti. On ne peut que lui donner raison pour le moment. Sur les deux matches suivants, pour ses premières titularisations de la saison et en back-to-back, Thomas s’est montré à la hauteur de son audace.

44,7 : voilà la moyenne de points du meneur sur les trois derniers matches. Si l’on pourrait croire, au premier abord, que ces coups de chaud sont forcés, Thomas semble être au contraire d’une spontanéité saisissante. Les chiffres vont d’ailleurs dans ce sens, avec "seulement" 35,6 minutes par rencontre, ainsi que 56% au tir et le même pourcentage à trois points.

C’est avec cette sensation de facilité troublante que le 27e choix de la draft 2021 est entré, ce mardi, dans l’histoire de la ligue. À 21 ans, il est en effet devenu le plus jeune joueur à enchaîner trois matches à au moins 40 points. Il restera aussi à jamais à avoir accompli cet exploit chez les Nets en NBA. Rick Barry l’a bien fait avant lui, en 1972, mais c’était en ABA.

"C’est vraiment surréaliste. Je suis juste heureux d’avoir mon nom dans les livres d’Histoire aussi jeune. Évidemment, je préférerais avoir la victoire (les Nets ont perdu deux de ces trois matches, ndlr), mais c’est bien d’avoir mon nom dans l’Histoire", savoure l’athlète, tout en émettant quelques réserves.

Perdre en ayant marqué 47, puis 43 points est certes frustrant. D’autant plus lorsque ces deux performances se succèdent à 24 heures d’intervalle. Mais personne ne s’attendait à ce que Brooklyn remporte ces matches sans Kevin Durant, à l’infirmerie, et Kyrie Irving, définitivement parti.

Après tout, il n’y a pas de lumière sans ombre. Cam Thomas n’aurait probablement pas eu l’occasion d’étinceler ainsi dans le contexte habituel de l’équipe. Lorsqu’Irving était disponible, il n’affichait qu’une moyenne de 9,7 minutes par rencontre, pour 4,5 points. Il lui a fallu s’armer de patience avant que son coach, Jacque Vaughn, appuie sur l’interrupteur et le laisse se révéler au grand jour.

"C’est génial qu’il puisse montrer ce dont il est capable. Je ne pense pas qu’il ait un jour douté de lui-même. En tant que groupe, en tant qu’organisation, nous n’avons jamais douté de lui. Il a profité pleinement de l’opportunité", observe l’entraîneur.

Kevin Durant, porte totalement fermée par les Nets !

Cam Thomas pourra-t-il briller à côté de Kevin Durant?

Actuellement, Thomas apporte une lueur d’espoir dans les moments sombres que traverse l’équipe. Qu’en sera-t-il lorsque Durant sera de retour ?

Le staff des Nets, qui le voit à chaque entraînement, était sans doute déjà conscient de l’ampleur de son talent. L’ancien produit de LSU figurait en effet parmi les meilleurs marqueurs de NCAA lorsque la franchise l’a drafté, il y a moins de deux ans. Elle n’a d’ailleurs jamais douté de lui, à en croire Vaughn. En isolant ces seuls arguments, le temps de jeu du natif de Yokosuka, au Japon, apparaît comme une énigme.

Il subsistait un certain scepticisme sur sa capacité à produire au plus haut niveau avant cela, bien sûr. Il en reste sûrement, car trois matches ne font pas tout. Mais les choses ne sont jamais si faciles pour une équipe aussi ambitieuse que Brooklyn.

Offensivement, quelque chose coince encore. Cam Thomas dispose, en premier lieu, d’un profil plutôt unidimensionnel. Le meneur ne crée pas vraiment pour les autres, comme le suggèrent ses 3,7 passes de moyenne sur ses trois performances remarquées. Qu’il brille par son scoring est une très bonne chose. Il faut toutefois comprendre qu’il ne brille que par cet aspect du jeu.

On se heurte également à un problème de style. Sur ses trois gros matches, Thomas a pris 45% de ses tirs à mi-distance. Il empiète alors sur le royaume de Kevin Durant, pièce maîtresse du collectif. Cela n’a rien de dommageable en son absence. Les deux joueurs partagent toutefois les mêmes zones préférentielles et pourraient ainsi se gêner mutuellement une fois réunis.

Dernier point, mais pas des moindres : le basket se joue, même en 2023, des deux côtés du terrain. Brillant attaquant, le sophomore se fait plus discret en défense. L’envie n’est pas toujours là, pour commencer. Son physique (1,93 m pour 95 kg) ne lui permet pas non plus vraiment de switcher. C’est, malheureusement pour lui, une qualité presque essentielle dans le système des Nets aujourd’hui.

Brooklyn a en effet redynamisé sa défense après le départ de Steve Nash et ne compte certainement pas revenir en arrière. L’arrivée de Dorian Finney Smith promet, au contraire, une progression dans ce secteur.

Cameron Thomas fait oublier Kyrie Irving, au moins pendant un temps. Il rappelle en revanche des joueurs comme Lou Williams ou Jamal Crawford. Il semble ainsi, par la force des choses, condamné à sortir du banc de cette équipe aux objectifs particulièrement élevés.

Malgré tout, sa dynamique actuelle lui permettra certainement de décrocher un vrai rôle parmi les remplaçants. Ce serait déjà une belle promotion. Peut-être même que cela l’amènera à débuter les matches… avec un autre maillot.

À un peu plus de 24 heures de la trade deadline, la valeur du meneur de 21 ans est plus haute que jamais. Son petit salaire — 2,2 millions en 2023-2024, 4 millions en 2024-2025 — en fait par ailleurs une cible de choix. Il pourrait éventuellement servir, avec quelques picks, à faire passer la pilule Ben Simmons dans les négociations.

Ces choses relevant toutefois plus de la divination que de l’analyse, seul le temps nous permettra de savoir ce qu’il adviendra de Cam Thomas. Mais rien ne pourra, quoiqu’il arrive, effacer son coup d’éclat des tablettes. Il ne lui aura suffi que d’un éclair pour entrer dans les mémoires de manière définitive.

Et si les Nets étaient mieux sans Kyrie Irving, finalement ?

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